Le bien de Monsieur Abellion

Le bien de Monsieur Abellion

Post by Adjakyee, Ind - August 5, 2011 at 1:58 AM

-Vous verrez, jeune homme. C’est tout simple. Vos désirs, seront des ordres, au sens le plus littéral.

-Vraiment?

-Vraiment. Là, voyez.

*Il désigna la rune bleue, qui parait la chaine grossière qui enserrait le cou de l’esclave à la peau de jais. Dans cette arrière-boutique d'un quartier peu recommandable de la première cité-état de la Ligue, le marchand parlait sans ambages. Assuré de sa tranquillité. Au jeune homme qui se dandinait sur un pied puis l'autre, peu à son aise dans ces lieux mal famés. *

-Jamais elle ne pourra aller contre vos requêtes. Vous êtes familier avec le choc mental? L’enchantement a un effet similaire.

Le jeune homme, connaisseur, hocha. Le vendeur causait, de son bagout d’hommes des bas-fonds. Sans pudeur aucune, il forçait ouverte la bouche de l’esclave, montrait les dents, saines encore, qui luisaient d’une pâleur lunaire sous le faible éclairage des lanternes crasseuses. Sans préavis, il arracha les guenilles qui paraient encore la silhouette trapue de la jouvencelle, révélant tout d’elle.

Elle se couvrit d’un réflexe. Le vendeur écarta sans égard le bras prudent de l’esclave. Le vendeur et l’acheteur détaillaient la silhouette dénudée sans plus de désir que pour une vache, ou un âne, qu’on achèterait au marché. Son corps était tendu, en une pose nerveuse, les muscles roulaient sous sa peau d’ébène. Le vendeur claqua, d’un geste brusque, la cuisse en vantant la beauté et la solidité de la marchandise.

-Ah pour sûr, on l’a bien nourrie. Puis ces bestiaux-là, ces sauvages, ils résistent à tout. Ça sait pousser, tirer, mieux qu’un bœuf. Dans une mine, c’est les meilleures bêtes : ça ferait le travail de trois hommes, et pas la peine de risquer de perdre de bons chevaux pour tirer les chariots.

C’était vrai, une jolie prise. Le mage officier d’Exophon lui en ramenait parfois des comme ça. Des prises de guerre, pas trop amochées, cueillies le long du mur, qui permettraient de mettre un fin morceau sous le nez de sa tendre moitié. C’était un homme bien. Jamais il n’aurait opéré ces transactions infamantes lui-même. Il laissait faire ce vendeur des bas-fonds de Medelia, contre une quote-part raisonnable.

Des cicatrices paraient le corps à la peau sombre. Nombreuses. Vieilles et fraiches se confondant, barraient ses chairs de concert. Les traces d’une autre vie, guerrière, dans les savanes de Nguelundi. Des souvenirs de bataille. Le souffle qu’elle exhalait encore était le trophée de ses victoires. On lui avait arraché tous les autres. Il ne lui restait que ce trophée. Et les traces de sa vie neuve, de chose dont on pouvait disposer, traiter à sa convenance, et battre selon son gré.

Elle toisa, de son regard d’onyx, l’acheteur. Un jeune homme pâle, freluquet. Elle le défiait du regard, comme l’aurait fait un fauve. Qu’il lève la main sur elle, seulement. L’ordre n’avait pas été donné de ne pas le blesser. Il avança sa main.
Elle balança, d’un crochet, sa main, les doigts recourbés comme des griffes. Le vendeur tonna, avant qu’elle n’atteigne la joue gracile, à peine colorée d’un fin duvet.

-NON! Pas touche! Au pied, sale bête.

Elle suspendit son geste. Elle regretta. Elle aurait aimé voir la joue pâle du jeune homme s’orner des griffures de ses ongles, parfois longs, parfois cassés et tous sales. Cette vision aurait valu toute la peine qu’elle aurait subie en représailles. L’illumination de la rune suivie de l’impression suffocante, cet étau magique qui lui aurait enserré la poitrine et la gorge, qui l’aurait jetée à terre, à moitié assommée, sonnée par le choc mental.

Elle s’évita la torture, mais la torture pourtant en aurait valu la peine, si elle avait pu racheter son honneur en marquant les chairs du jeune homme fragile qui se présentait à elle. Elle toisa le jeune mage, ce fameux acheteur, avec une sauvagerie méprisante.

Le vendeur, d’un geste désinvolte, abattit la cravache qu’il tenait sur la joue de l’esclave.

-Au pied, j’ai dit. Excusez-la, Monsieur… Elle ne sait pas encore très bien se tenir. Mais on ne peut pas demander l’impossible aux bêtes, n’est-ce pas. Il faut les dresser, au mieux, mais encore faut-il qu’elles ne soient pas stupides. À force de coups, elle devrait finir par comprendre quelque chose.

La rune luisait légèrement dans la pénombre, au cou de l’esclave, annonciatrice de la sanction. L’esclave, encore debout, la joue sanglante, se jeta au sol, au pied du vendeur. C’était la seule chose à faire. La lueur de la rune s’estompa.

-Làaa. Voyez? Un agneau. En ordonnant, contentez-vous de mots simples. Au-delà du Mur du Sud, ils grognent, vous savez. Personne n’y entend rien. Si vous voulez qu’elle apprenne un mot, il faudra lui forcer dans le crâne. À coups de pieds et de fouet. C’est du travail, j’en conviens, car il y a plus d’intelligence dans le regard d’un chien ou d’un chat, ou même du bétail : ces bonnes bêtes qu’on aime avoir près de soi. Mais une fois qu’elle comprendra vos ordres, elle les suivra à la lettre. Faute de choix. Eheh.

Le jeune homme hésita. Le vendeur lui avait déjà refourgué quelques colifichets. Des écailles de dragon de T’sen. De la soie d’araignée d’Udossta. Une rune de Bregunia. Des babioles sans grande valeur outre part. Mais hors de prix, mal venues et pratiquement illégales à Medelia.

Le vendeur doucereux poursuivit sa litanie. Petit à petit, le jeune homme se laissa persuader, hochant de temps à autre. Puis, se fut tout décidé : le jouvenceau prendrait la marchandise.

Le vendeur souriait, ravi, et releva l’esclave grondante en l’empoignant par la chevelure. Il lui envoya une claque à la croupe, de l’acabit de celles qu’on envoie aux chevaux pour les faire galoper, en disant :

-Ramasse ton torchon et rhabille-toi. Toute la ville n’a pas besoin de voir ta viande : une créature comme toi ferait peur au brave monde. Tu pars avec lui. C’est ton maitre. Maintenant.


Post by Adjakyee, Ind - August 5, 2011 at 10:49 PM

**-Qu'est-ce que c'est que cette horreur?! **

Le père ressemblait profondément au fils, si ce n'était de sa chevelure plus foncée. Son visage, terrible, était plissé par un saint courroux. La pâle femme qui l'accompagnait s'était dégagée de son bras, elle plissait ses jupons ornés de dentelles de ses mains nerveuses, presque diaphanes, aux longs doigts fins.

Le fils, livide, un recueil de sortilège à la main, s'était gardé de répondre.
Il trônait dans la longue pièce noire de ce qu'il désignait comme son laboratoire. Le père, et son épouse, toisaient avec dédain la sombre silhouette liée par de lourdes chaines au mur du fond.

Elle était vêtue d'un pan de tissu drapé autour de ses hanches et de sa poitrine. Il lui avait balancé un drap en lui ordonnant de s'en couvrir. Elle l'avait enroulé autour de son corps noueux comme un pagne traditionnel. Lui, se montrait content de n'avoir gaspillé une tenue convenable pour un être pareil, elle, satisfaite d'être vêtue de manière traditionnelle.

