Parce que les demi-elfes ne naissent pas des choux...
Post by Nìmora Eldanyàrë, AD - March 7, 2011 at 11:40 AM
La grand-mère
Il y avait la grand-mère, aussi, mais je ne crois pas vous en avoir encore parlé. La mère de ma mère, précisément. De quoi s’époumoner et fondre en larmes devant ces trois générations de femmes de la même famille. Ou, dans ma situation, de quoi recevoir des regards lourds de reproches d’être celle ayant osé arrêter cette descendance à « seulement » trois générations. Eh non. Quinze ans et aucuns nourrissons potelés encore sortis d’entre mes blanches cuisses pour me briser les oreilles et me faire vieillir prématurément de par des vergetures ignobles, des seins flasques et des ridules de fatigue.
Ma grand-mère était une femme… Oui, il y a une suite à cette phrase, car il est plus qu’évident qu’elle ne fut pas faite homme. Elle était une femme remarquable de par ses conseils et de sa profonde humanité. Je me souviens encore, à mes dix ans, de l’exemple qu’elle nous donnait, à ma mère et à moi. Je regardai ma mère astiquer frénétiquement l’argenterie la plus laide qu’il m’eut été permis de voir. Enroulée dans mon gilet de laine crocheté, je levais mes yeux d’enfant sur le visage nerveux de ma génitrice. Elle faisait les cent pas dans la cuisine, tantôt à frotter ses chandeliers à en faire croire qu’un géni en sortirait, tantôt à s’assurer de la perfection de mes boucles blondes. Elle avait d’ailleurs dû s’y prendre la veille au matin, à l’aide de bout de coton que j’avais moi-même taillé, afin que les boucles soient souples à l’arrivée de grand-mère. J’ai le souvenir précis de notre échange, lorsque pour la cinquième fois au moins elle inspectait le chandelier.
"-\tPourquoi as-tu sorti ces horribles objets, maman?
-\tDevine qui me les a offerts…?
-\tGrand-mère arrive!
-\tOui… Et nous l’attendons avant le déjeuner. Il te reste quelques minutes pour fuir.
-\tMais, maman… Tu n’as pas hâte de la voir? Moi, oui! Je l’aime tellement!
-\tOh… Mais je l’aime aussi, je t’assure! Beaucoup, même… Mais à petite dose. Et ta grand-mère ne sait pas être … petite."
J’allais lui répliquer que sa phrase ne faisait aucun sens, avec ma grande sagesse de préadolescente qui savait déjà tout sur tout, mais nous entendions le carrosse arriver dans la grande allée. Ma mère enserra ma tête bouclée de ses deux mains pour me baiser le front, avant de me faire pivoter vers l’entrée pour que nous attentions la matriarche de notre famille si particulière. Nous faisions alors face à la porte, en silence, désormais toutes deux gagnées part l’anxiété et l’appréhension. Ma grand-mère déboulait dans notre entrée spacieuse, se déplaçant avec peine sur sa canne. Le regard de ma mère s’arrêta sur le bout de bois ouvragé qui supportait ses énormes mollets bien gras et son postérieur proéminant. Elle ne savait visiblement par que sa propre mère était blessée. Ou du moins, si elle le savait, elle ne s’attendait pas à voir une si petite canne soutenir tout cela. Le silence fut troublé par une exclamation feinte mais politiquement correct de ma mère qui ouvrait déjà les bras pour l’accueillir.
"-\tHey…! Vous ne m’aviez pas dit que vous étiez blessée! J’aurais été vous chercher moi-même, si j’avais su…"
Elle l’embrassa de ses deux bras avec un enthousiasme exagéré et un sourire faux, comme celui des femmes sur les gravures des romans d’amour. Ma mère voulait plaire à celle qui l’avait mise au monde; difficile de le lui reprocher!
"-\tLa jambe cassée. Cela fera… Déjà vingt sept jours. C’est aimable de te soucier de moi."
Le visage de ma mère se décomposa alors. Elle comprenait que le décompte si exact de journées était un reproche lourd de sens envers elle. Les hostilités étaient déclenchées, et moi, au milieu de cette guerre, je me contentais de suivre les deux femmes de ma vie parler à double tranchant.