Il l'aurait bien laissée ainsi, dans ses loques si élimées qu'elles laissaient tout voir, car il aurait bien voulu s'éviter la dépense d'un drap. Il l'avait d'ailleurs fait. Mais au terme de quelques jours, son attitude pudibonde de fils de bonne famille avait repris le dessus. Il était un homme bien, sous tous rapports. Elle n'était pas une femme, ça non : et encore il n'y avait à ses yeux que les Zantheroises qui méritaient le titre de femmes respectables. Toutefois, sa physionomie rappelait celle des femmes, et rendait sa piètre tenue bien indécente.

N'empêche, cette sombre silhouette au regard de fauve, recroquevillée dans le fond de la pièce, laissait à la mère une expression d'horreur pure. Et, au père écumant, l'expression d'une colère sans bornes. L'un rugissait, vers le fils muet, l'autre enchainait aussitôt d'une voix gémissante, les larmes aux joues.

-Inconscient! Tu nous feras tous pendre!
-Penses à toi, ton avenir... mon fils... aaaah, quelle douleur tu nous fais!
-Sais-tu seulement ce qui arriverait si un garde voyait ça?
-Nous y passerions, tous...
-Et pas qu'un garde, un voisin, un marchand qui passe devant tes fenêtres, n'importe qui pourrait vouloir prouver son intégrité et te dénoncer.
-Tu veux notre perte...
-Il faut réparer tes bêtises, car mon fils tu as été d'une infâmante stupidité.
-Tu n'aurais pas dû... non... mais qu'est-ce qui t'as pris....? Ne t'avons-nous pas bien élevé?
-À quoi te sers cette horreur, d'ailleurs? Ne me dis pas que tu as... des... penchants...
-Grand dieux! Non... Non....

*Le père cracha ses dernières paroles. La mère gémit sa supplique. Le fils s'avança, vers l'esclave, qui se tassa un peu plus dans le coin, farouche. Il dit simplement. *

-Debout. Ne bouge pas. Pas un son.

La rune luisit, au cou de l'esclave rétive, qui se redressa enfin. Il marmonna les incantations, main tendue vers la sombre silhouette.

Le sortilège déchira les chairs déjà tuméfiées et meurtries. L'homme avait procédé au test, sans doute, à de nombreuses reprises, notait l'effet. Le temps de guérison variait, selon les différentes emplatres apposées sur les blessures magiques. La femme tenait son flanc, la main tremblante, elle se tenait droite quoi qu'un peu chancelante. La rune luisait encore à son cou. Elle n'avait pas émis un seul son.

Le père soupira, soulagé visiblement. La mère un peu blême s'était de nouveau pendue à son bras.

-Nous trouverons une solution. Nous t'éviterons l'échafaud. Nous nous éviterons la prison. En attendant sois discret. Personne ne doit savoir que tu détiens un... objet du genre. Entretemps.


Post by Adjakyee, Ind - August 6, 2011 at 2:25 AM

Le jeune homme était silencieux. Il caressa, d'un geste songeur, la pelisse du lapin qu'il conservait en cage, avant de glisser à la bestiole quelques légumes. Comme tous les soirs. La bête était un cobaye. Elle lui servait à éprouver de petites doses de ses poisons et contre-poisons au début de ses études, avant l'achat d'un cobaye plus... humain.

Il l'avait gardé, par nostalgie plus qu'autre chose. Il s'était attaché au gras lapin blanc, qui remuait de la truffe comme pour réclamer sa pitance quotidienne de salade.

Il offrit une dernière caresse, à la bête laissée en bordure du comptoir. Referma la cage au loquet délicat. Souffla les bougies. S'en fut sans se retourner. Tournant la clef deux fois, dans la serrure, après avoir refermé derrière lui. Un lit douillet l'attendait à la maison familiale. Une coquette demeure, une charmante maison à colombages qui n'avait pas la stature des rares manoirs que possédaient les proches du Général Pilate, mais qui trônait tout de même dans un quartier autrement plus recommandable que celui où le laboratoire du jeune homme, Abellion, était sis.

Dans le laboratoire aux volets clos, un pâle tintement de chaines se fit entendre. Mais même s'ils avaient été grands ouverts, nul n'aurait sans doute pu voir la silhouette au derme si sombre, dans la pièce obscure.

Si le jeune homme avait nourri son ancien cobaye, il avait assurément oublié le nouveau. Il oubliait parfois de lui jeter un morceau ou deux. En son dialecte chantant, elle se risquait parfois à des requêtes vite éludées, ou à l'énoncé de la locution "Ai faim", tout aussi vite éludée d'un prompt :

-Silence. Tais toi.

Et ce jour-là, elle avait faim. Tout particulièrement car les prenantes recherches du jeune homme lui imposaient de consacrer son attention à des choses autrement plus importantes que son mobilier. Et la jeune femme à la peau d'ébène faisait, à son sens, partie de son mobilier. Pas plus qu'il ne se serait enquis à une de ses chaises de son état, il ne le faisait pas pour la femme. Et, voilà bien quelques jours qu'il persistait à oublier. Au moins laissait-il une auge pleine d'eau à proximité, dans laquelle elle pouvait au moins puiser pour s'abreuver. Mais l'eau ne trompe la faim qu'un temps.

Elle était seule. Dans le silence cruel de la nuit. Ponctué des bruits du grignotement narquois du rongeur.

Elle toisa la bestiole immaculée et grasse. Dans la savane, une telle bestiole n'aurait sans doute pas survécu. Si pâle, luisant presque dans l'obscurité. Si gras : pouvait-il même encore courir, alors qu'il gisait dans une cage où il ne pouvait qu'esquisser trois pas? Elle aurait été une chasse fructueuse, une chasse facile, pour tout prédateur.

Mais la cage était toujours savamment placée hors de portée. Elle avait déjà tenté, du bout des doigts, de l'atteindre. En vain. En un grognement rageur, la jeune femme tira sur la chaine. Son corps se tendit. On la nourrissait moins bien : de musculeuse elle était devenue simplement noueuse. Elle étira le bras, se laissant presque choir, au bout de cette chaine qui l'étranglait à demi. Le bout de ses doigts effleura quelques barreaux de la cage, qui tomba au sol avec un monstrueux fracas.

Elle attira la cage à elle, dans les glapissements terrorisés de la bestiole. Elle frappa, d'un segment de chaine, le faible verrou sans relâche, jusqu'à ce qu'il cède. Qu'elle s'empara de la bête qui se débattait. Et la mordit, au cou, laissant le sang ruisseler entre ses lèvres, comme un nectar divin, le souffle d'une vie qui passait d'un être à l'autre. Qui apaiserait sa faim. Le chasseur dévorait sa proie. C'était le cycle, c'était ainsi. Le visage collé contre la fourrure chaude et maculée de la bête qui devenait immobile, elle était ailleurs. Elle rêvait la chaleur tendre du soleil de la savane contre sa peau. du sang de l'antilope recueillie dans un bol de bois, et partagé entre les chasseurs.

Une fois l'afflux de sang calmé, elle entendit le craquement des os, le chuintement des chairs sous ses mains. Elle mangea un peu de cette viande, crue. Elle rêva des feux sous les étoiles. Des meilleurs morceaux qu'on se partageait parfois, légèrement chauffés, mais si peu cuits : une bête avait fait don de soi, mieux valait ne pas dénaturer son don. Même si ce don était logique, dans le culte entretenu de Nahg-ar'ang, le Dieu-chasseur, nommé Vaerdon en terres dites plus civilisées. Elle mangea avec appétit le fruit de cette piètre chasse, savourant chaque bouchée, qui valaient mieux que la lavasse qu'on lui attribuait toujours.

Le lendemain, aux aurores, le jeune homme ouvrit la porte pour révéler une scène qui lui parut horrible. La carcasse du lapin gisait par terre, près de l'esclave. Mais il n'en restait plus grand chose. Des os, un peu de chair, une flaque de sang. La peau arrachée parait une des blessures fraiches de l'esclave, qui avait dû se servir de cet emplâtre comme médecine de sauvage. L'esclave, autrement, était couverte de sang, qui se remarquait sur sa tenue, surtout. Il songea que sur son derme noir, ce rouille qui la maculait n'en changeait pas l'éternelle apparente saleté.