"-\tOh… J’aurais dû vous écrire plus tôt, mais vous savez comme il est éprouvant d’avoir une famille nombreuse… Et… Embrasse ta grand-mère, ma chérie."
Non, bien évidemment, qu’elle ne le savait pas. Ma grand-mère n’avait eu que trois filles dont ma mère, qui était l’ainée. Mais j’étais encore jeune, et je croyais alors que trois enfants étaient une tribu, une guilde, un repeuplement…! Ma désormais pauvre mère écarquilla les yeux et me poussa devant elle afin de détourner l’attention de ma grand-mère. J’allais enlacer cette vieille femme franche mais blessée. Ses étoffes soyeuses me chatouillaient le nez. Je ne me doutais pas, jadis, que les artisans de ce tissu étaient des insectes. Jamais je ne me serais permise de la toucher, sinon!
"-\tMais regardez-moi ça… Ça commence à pointer."
C’était certainement sa manière de me dire que j’avais vieilli. Je l’espère. Mais du haut de mes dix ans, je n’avais eu qu’un air indigné en guise de remerciement, tant j’étais choquée. Distraitement, je croisais mes bras contre ma poitrine presque inexistante. Je contournais ma mère pour quitter l’entrée à vive allure, avec ce qu’il me restait de dignité. Elle eut tout juste le temps de me murmurer :
"-\tCompte-toi chanceuse qu’elle ne l’ait pas crié en plein marché…"
Ma mère eut le courage de rester en compagnie de grand-mère. Je les entendis s’installer à la petite table du boudoir. Enfin, j’entendis ma grand-mère s’installer; le bois du fauteuil criait sous son poids. Ma mère, plus discrète, lui servit rapidement du thé et un petit pain sucré. La conversation reprit rapidement :
"-\tDis-moi… Il y a du nouveau dans ta vie?
-\tEh bien, avec le commerce, nous avons beaucoup à faire. Nous avons ouvert une seconde boutique non loin du port pour…
-\t… Je vais me marier."
Il faut dire que grand-mère avait été marié à deux reprises, et les deux époux furent monstrueux. Le premier échoua lamentablement son mariage au profit d’une bouteille d’alcool et le second était mort peu après ma naissance. La savoir se marier donnait une impression étrange. Une main sur ma bouche ouverte, complètement stupéfaite de la nouvelle, je poursuivais mon écoute attentive. Le silence ne dura que quelques secondes :
"-\tJe vous demande pardon?! Mariée? Mais … Avec qui?
-\tMonsieur Destouches. J’ai été chanceuse, le sortilège du filtre qu’on m’a vendu a fait effet.
-\tJe suis stupéfaite… J’ignorais que vous voyiez quelqu’un. Et le mariage est prévu pour…?
-\tDemain."
Si j’étais déphasée à ce moment précis, je crois que ma mère échappait de près à une crise de quelque chose de très douloureux. Le silence a retombé quelques secondes, laissant tout juste le temps à ma mère d’encaisser avant de reprendre, la voix hautement perchée, à présent.
"-\tDemain...? Vous voulez dire Demain?! Pourquoi ne pas m’avoir avisé plus tôt… Je ne suis pas prête, pas prête du tout… Et le commerce…
-\tPeut-être que si tu me visitais un …
-\t…Peu plus souvent, oui, je sais. Mais c’est si soudain, Mère!
-\tJe sais bien, il ne lui reste pas longtemps à vivre et il déteste ses fils. Je serais la seule héritière. Nous sommes riches, ma fille."
Décidément, ma grand-mère était une conseillère avisée et son humanité rendait ma mère bouche bée.
Inspiré de Desperate Housewives, Les Petites Bourgeoises, Emma Bovary et plein d'autres.