Il eut un froncement méprisant. L'esclave sourit, exhibant ses dents roses encore des traces de sang : peut-être y avait-elle perçu du chagrin ou du dépit. En son regard luisait le triomphe, comme si ce petit acte de rébellion, l'apaisement de sa faim, constituait une éminente victoire.

Il soupira. Il devait la mater. Exaspéré, il souffla, avec un sourire en coin, un de ces ordres impossibles qu'il donnait quand il voulait la châtier. Il était un homme de bonne famille, il n'avait pas à se salir les mains.

**-Souffre. **

La rune s'illumina, cette fois pour ne pas s'éteindre. Un cri.

**-En silence. **

*Un cri, qui mourut en sa gorge, alors que la silhouette recroquillée se tordait, dans les lueurs conjointes de la rune, et de l'aube naissante. *


Post by Adjakyee, Ind - August 6, 2011 at 8:00 AM

*Le jeune homme brandit un papier, claironnant. Après une phrase précipitée, il entama même sa lecture. *

-Aaaah. On peut dire que tu m'en as causé des ennuis. Mais j'ai le droit, aux yeux du premier homme de Medelia-la-Grande, désormais, de te posséder. Parce que "Monsieur Abellion Lunenoire -moi- bénéficie du droit d'étude d'objets étrangers. Ainsi, il peut détenir en sa possession de ces choses issues d'importation dans les frontières de Zanther. À condition de se soumettre à des rapports hebdomadaires à l'État-Major. Et à condition que ses études demeurent soutenues et fructueuses, et apportent un profit à la Cité-État de Medelia, la plus grande des Trois, face à de potentiels étrangers hostiles dont il faut percer les secrets. La possession de ces biens sera d'office perçue non pas comme une infraction aux bonnes moeurs, ni comme une trahison envers sa patrie, mais plutôt comme le suprême sacrifice d'un jeune savant consentant à se souiller pour hisser sa patrie au rang des premières puissances du savoir." Tu as entendu, ça?

Il brandissait le papier, fier comme un paon, pavoisant dans la pièce. Seul, ou presque. Puisque la silhouette noire était là, même si au fond, elle ne comptait pas vraiment.

Le papier arborait la signature du Général Pilate. Un véritable sauf-conduit, qui légitimait l'excentricité. Le général seulement avait-il daigné poser les yeux sur ce morceau de paperasse, avant de daigner le signer? Nul ne le savait, vraiment. Mais tant le père que la mère avaient joué de contact pour obtenir ce bout de papier qui valait bien cher. On s'était souvenu d'un ami à l'École de Magie de Medelia, guère réputée pour les prouesses de ses savants, mais bien pour l'orthodoxie politique de ses enseignants. On faisait des finesses à un cousin officier, qui promettait en contrepartie de glisser de bons mots au sein de sa hiérarchie.

La mère courait les salons, espérant persuader l'une des femmes d'officier qu'elle pouvait croiser de plaider sa cause auprès de son époux, contre la promesse de production d'enchantements.

Le manège finit par marcher. Le jeune homme obtint, un beau jour, ce fameux papier qui lui permettait bien des largesses.

Crâneur, il se campa devant l'esclave :

**-Je peux faire ce que je veux, à présent. Si tu fuis, si tu te fais découvrir par la garde -ce qui ne manquera pas d'arriver vu tes airs de charbonnier-, et qu'on remontait jusqu'à moi avant de te tuer, je n'aurais plus rien à craindre. Je suis dans mon bon droit. Tu comprends ça? Mon bon droit. Si tu fuis, si tu meurs, tu ne m'emporteras pas avec toi. Même sans tes chaines, n'oublie pas. Tu serais à ma merci. **

*Il ajouta, prestement. *

-Tu me serais plus utile si je te faisais faire des corvées. En plus. Au moins je rentabiliserai la dépense que j'ai faite. Écoute bien, attention. Ne m'attaque pas. Ne pense même pas à me faire du mal. Sinon. Il t'en cuira. Tu mourras, avant même de me tuer. Je verserai de l'acide dans tes yeux, si tôt que tu rouleras à terre de douleur. Puis je ferai éclater ton crâne à coup de bottes. Tu entends? Tu... esquisses... un geste... tu meurs... tu comprends ça? Mourir?

Il s'était approché, le visage narquois au devant du visage à peau sombre, austère et au regard teinté d'une haine sourde. Il lui força à incliner la tête, agrippant d'un poing sa tignasse. Pour détacher la lourde chaine, qui la retenait au mur.

-Maintenant, au travail. Je veux voir quelle charge tu peux transporter sous l'influence du sort d'affaiblissement. Ça tombe bien. Moi qui voulait réaménager le laboratoire.


Post by Adjakyee, Ind - August 6, 2011 at 9:07 AM

Les années s'étaient écoulées. Aucun jour n'était plus tendre qu'un autre pour la silhouette noire. Elle avait appris à parler le commun (ou, au sein de la Ligue de Zanther, comme on avait la prétention de la nommer bien que la locution n'était pas exacte, la langue Zantheroise), l'écorchant toujours de ses intonations fluctuantes, de sa langue tantôt chantante, tantôt gutturale.

Le jeune homme prenait de l'âge, le nez enfoncé dans ses parchemins. Ses mixtures. Ses formules.

Les demoiselles de l'École de Magie de Medelia-la-Grande, point assez brillantes pour entamer une grande carrière de mage, mais assez rusées pour espérer voir en lui un bon parti au vu de sa position favorable face au Général -car fallait-il dire qu'il s'était abondamment vanté de ce sauf-conduit- avaient fini par se lasser, au fil des années, de lui faire une cour sans réceptivité.

Ses camarades, eux, l'avaient pratiquement tous abandonné. Ses sujets d'étude étaient trop... marginaux. Inspiraient leur dédain. Puis, eux, n'avaient pas ce sauf-conduit qui leur garantissait qu'à force de triturer des artefacts de T'sen, de Systéria ou de Kar'Bedjoul, ils n'en perdraient pas la tête.

Il était désormais plus seul que jamais. Mais peu lui importait. Ce qui le faisait fulminer, c'était la piètre avancée de l'étude de la magie étrangère. Il stagnait, et pour cause : les ressources du marché noir zanthérois étaient onéreuses, et limitées. Et aucun bien étranger ne circulait à Zanther, sauf exceptions, sous le manteau.

Il reçu un jour la visite d'un émissaire qu'il n'espérait plus. Voilà des mois qu'il avait déposé sa demande à l'État-Major. Il lui porta une confirmation qui valait son pesant d'or. Sa demande de sauf-conduit pour des études à l'étranger avait été acceptée. Il pourrait aller et venir entre sa destination et sa patrie. Selon son bon gré. Sans être un paria de Zanther. Sans être taxé de haute-trahison. Sans être renié par sa famille.

Il offrit un sourire à la silhouette noire, dans l'inconscience de sa joie frivole. Puis il se ravisa. Souriait-on seulement aux choses ou aux bêtes?

**-Prépare les malles, les vêtements, les accessoires, ces choses futiles. Ne touche pas aux grimoires, ni à mon matériel de recherche. **

Le voyage était tout prévu. Son père écrirait à son excentrique soeur, qui s'était laissée séduire par une roulure de navire -un marin étranger qu'on lui avait dit quelconque et ivrogne- , qui l'avait emportée sur sa coquille de noix vers Systéria. Cette soeur avait trahi la famille, et avait trahi sa patrie, tout à la fois, pour des histoires de coeur. Son père correspondait avec elle depuis des années pour la ramener à la raison. Et pourtant. Il lui avait fait cinq mioches, tous plus hybrides systériens les uns que les autres, qui la clouaient sur l'ile. Il demanderait à son père un nouveau pli : afin de requérir que sa soeur accueille dignement son neveu, son fils à lui, et qu'elle scelle ainsi son rachat aux yeux de la famille. Il aurait de quoi vivre, au moins, avec l'aide de sa tante.