Post by Nìmora Eldanyàrë, AD - March 16, 2011 at 10:15 PM
Monsieur Destouches
Depuis que grand-mère avait fait entrer dans la famille Monsieur Destouches, ma vie était devenue un véritable enfer. Puisqu’il était en froid avec ses fils –vous souvenez-vous?-, il s’était entêté à parasiter notre famille. C’était, pour lui, une entente officieuse du contrat de mariage. Il n’avait pas qu’épousé cette bonne pièce de femme; il s’était offert une famille par alliance. C’est ainsi que nous le recevions régulièrement, à chaque semaine, pour une longue et pénible journée, du matin au soir.
Il faut d’abord souligner que Monsieur Destouches était un être misogyne, ce qui était quelque peu problématique dans la mesure où c’était ma mère qui gérait le foyer, comme une reine gouverne sur ses sujets. Elle se voyait donc forcée de subir les remarques insultantes et choquantes de ce vieux monsieur à chacune de ses visites. Je me souviens m’être questionnée à son sujet. Je ne comprenais tout simplement pas pourquoi ma mère ne chassait pas cet intrus comme elle le faisait des jouvencelles s’approchant un peu trop de mes frères plus âgés. Sa réponse m’avait profondément marqué, dans ma candeur de pré-adolescente.
-\tMais maman… On le connait à peine et il t’insulte! …Et je crois qu’il observe autre chose que mon pendentif, quand il me parle.
Il s’agissait d’un ambre en forme de larme que mon père m’avait offert, alors que j’étais encore toute petite. Une pièce intéressante, comme tout ornement serti d’ambre, mais qui semblait littéralement captiver Monsieur Destouches. Un peu trop. C’est pourquoi j’avais conclu, depuis quelques semaines déjà, que Monsieur Destouches aimait bien les jeunes filles. Un peu trop.
*-\tOh, ma chérie… Ta grand-mère l’aime beaucoup, et… Tu sais, nous devons supporter ce monsieur, par respect pour ta grand-mère. Il a refait son testament… C’est comme un effort de guerre, tu comprends? *
Je comprenais alors très bien que ma mère ne souhaitait pas chasser un millionnaire de notre salle familiale. Se faire claquer le postérieur par un vieux croulant était, pour elle, un effort de guerre dont la bataille finale serait une somme considérable.
En plus de sa misogynie prononcée, Monsieur Destouches était également raciste et ne manquait pas d’insulter vertement tout ce qui n’était pas humain. Les elfes étaient de pauvres « tarlouzes » vivant dans un « terrier elfique » -Oui, je sais… Cette vague métaphore entre le peuple elfique et les lapins me venaient naturellement en tête. Jouer de la harpe et tisser du macramé étaient, pour lui, synonyme de faiblesse, dans le mesure où tout les elfes s’adonnaient à ces uniques activités. Je lui accorde personnellement qu’un peuple pédestre pratiquant uniquement les arts ne serait pas voué à jouir d’une longue descendance, généalogiquement parlant, et que leur taux de prospérité se verrait réduite drastiquement. Évidemment, mon père ne supportait aucunement les commentaires hautement philosophiques de Monsieur Destouches. Je crois que sa nature purement elfique allait à l’encontre des arguments avancés, mais le supporter relevait de l’effort de guerre.
Les nains étaient vulgaires et possédaient un trop fort penchant pour la bibine –voyez qui parle! Les petites personnes étaient toutes des voleurs et s’amusaient à prendre les emplois des honnêtes humains. En ce qui concerne les gnomes, il avançait prudemment, de temps à autre, qu’il n’avait rien contre eux, qu’il les appréciait, même, attachés à une chaîne au fond du jardin, car c’était là le funeste destin des animaux de leur genre. Je vous épargne les demi-elfes attachés par les oreilles à la corde à sécher, de l’odeur des demi-orcs et des éclats de colère concernant les elfes noirs.
En plus de ces innombrables défauts, Monsieur Destouches avait, comme je l’ai spécifié plus haut, une petite faiblesse. Il s’agissait des jeunes filles, bien sur. Et j’étais la seule jeune fille de la maison. Vous avez certainement visité ces fêtes foraines, ces foires et ces cirques, où de sauvages et bestiaux animaux sont emprisonnés dans de petites cages. Le regard qu’ils nous lancent peut parfois nous donner l’impression que nous sommes appétissants. C’était précisément mon cas lors des visites de Monsieur Destouches. Il n’avait jamais osé m’approcher ou commettre un geste dégoûtant –je me permets de douter de ses chances de survie s’il avait osé - mais le regard qu’il me portait me donnait cette drôle d’impression, celle d’être un morceau de tarte aux pommes particulièrement délicieuse. Ainsi, à chacune de ses visites, je me voyais contrainte de m’assoir sur lui pour lui faire la bise. Laisser Monsieur Destouches me faire sautiller sur ses genoux était, en quelque sorte, mon effort de guerre.
Quoi qu’il en soit, désormais que nous savons tous à quel point Monsieur Destouches était un homme apprécié, à la maison, il arriva en compagnie de ma grand-mère un soir précis. Et avec un homme inconnu. Mes grands-parents nous firent nous assoir dans le petit salon, entassés sur un seul canapé afin que Monsieur Destouches puisse s’allonger sur le second.
-\tJe veux un portrait de famille
Ma mère ouvra la bouche, l’air complètement ahuri. J’entendais déjà mes frères plus âgés protester avec humeur. Je les comprenais et partageais leur avis. Attendre des heures, figée dans une posture peu naturelle, que le peintre termine ses croquis, ne m’enchantait d’aucune manière que ce soit.
-\tLa famille est très importante, pour Monsieur Destouches.
Mon frère le plus vieux marmonnait diverses railleries avec de vulgaires mots que je ne transposerai pas dans ce présent récit. C’était à mon tour de prend un air déphasé. Ma grand-mère en mettait un peu trop, et je crois que même Monsieur Destouches se doutait qu’elle n’était pas tout à fait sincère. Je souligne qu’il était en froid avec sa famille depuis plusieurs années. Justement, il jugea nécessaire de nous le rappeler :
-\tComme ma première famille ne me parle plus, je veux assurer, avec ce portrait, pour foutre leur foutre les boules concernant le testament. La petite, bouge toi, je vais me mettre à côté de toi.
Ce fut les trois heures les plus longues de ma vie.
Inspiré de Desperate Housewives et de Jane Austen.
Post by Nìmora Eldanyàrë, AD - April 15, 2011 at 8:28 AM
Nathan
Lorsque je disais que m’assoir aux côtés de Monsieur Destouches fut les heures les plus longues de ma vie, j’avoue m’être trompée. Attendre le retour de Nathan Hearlaer est bien pire.
Dans cette ville étrangère, un furet sur les genoux, je ne compte pas les heures, ni les minutes. Chaque seconde loin de lui fait éternité.
Post by Nìmora Eldanyàrë, AD - May 28, 2011 at 7:26 PM
La mort de Monsieur Destouches
Ma première expérience avec la mort ne s’est pas produite avec un poisson rouge, ni avec un chien, ni même avec l’un de ces petits rongeurs que l’on trouve souvent en cuisine. Non, ma première expérience avec la mort fut le décès de Monsieur Destouches, car toute bonne chose a une fin.
Nous étions une fois encore tous réunis dans le salon. Avec Monsieur Destouches. Ma mère avait toutefois acheté quelques fauteuils en plus. Considérant les besoin d’expansion du nouveau mari de sa mère et notre famille pour le moins nombreuse, ce n’était pas un achat superflu, bien au contraire. Étant de loin la plus petite de la famille, je me coltinais toujours les places les moins populaires : coincée entre deux de mes frères les plus costauds, au sol avec le chien à l’odeur douteuse ou encore, comme cette soirée précise, en équilibre sur le reposoir du canapé.
Nous écoutions donc le rire gras de Monsieur Destouches et les minauderies de Grand-mère avec beaucoup d’amertume. À quelques reprises, ma mère avait tenté de parler des nombreuses boutiques qu’elle avait ouvertes ou des dernières nouvelles en ville, comme ce navire systérien explosé en plein port, mais immanquablement, Monsieur Destouches ramenait le sujet de conversation à sa personne. Il nous racontait, avec des larmes de rire plein les yeux, comment il avait pu tirer avantage de ses deux divorces. Grand-mère riait à chaque anecdote comme s’il s’agissait de l’humour le plus fin qui soit, plus particulièrement à l’histoire des boucles d’oreilles de l’ancienne Madame Destouches. Elle ignorait l’air ennuyé de mes frères et celui catastrophé de ma mère, suppliant avec une affection doucereuse son époux de raconter ce récit une fois de plus.