Mais ce qui avait véritablement décidé le jeune homme, c'était la si prestigieuse académie de magie. La Confrérie. On disait que les plus grands savants du monde écumaient Systéria. Et il entendait bien être du nombre.


Post by Adjakyee, Ind - August 6, 2011 at 9:43 AM

*Le navire était au mouillage. Le jeune Zantherois inspectait le contenu de ses (très) nombreuses malles. *

**-Non. Ne touche pas. Pas ça. Va... ailleurs. N'importe où, sauf ici. **

*L'esclave esquissa quelques pas. *

-Attends.

Elle interrompit sa marche, sur le pas de la porte de la cabine.

-Rends toi utile. On dit que Systéria grouille de races disparates. Qu'elle est remplie de sous-êtres. Parmi eux, tu te fondras surement dans la masse. Son Impératrice peut-elle être une hybride de deux races, comme on le dit? Mais qu'est-ce qui me prends. La solitude me pèse, apparemment, voilà que je me met à causer aux bêtes. Bref. Va voir de quoi les choses ont l'air. Si tu rencontres un savant digne de moi, penses à évoquer ma présence.

Va.

*L'esclave entama son chemin, vers le pont. *

-Et! Reviens, bougresse. J'oubliais.

*Elle retourna sur ses pas. *

**-On m'a soufflé que l'esclavage était interdit. Là-bas. Si on demande, tu es à mon service. C'est du pareil au même, je crois. Mais la seconde locution est permise et légale. Si on te demande, je te paie. Assez pour t'offrir le gite, et le couvert en tout cas. **

Elle descendit du navire. Vêtue de sa tenue drapée élimée. La chaine mince, ornée d'une rune, à son cou.

Son coeur battait à tout rompre. Systéria : si, comme son maitre l'avait dit, la cité était si différente de Zanther. La terre elle-même parut pleine de promesses. Elle était noire, d'une richesse fertile comme elle n'en avait jamais vu. Les arbre fruitiers pavaient son chemin. Elle se gava de fruits, jusqu'à ne plus en pouvoir, jusqu'à être complètement repue. Rien à voir avec l'aride savane. Ou la terre de Zanther qui était si avare, et lui paraissait si austère, du peu qu'elle avait pu en voir. Dans la caisse où on l'avait enfermée pour le voyage du laboratoire de Medelia jusqu'au navire, où on l'en avait fait sortir.

Dans les bois, les quartiers de l'Assemblée, puis dans les Bas-Quartiers, son allure et sa présence étaient normales. On eut pu croire à l'arrivée d'une shamane méfiante des terres de nguelundi dans les quartiers florissants. Ou une femme sans éducation, noueuse et aux allures de fouine, qui allait en basse, court vêtue. Peut-être une courtisane exotique?

Dans la moyenne ville, des yeux plus torves se rivèrent sur elle. Elle s'en fut au coin chaud. Elle ne pouvait faire défaut à son maitre. Et la marée humaine (et elfique, et naine, etc...) convergeait là.

Deux hommes lui proposèrent à boire. Et, chose impensable, demandèrent quel était son désir. Elle en resta pantoise. Assise sur un siège, tendue et aux aguets, elle demeurait avec eux, discourant avec son fort accent. Toisant de temps à autre le grimoire exhibé d'un elfe, ce genre d'instrument qui lui apparaissait si menaçant. L'eau fut vite oubliée. La soif de la femme aussi. L'homme de la confrérie devint prestement suffisant. Les autres se paraient d'une indifférence dédaigneuse.

L'elfe, assis à table en aparté, tout à l'étude d'un grimoire, l'avait jaugé avec un dédain qu'elle lisait sur les visages de tous les Zantherois qui l'avaient aperçu. L'elfe ne voilait guère de son mépris, prolixe en remarques qui ne manquaient pas de familiarité à l'esclave.

Et le convive de l'elfe, qui prêchait pour l'Assemblée Druidique, confiait à l'elfe Tyar' son admiration, en risquant parfois à la silhouette noire des regards en biais, de ceux qu'ont les gens à la fois curieux et rendus mal à l'aise par l'exotique présence.

Le rêve Systéria était, en vérité, un mirage. Elle s'en voulut, de sa propre sottise. D'avoir cru, à un monde différent. Les systériens et les zanthérois étaient donc finalement les mêmes. On ne l'y reprendrait plus, à croire le contraire. Elle s'éclipsa. Elle devrait délivrer un pli à son maitre contre un maigre pécule. Celui du savant pourpre qui avait finalement été intrigué.

Cheminant vers le navire, elle lorgna vers les bois, avec envie de se perdre dans la nature. La seule qui l'avait accueillie avec bienveillance et qui rappelait l'esclave à ses sentiments, et à ses instincts.


Post by Adjakyee, Ind - August 29, 2011 at 7:40 PM

**-Hep. J'ai une mission, pour toi. Il faut retrouver notre tante. Après tout, elle a bien communiqué son aval de me recevoir. Puisque je peux me mettre sous sa protection, autant en profiter. **

*La sombre femme se raidit dans le coin où elle se trouvait, entendant les mots de son maitre, qui s'était de longue date enfermé sur le navire. Comme la nef allait bientôt quitter le port, il faudrait au jeune mage un autre lieu où poser les pieds. Il restait bien une bonne semaine avant de devoir quitter ses quartiers, dans ce navire qui était devenu une seconde demeure, où il se réfugiait, parmi les Zanthérois, alors qu'il était las de la cité cosmopolite. *

**-Sois discrète. **

*Précisa-t-il. *

**-Je veux tout savoir d'elle. Tout savoir des siens. Va. **

Lâcha-t-il, distraitement, alors qu'il écrivait, dans un de ses nombreux grimoires.

Ainsi, sans un mot, la rune légèrement luisante au cou, la jeune femme sortit dans le quartier du port. La rune s'éteignit. Elle y erra longuement, recherchant la masure qui devrait abriter pourtant un marin. Lasse, elle s'enquit enfin, à la taverne du port où elle passait, devant les regards curieux des marins et des débardeurs, qui tantôt la déshabillaient d'un regard, tantôt la jaugeaient avec un rictus méprisant ou une moue de dédain :

-Ledwynn. Je cherche Ledwynn.

-Va du côté du quartier d'l'Ordre, la noire. Tu trouveras ce que tu cherches.

*Lui lâcha-t-on, pour toute réponse. Et dans le quartier de l'ordre, elle pousuivit son errance. *


Post by Adjakyee, Ind - August 29, 2011 at 9:47 PM

Dans le quartier de l'ordre, les regards ne se retournaient pas sur la sombre silhouette, qui parcourait les rues quasiment désertes. Et pour cause. Il faisait nuit noire. Seuls quelques gardes encore en faction lancèrent un regard suspicieux vers cette silhouette souple, à demi nue, qui marchait d'un pas leste.

Devant une demeure, des éclats de voix la firent faire halte. Elle longea le mur de pierres pâles, jusqu'à une fenêtre entrouverte, dont des volets à demi clos laissaient filtrer la lumière des bougies jusqu'à l'extérieur.

-Non. Non! NON! Je la HAIS.
-Pas de protestations. Vous avez BESOIN d'une mère. La maison est mal tenue. Et ne me dis pas que tu comptes sur Sensa, cette moins que rien de Zanther, pour bien vous éduquer.
-Nous sommes assez grands. Et nous ne sommes pas aveugles. Comme si c'était pour nous que tu ramènes chaque jour cette... cette... catin! Voilà, c'est dit! Dans le lit de maman, en plus. Une vraie honte! J'espère que le regard de Thaar te brûle la nuque. Je ne sais pas comment tu fais pour rester au soleil sans vouloir te cacher sous un bout de roche comme un misérable ver!

La jeune fille raidie hurlait, ses mèches brunes retombaient sur son visage livide et fermé. Lorsque le silence retomba pour une brève seconde, ses lèvres se pinçaient de colère. Ses petits poings demeuraient clos, sauf pour brandir un doigt accusateur, par moment, comme l'aurait fait un inquisiteur désignant un coupable des pires péchés. La jeune fille de quatorze ans tremblait de rage et exsudait d'une froideur autoritaire.

La voix tonnante du père reprenait le pas, parfois, sur les cris de l'adolescente aux allures de vestale.

-Jalyne Ledwynn! Je t'interdis!
-C'est ça, assène moi ton nom, comme une punition, maintenant. Avant j'étais fière de le porter. Fière d'être une des Ledwynn, descendante des premiers colons Bréguniens. Plus maintenant. Le corps de maman n'est pas encore froid qu'une autre vient te réchauffer... Tu sèmes la honte sur notre famille.

Le père s'était fait conciliant. Jamais il n'aurait osé lever la main sur sa fille. Sa Jalyne. La favorite de ses cinq enfants, celle dont il tirait le plus de fierté. Si un autre de ses enfants aurait eu une telle réaction, il l'aurait giflé sans retenue, à toute volée. Mais il lui agrippa le bras, fermement, de sa poigne d'ancien capitaine. Elle eut un cri de protestation, sous sa poigne d'acier, qui l'avait fait taire.

Dans l'ombre nocturne, près des volets, l'esclave eut un sourire. Pour la souffrance de cette demi-zanthéroise si aimée, si pure, de cette fille de la race des maitres? Ou car elle avait bien trouvé l'endroit qu'on l'envoyait chercher?

Les éclats de voix reprirent.

-Tu ne comprends pas. Une maison ne peut pas rester sans femme pour la tenir. Puis... c'est une femme bien. Purement systérienne celle-là. Honnête en tout. Tu ne la connais pas. Tu apprendras à l'aimer, comme tes frères.
-C'est TOI qui ne comprends pas. Elle n'est pas maman. Elle ne lui arrive pas à la cheville. Maman, elle, était vraiment pure. Une prêtresse de Thaar, remplacée par une alchimiste. Une empoisonneuse si ça se trouve, une vraie honte.
-Jalyne, sois raisonnable.
-Et tous les soirs ici, en plus... Elle a dû te refiler un filtre, une vilaine potion, pour que tu t'en entiches, pour avoir un vrai toit plutôt qu'une sale masure. Et ne compte pas sur moi pour manger de ce qu'elle nous préparera... Je parie qu'elle tentera de nous tuer comme un détrousseur de la Basse-Ville, pour t'avoir à elle seule, toi et ton bien.

*Les éclats de voix se poursuivirent. Mais l'esclave n'entendit plus. Elle s'éloignait à pas de loup. Souriante. Pour les aborder, le moment était mal choisi. Mais elle avait trouvé les Ledwynn. Elle reviendrait demain. La tante avait fait sur papier une promesse à son neveu, qu'il tenait en bonne forme. Elle apprendrait si elle serait tenue de manière posthume. *


Post by Le pénitent - August 29, 2011 at 11:03 PM

*Quelques pas en cette cité. *

Il est des choses que l'on a beau s'imaginer à plusieurs reprises mais qui laissent un goût tout autre lorsque l'on y mords à pleines dents. N'avez pas déja salivé à l'avance à la vue d'une pomme et fermé les yeux lorsque votre bouche qui pensait y trouver un gout sucré s'y rencontre un goût âcre que rien ne laissait supposer à l'apparence ?

Systéria était un peu cela, une belle dame dotée d'un visage accueillant, d'atours à faire pâlir les courtisanes dont les attraits n'égale pas une jeune jouvencelle mais qui servent à détourner le regard, Systéria la belle n'était en fait qu'une face de la pièce d'or, l'autre coté était bien moins net et joli. Un mélange de races.. toutes.. ensemble.. accouplées entre elles.. La visualisation d'une horreur sur terre pour un habitant de Zanther.

Longeant les murs en lambris de la cité, son pas s'était laissé porter par différents chemins qui lui semblaient accueillants, il n'avait vu que des choses qui lui donnaient la nausée, un orque discutant bravement avec un tavernier qui semblait s'amuser de la compagnie de cette chose immense à l'odeur nauséabonde.. Des animaux en guidant d'autres, il eu même du mal à distinguer le maître de l'animal, ignorant quel coté de la laisse il fallait concentrer son attention. Marchant doucement vers des chemins pavés, boueux ensuite, laissant de coté le torchis propre de la cité pour s'aventurer dans les masures de la basse ville, il n'eut de cesse de se remplir les yeux des visions d'horreurs que tous ici trouvaient normales. Alors qu'il se concentrait à éviter les flaques d'eau et d'autres humeurs qui se trouvaient au sol, il fut accosté par une voix féminine.

*« Alors mon beau, ca te dis de t'envoyer en l'air comme tu ne l'a jamais fait ? » *
Le ton était enjôleur mais le visage de la demoiselle aux oreilles pointues le brisa dans son élan. N'osait t'elle pas imaginer qu'il allait ne serait ce que la considérer ou poser la main sur sa peau de bâtarde.. Non.. Elle le narguait..

A ce moment précis de la soirée, de la fenêtre ouverte d'une chambre s'éleva un cri de plaisir d'un orque et d'une voix féminine, cela fit sortir notre homme de sa torpeur et il quitta l'endroit. La débauche ne lui était pas inconnue mais ce type de pratique .. ce mélange.. n'était pas.. envisageable. Sous les quolibets de la demi-elfe qui pensait se faire quelques pièces en soulageant la bourse de cette homme il quitta la basse ville presque au pas de course. Vivre ici était un défi, il était un martyr de sa nation, oui.. il était capable de faire abstraction de sa personne mais la dure réalité le rappelait à l'ordre maintenant qu'il foulait du pied la cité qu'il avait tant désiré...

Il ne fut en paix que lorsqu'il tourna la porte de la maison, ne restait qu'a attendre son serviteur, laché en ville comme un chien de sang pour flairer la trace du sien.


Post by Adjakyee, Ind - August 30, 2011 at 1:28 AM

**-Ah nom de Thaar! Qu'est-ce que tu veux? **

Dit l'homme, en un sursaut de dédain, alors qu'il venait d'ouvrir sa porte devant la femme à la peau noire. Thaegar, homme massif et musculeux, au cheveu noir et aux joues bleuies par une barbe naissante, toisa la femme noire avec insistance, de ses yeux verts.

Puis, il se ravisa. La toisant de pied en cape, s'attardant sur son derme noir, plus souvent qu'autrement dénudé, outre pour le pagne et le bandeau rouge qui préservaient un minimum sa décence. Un sourire en coin, que plusieurs disaient fourbe, para soudain son visage balafré.

Il la détaillait encore d'un regard salace lorsqu'il énonça.