L’affaire était fort simple, si bien que je me permets d’en glisser mot ici, en quelques phrases à peine. Le premier cadeau qu’il avait offert à sa première femme avait été deux boucles d’oreille incrustées d’énormes diamants, de la taille d’un gros pois. Il était enfin riche, après des années de dur labeur, et sa pauvre femme était souffrante; il les lui avait offertes sans état d’âme. À sa mort, les bijoux lui reviendraient immanquablement et, comme un investissement à long terme, il pourrait les offrir à une seconde femme – beaucoup plus riche – pour la charmer. Lors du divorce d’avec sa seconde épouse –beaucoup plus riche!-, Monsieur Destouches accusa sa seconde épouse de tous les tords pour récupérer la presque totalité de leur fortune commune… Dont ces fameuses boucles d’oreilles! Il avait pris soin de les offrir à Grand-Mère au parc des oiseaux, là où son ancienne épouse avait pour habitude de se promener, dans l’unique but de s’amuser de son air offusqué, lorsqu’elle les verrait aux oreilles d’une autre. Je souligne ici qu’il est plutôt mal vu par la gente féminine de voir ses propres ornements offerts à la nouvelle épouse de son ancien compagnon. Il s’agit, en quelque sorte, d’une loi non-écrite que Monsieur Destouches s’amusait à transgresser allègrement.
Quoi qu’il en soit, Grand-mère arrêta son boute-en-train de mari pour nous proposer à tous un peu de thé. Il n’était pas rare qu’elle arrête toute conversation pour nous inviter à une telle dégustation –cette petite manie de mettre la gourmandise au-dessus de toutes conversations la rendait même attachante, à mes yeux – mais il était moins courant de la voir bouger pour assouvir cette envie. Satisfaite de ne pas servir de boniche pour une rare occasion, je savourais mon moment d’oisiveté sur l’accoudoir du canapé, auprès de Monsieur Destouches.
J’aurais peut-être dû me méfier de ce dévouement spontané de ma grand-mère, mais je me disais, comme sans doute ma mère se disait également, qu’un nouveau mari motivait sûrement cette volonté de plaire. Quoi qu’il en soit, le thé fut délicieux. Grand-mère avait pris soin de préparer celui de son époux dans sa tasse favorite : porcelaine blanche où quelques arabesques bleues étaient peintes.
Même avec le recul, je n’arrive pas à déterminer si Grand-mère est responsable de la mort de Monsieur Destouches. A-t-elle glissé un poison quelconque à cette fameuse tasse peinte? Son époux est-il décédé de cause naturelle? Il s’agit d’un mystère bien dissimulé au sein de ma famille, et je ne serai certainement pas celle qui souhaite déterrer le tout. Toujours est-il qu’une heure à peine après la dégustation de thé, seule au salon avec Monsieur Destouches, je me suis aperçue que j’étais la seule à respirer. Il est difficile, et je l’appris à ce moment précis, de distinguer un dormeur d’un cadavre. Je me souviens avoir posé ma main sur lui, et avoir ressenti un frisson anormal me parcourir. Puis ce fut le hurlement le plus strident que j’ai poussé de toute mon existence. Mes souvenirs s’embrouillent, après ce cri. Je présume que mon père m’a soulevé pour m’éloigner de ce qui restait de Monsieur Destouches, car les images cohérentes qui me restent à l’esprit sont celles de moi tout contre mon père.
Nous l’avons enterré comme il se doit, selon les traditions officielles de Brégunia. Mais cela est une toute autre histoire; la prochaine est plutôt les blagues que faisaient mes frères avec le corps de Monsieur Destouches, pour effrayer ma mère. Car oui, Monsieur Destouches est resté suffisamment longtemps sur le canapé pour être l’un des objets des farces de ma famille…
Inspiré de Desperate Housewives, Milady et plein d'autres