**-Entre va. On en causera à l'intérieur. Plus à l'aise. **

*Il la fit entrer, dans la maison semblant déserte. Silencieuse, à l'exception des bruits que faisaient les deux individus. La cape des mercenaires froissée parait encore ses larges épaules. Il frotta d'une large paluche son visage encore embrumé de sommeil. Il devait s'être endormi, tout habillé, rentré gris d'une beuverie faite la veille. Chose vérifiable par la forte odeur d'alcool qui enveloppait encore le jeune homme. Ne laissant pas à la femme le temps d'expliciter ses objectifs, il enchaina. *

**-Je savais pas que les putes allaient de maison en maison pour vendre leurs services, maintenant. Alors tu fais quoi de spécial? Des massages aux huiles? J'ai entendu que c'était le truc des foncées, de vous frotter comme ça pour vous mettre en train. Ou tu danses, peut-être? Ah y'a un frère d'armes qui m'racontait... ça devait être toi. Une basanée, à la rose cendrée, qui se tortillait comme un serpent, jusqu'à le rendre dingue. Il parait qu'on peut vous prendre comme des bestiaux : chez vous vous faites ça comme des animaux, sans honte, hein. Par terre, ou devant le monde, ou à plusieurs, c'est pas grave. Allez, t'es pas la plus belle que j'ai vue, mais tu feras bien l'affaire. J'avais bien envie de me croquer un fauve de la savane au déjeuner. **

Tenant de tels propos, il l'avait approchée, la plaquant contre le mur comme si elle était bel et bien ce qu'il décrivait. Ne se bâdrant pas de la romance, il avait porté une main à la poitrine de la femme, qu'il pétrissait violemment, comme s'il testait la valeur de fruits au marché.

La femme gronda, tenta de le repousser. Elle n'avait pas sa force. Dans un temps lointain, avant de tant souffrir, avant de perdre ses capacités par l'action conjuguée de la faim continuelle et des affres de la captivité, elle lui aurait fait mordre la poussière. Elle se souvenait d'avoir déjà enfoncé des sagaies dans le ventre de plus costauds. Ennemis Zanthérois, mais aussi de Nguelundis de Tribus et de Clans différents qui avaient cherché noise aux siens. Mais maintenant, c'était l'ennemi, le plus fort.

Mais pas le plus rusé.

Elle approcha sa main du bas-ventre de l'homme. Celui-là se cambrait déjà pour recevoir la caresse tant attendue.
Puis il couina, fortement, d'une indicible douleur. Elle avait fait bonne prise.

Elle eut un sourire, de triomphe. Un sourire de rage victorieuse et haineuse. Elle pressa ses doigts, de toutes ses forces, jusqu'à ce que l'homme s'écroule, au bord de l'inconscience.

À l'homme à terre, elle énonça, marchant dans la pièce comme en terre conquise, altière dans cette demeure qui appartenait à la race des maitres :

-Je viens pour ton cousin. Abellion. Il veut savoir si le marché tient toujours. J'ai su que ta mère était morte. Et souvent les promesses meurent en même temps que les gens. Il peut encore bénéficier de la protection de son sang. Ici?

Elle n'eut pour réponse qu'un râle, et un chapelet d'injures. Avant d'obtenir enfin la réponse attendue, d'une voix féminine qui avait surgi tout près de l'oreille de l'esclave. Celle-là était rendue rocailleuse par le grand âge, et dans celle-là une colère perçait.

Une brève lame recourbée zanthéroise avait pénétré, superficiellement mais douloureusement, la cuisse de l'esclave, tout près du nerf. Une autre, de même calibre, se trouvait devant sa gorge. Si elle se mouvait, si elle chancelait seulement, elle s'égorgerait sur celle-là. Stensa, la nourrice Zanthéroise, l'avait ainsi prise au piège. Elle se trouvait dans le dos de l'esclave. Ses manches longues empêchait tout contact avec la peau sombre, qu'elle toisait avec grand dédain.

De sa voix chevrotante, elle énonça.

-De quel droit un chien peut-il mordre un humain et survivre? De quel droit, même, une blatte a-t-elle le droit de vagabonder dans les cuisines d'une maison honorable. Ah, pauvre, pauvre Lyanna, heureusement qu'elle ne voit pas ce que devient sa maison. Mais j'ai fait serment. Je garderai cette maison propre, moi. Et je protègerai le sang de Lyanna. Le sang des Lunenoire. Le sang de Zanther.

*Elle eut un regard embrasé de colère vers le gaillard écrasé sur lui-même, contre le mur. *

-Thaegar! Je t'avais dit, dit et répété, qu'ils n'avaient pas d'âme! N'as-tu pas eu la preuve de ce que je te dis? Mon garçon, moi qui t'ai aimé comme une mère! Qui t'ai chéri, et élevé comme tel... Si je m'attendais... Comment as-tu osé toucher à ce tas de fumier de tes mains nues...? Ne t'ai-je pas élevé correctement? Tu bois trop! Tu perds ton savoir-vivre, ton discernement! Prends garde! Tu risques de déshonorer la maison. Thaar t'a gardé, au moins, de commettre le pire. Et grâce à Thaar, aussi, j'étais là pour l'empêcher de te tuer. Vas-tu seulement tendre la main, ou le cul, à un lion quand j'aurai le dos tourné, grand bêta, inconscient!

Alors qu'elle invectivait l'homme à demi-saoul, à la cape des mercenaires, ses lames s'enfonçaient un peu plus dans la chair noire, faisait couler le sang qu'elle disait impur.

**-Relève toi. Aide moi à la jeter dehors à coups de pieds. Je n'ai jamais eu ta force, et je n'ai plus la jeunesse. Tout ceci me fatigue. Dis toi que je faiblis. Demain, peut-être que je n'aurais pas pu te sauver : je serais devenue trop vieille... Trop faible. Trop lasse. Ne baisses plus jamais ta garde, pas face aux sans-âmes ni aux sous-races. Ni personne. Si tu m'aimes encore un peu, garçon, écoute moi! **

*La larme montait à l'oeil de la vieille femme, comme si le gaillard était aux portes du trépas. L'homme grogna, se redressant avec peine. Puis, à eux deux, ils poussèrent l'esclave dehors, sans ménagement. L'envoyant bouler sur les pavés du quartier de l'Ordre, sanglante. *

-Dis à ton maitre que nous l'accueillerons seulement s'il peut tenir un peu mieux ses chiens. Il ne nous aura pas fait bonne impression, pas du tout. On n'envoie pas un loup enragé pour savoir si on peut avoir protection, gite, et couvert. Non mais!

*Puis, la vieille eut un sourire malicieux, une main sur l'épaule du grand gaillard à son coté. Elle lui jeta un regard complice, entendu. L'homme le lui rendit. Il cria, de toutes ses forces. *

-Paul! Paul! Au voleur! Y'a de la vermine chez moi! Moi j'y peux rien ici, mais toi tu peux la mettre aux fers! On a trouvé ça chez nous, qui tentait de nous piller la maison et qui a bien failli avoir raison de Mamie Stensa.

*Le garde de l'Ordre du Soleil, qui paraissait au coin de la rue, jeta à la maison des Ledwynn, à la vieille femme voutée et au colosse dans l’embrasure, puis à la femme noire blessée recroquevillée sur le dallage, un regard interloqué. La vieille femme ajouta, heureuse, malicieuse, rajeunie par la scène il semblait. *

-Si j'étais toi, je courrais, vermine.

*Puis elle cracha au visage de l'esclave, qui ne se fit pas prier pour prestement détaler, un peu claudicante, le garde de l'Ordre aux trousses. *


Post by Adjakyee, Ind - August 30, 2011 at 3:06 AM

-Je cherche les enfants de Lyanna Ledwynn.

*Avait-elle lâché, troublant la toute blonde et toute blanche demoiselle. Le bras de cette dernière s'était passé autour des épaules de son amie aux yeux d'or, en un geste protecteur. *

-Fais attention. Ils sont dangereux.

La prévint-elle, précautionneuse, toisant la noire silhouette avec dédain et effroi mêlés. Puis, la pâle et délicate demoiselle poursuivit.

Je suis Asphodèl de Nogar. Née du Typhon. Fille de Lyanna Ledwynn née Lunenoire. Épouse du Grand-Inquisiteur et Baron Systérien Brehan de Nogar. Que me veux-tu?

Débita-t-elle, avec hauteur, comme pour s'offrir à elle-même une certaine assurance, se parer d'un effroi qu'elle ne ressentait même plus face aux harpies et aux monstres qui succombaient de son feu et de sa foudre.

**-Je suis émissaire d'Abellion Lunenoire. Ton cousin. Une promesse de protection lui a été faite, par votre mère. Et maintenant qu'elle est morte -j'ai su... Enfin les promesses meurent parfois en même temps que les hommes. **

Avec une moue dédaigneuse, hérissée, la jeune Aspirante invita la noire silhouette à la suivre, ainsi que son amie. Elle la mena au trop familier quartier de l'Ordre. Défiante, espérant qu'on ne la voie pas en si mauvaise compagnie, de cette noire chose qu'elle eut préféré morte, ou lointaine. Elle la fit bien vite entrer dans l'une des demeures que possédait son baron d'époux, cherchant à voir si on ne l'aurait pas entraperçue.

Une fois la porte close, elle parut un peu soulagée, bien qu'elle demeurait crispée. Ils devisèrent un temps. Elle offrit de combler la promesse, de garder vivante ce souvenir de sa mère, par égard pour son cousin et son sang. Par politesse, crispée, elle lui demanda si elle avait besoin de repos, qu'elle lui aurait permis de prendre fugacement dans la demeure.

**-Inutile. Je saurai me reposer ailleurs. Ce sera mieux, pour vous, pour moi. Inutile de vous incommoder. **
-Trop tard, c'est déjà fait. Reviens avec ton maitre, ou ne reviens pas.

Cracha la femme, pâle et délicate, qui semblait l'antagoniste de ce qui trônait devant elle, cette silhouette noire et noueuse.
Mais elles se ressemblaient d'une façon : leurs regards, l'une pour l'autre, luisaient d'un sourd ressentiment.


Post by Adjakyee, Ind - August 30, 2011 at 3:30 AM

Le jeune homme roux, et la blonde femme s'étaient assis à une même table. Dans cette demeure de Monsieur de Nogar, où on avait promis hospitalité au cousin qui débarquait.

Leurs sourires, l'un envers l'autre, étaient guindés du carcan des convenances qui leur avait été inculqué.

Elle toisait son cousin, admirative et curieuse à la fois.
Impressionnée, de le voir mater sa bête.

-C'est bien vrai, ce qu'on dit, qu'ils sont sans âme. Moi, ils me font froid dans le dos.
-Je n'en ai pas peur, ma chère cousine. Il ne faut pas. J'ai de quoi les mater.

*Il désigna au cou le collier paré d'une rune, que la jeune sorcière regardait déjà curieusement. *

-C'est l'équivalent de la chaine, ou de l'anneau qui la tient au mur, pour un chien méchant.

Expliqua-t-il. Et durant leurs discussions, elle put observer, impressionnée et un peu mal à son aise, le collier luire à chaque ordre. En particulier celui où le maitre imposa à son bien de souffrir, stoïquement, et en silence. Elle put l'observer, se crisper et câbrer de douleur sur place, une pellicule de sueur parant son front sombre.

Puis, elle discuta de la décence de ce qu'Abellion désignait, et traitait, comme moins qu'une bête. Elle fit taire les protestations du cousin, qui affirmait que tout vêtement qui l'affublerait la ferait ressembler aux ours vêtus qu'exhibent les montreurs gitans par l'argument de la pudeur :

-Mon mari est Grand-Inquisiteur. Il ne permettrait pas une impudeur dans sa propre maison.

*Elle céda une robe brodée. Le cousin parut surpris. *

-Mais c'est beaucoup trop beau. Vous n'avez pas... autre chose, de plus... approprié?
-Mon mari est Baron... c'est vraiment le minimum dont on puisse la vêtir sans perdre la face.

Puis, il fut question du gite. On oublia la grande silhouette sombre et silencieuse, qui s'était dévêtue, et qui avait enfilé la robe au milieu de la pièce. Défiant, en ce petit acte de rébellion imposé par un ordre considéré de manière littérale, la pudeur préconisée dans la Très-Sainte-Maison du tout aussi saint Grand-Inquisiteur.

Il fut convenu qu'un lit serait trouvé pour Abellion, qui pourrait aménager les lieux à sa convenance. Mais pour l'esclave, il y eut un point de litige.

-Ma cousine, n'y aurait-il pas un lieu où je pourrais la faire coucher. J'aimerais qu'il m'en coute moins que pour mettre un cheval aux écuries.
-Mais allons. Ne dépensez donc pas pour cela! Elle dormira sur le toit. Il y a des peaux de fourrure. Puis, si elle a froid, elle n'aura qu'à se coller contre la forge, aussi sur le toit.
-Allons, c'est trop bon pour cette vermine. Beaucoup trop bon.

Le malaise de sa cousine, sa pâleur et sa moue de dédain alors qu'elle toisait l'esclave semblait corroborer les propos tenus par son parent. Bien que la convenance voulait qu'elle s'acquitte correctement, avec force générosité, de son devoir d'hôtesse. Il eut un sourire affable, rassurant. Puis toisa l'esclave avec hauteur, suffisance, et donna pour ordre, alors que la rune qui avait pouvoir de vie ou de mort luisait :

-Tu dormiras sur le toit. Tu n'approcheras pas des peaux, tu dormiras à côté. Et je t'interdis de mourir de froid. Et si tôt que tes membres s'engourdiront, que la neige te glacera le sang, que le gel te mordra comme une bête sauvage, je t'ordonne de te souvenir que nous sommes à l'intérieur, bien au chaud et confortables.
-Ce n'est pas comme si j'avais le choix.

Lâcha-t-elle, amère. Toisant les deux parents d'un regard de la haine la plus pure, qui fit frémir la frèle demoiselle qui n'était pas habituée à ce genre de choses. Un bruit, en contrebas, les fit sursauter.

-Ciel! Mon mari! Je vous supplie, mon cousin, agissez comme si elle était votre servante. Je n'ai rien contre vos manières de disposer de votre bien, mais l'esclavage est proscrit en Systéria! On vous l'enlèvera, si vous n'êtes pas prudent.

S'ensuivit l'ascension de Brehan de Nogar. Les trois individus blancs de peau échangèrent des banalités et présentations, devisant de choses et d'autres comme le voulait la convenance. Avant que le cousin, las, n'évoqua l'idée de se retirer. La cousine, pendue au bras de son tout nouvel époux, parut se soulager un peu de ce départ preste, puisque le cousin avait avec lui un bagage qu'elle trouvait bien incommodant.

Comme la convenance voulait, on offrit un gage d'or, refusé poliment à maintes reprises. Puis, l'Inquisiteur, insistant, finit par barrer la voie à l'esclave qui sortit derrière son maitre, pour lui remettre le fameux sac. Le maitre s'enquit aussitôt de ce qu'elle portait : c'était là chose courante, sans doute, que de glisser l'or malgré soi aux parents et amis, du moins, c'est ainsi que le maitre l'entendit. Abellion ordonna.

-Tu devras faire fructifier cet or. Lorsque nous le rendrons, il devra y en avoir davantage.
-Comment?

*Il soupira, exaspéré. *

-Ai-je le temps de t'apprendre ces choses là. De toute façon, tu n'aurais pas l'intelligence de me comprendre. Non. Vois avec le Banquier, peut-être sera-t-il plus courageux que moi. Et gare, si tu te dérobes.

Il lui débita ensuite une liste de tâche. Trouver les hauts-lieux de magie de Systéria. En apprendre le plus possible sur la confrérie. Faire en sorte que sa présence soit connue en Systéria. Et apprendre à lire. Puis écrire.


Post by Adjakyee, Ind - August 30, 2011 at 5:23 PM

*D'un geste indifférent, le maitre l'avait chassé vers la porte, d'une main, alors qu'il commandait un verre de l'autre. Il entamait déjà avec la tavernière de l'Auberge de l'Ordre une discussion animée : et déjà il arborait un sourire alors que celle-là se plaignait ouvertement de la proximité de la basse ville en contrebas. *

-Ne dit on pas que la vermine remonte? Ce n'est pas le flanc d'un plateau qui pourrait l'arrêter.

Il eut un regard derrière lui, vers la porte qui se refermait derrière la noire silhouette. Puis il dit, avec une douceur qui se voulait empathique.

-Ma pauvre dame, vous dites bien vrai.


Pendant ce temps, la noire femme débutait son errance. Il l'avait envoyée en quête des hauts-lieux de magie. Elle parcourut donc tout le quartier pourpre, le corps tendu, parmi les runes si semblables à celle qui la retenait prisonnière en parant son collier. Parmi les arcs magiques comme ceux qui tendirent son corps d'une souffrance indicible. Parmi les mages, comme en étaient Asphodèl et Abellion, qui étaient dès lors les premiers de ses tortionnaires. Elle haïssait la magie, la craignait. Une fois, une seule, la magie avait été utilisée favorablement à son égard, depuis sa mise aux fers. Par la jeune mage Norah, qui voulait lui faire voir clair dans la nuit. Et pourtant elle aurait préféré ne pas subir ce sortilège pourtant bénéfique, ne serait-ce que pour s'éviter le serrement de coeur de l'effroi, qui l'avait alors clouée sur place, alors que la jouvencelle de T'sen passait son chemin.

Le tour rapide du quartier pourpre exécuté, elle en sortit épuisée, meurtrie et soulagée, tout à la fois. Elle s'en fut presque au pas de course de ce haut-lieu de magie qu'elle exécrait.

La queue interminable devant les autorités administratives de l'Empire lui parut, ironiquement, une terre de lait, de miel et de délices après ce parcours miné en lieux magiques. Après de longues heures, lorsque la nuit tombait enfin, elle put atteindre un fonctionnaire, à qui elle remit ce bout de papier que le maitre lui avait remis. Il répondit, de sa voix monocorde et nasillarde :

-Mh. Le recensement. J'oubliais presque. Habituellement cela se fait auprès des fonctionnaires du port. Les fonctionnaires de la moyenne ville ont beaucoup mieux à faire : normal, n'est-ce pas, nous sommes si près du Palais, à nous de gérer les hautes-affaires avant qu'on prenne le relais dans les enceintes du Palais Impérial, hm. Et vous, vous n'êtes même pas citoyenne, si je ne m'abuse, n'est-ce pas?

-Non. Je ne le suis pas. C'est vrai.

-Je me doutais.

*Il balaya l'air du revers de la main, dédaignant à s'emparer du papier. La noire femme le tendit avec insistance. Il la détailla de pied en cape. La robe brodée qui avait tout de faux, sur son corps brun, scarifié, terriblement amaigri. Ses cheveux un peu sales, emplis de noeuds. Son regard où luisait une continuelle lueur de mépris. Qui peut-être le fit réagir. *

**-Puis, vous devriez délivrer ce papier aux fonctionnaires de votre quartier. Il en passe, de temps à autre, en Basse-Ville. Nous, en Moyenne-Ville, nous n'avons pas que ça à faire, prendre à notre charge les indigents et les putains galeuses. Si vous voulez les services en Moyenne-Ville, il faut y résider, au minimum, et très franchement c'est bien au-delà de vos moyens. Si nous acceptions toutes les raclures des bas-fonds ici, nous n'en sortirions pas, et les braves gens ne pourraient plus jamais venir ici sans trembler d'effroi. Non, non, filez voir mes collègues en Basse : cela vaudra mieux, même si souvent il passent aux mois dans ce quartier: normal tous les mendiants viennent les harceler, je les comprends. Les files sont longues, l'attente dure quelques jours parfois, mais je vous conseille de vous y rendre par grands froids : ça avance plus vite si certains indigents meurent pendant l'attente, hm. **

Commenta-t-il, froidement, indifférent, sans lever le nez de ses papiers pour bien se garder d'approcher sa main du parchemin qu'on lui tendait avec plus d'insistance.

**-Je viens au nom de Monsieur Abellion Lunenoire, je suis sa servante et son émissaire. Il s'agit de sa formule de recensement. Il réside présentement dans le quartier de l'Ordre, auprès de sa cousine, madame Asphodèl de Nogar. Vous savez, la femme du Baron et Grand-Inquisiteur de Nogar. Il loge dans une de ses propriétés. Dois-je aller au quartier de l'Ordre? **

Demanda la noire silhouette, avec une candeur plausiblement feinte.

Le fonctionnaire voûté se redressa soudain, bondissant comme un diable à ressort hors de sa boite en un sursaut comique, au nom du Baron. Les paroles chuintantes se bousculèrent à ses lèvres, ses yeux exorbités fixaient avec un éclat de surprise et de colère l'esclave. D'un geste qui se voulait empressé, mais qui fut plutôt brusque, il s'empara du parchemin.

-Non non non non non non non. Non. Làaaa. Voyez. Je m'en occupe. Donc. Vous me ferez le plaisir de le lire à voix haute? Je retranscrirai, pendant, dans le grand registre.

-Mais, je ne sais pas lire.

-Le contraire m'aurait étonné.

*Lâcha-t-il, cinglant, en entamant sa copie, les lèvres pincées, contrit. Malgré la pique, de nature mineure, l'esclave eut un sourire en coin, se contentant des piètres triomphes de ce genre pour lui offrir un peu de bonheur. De tourner ces individus qui se disaient de la race des Maitres, les uns contre les autres. *


Post by Adjakyee, Ind - August 30, 2011 at 7:30 PM

Au près du crâne de dragon, dans le quartier druidique, sous le regard perplexe des quelques passants se trouvaient là, une sombre silhouette, assise en tailleur, s'agitait. Elle brandissait trois carcasses sanglantes encore, de petites bêtes abattues. Proies modestes, pâle sacrifice peut-être, pour une déité quelconque. Vaerdon? Qui savait. Elle parlait en sa langue, émaillée sans cesse de mots que nul ne comprenait. Sauf elle, et son dieu, peut-être.

Si quelqu'un avait pu comprendre la langue mi-chantante, mi-gutturale de la femme, ses mots d'une des langues des nombreuses tribus, des nombreux clans de N'guelundi, voilà ce que ceux-ci auraient pu comprendre.

-Nahg Ar'Ang. Dieu des guerriers, des chasseurs. Toi-qui-grandis-et-fais-grandir-dans-l'épreuve. Le dévoreur, le destructeur, le gardien des portes séparant les vivants des morts. J'en appelle à toi.

Elle prit une inspiration, relevant en sa paume les petites carcasses, à la chair partiellement dévorée, qu'elle tenait, en son poing fermé.

**-Je te fais cette offrande, piètre, mais au meilleur de mes talents. Nous partagerons leur chair, leur sang. Nahg Ar'Ang, vois l'épreuve que je subis, depuis tant d'années. J'ai perdu une bataille, et j'ai alors perdu la vie, qui est depuis dévolue non pas au jugement des Dieux, mais à celui des hommes. Ma main tremble. Je ne peux plus tenir une lance. Accorde moi une façon de me renforcer dans l'épreuve. De retrouver mes forces perdues. Aide moi, afin que ma dette, que cette défaite, soit enfin payée. Aide moi, afin que, ma dette payée, je fasse payer leur dette à ceux qui m'ont asservie. **

*Ses paroles, en sa langue chantante, se renforcèrent. *

**-Met sur ma voie un moyen, et je t'offrirai leur chair, et leur sang, en sacrifice. **

Elle conclut sa prière sans un autre mot. Laissant là, près du grand feu, les petites carcasses animales. Pourquoi ces paroles incompréhensibles? Pourquoi ces petites carcasses? Pourquoi près du feu et du crâne draconien? Lui avait-on indiqué dans le quartier un havre de Vaerdon, ce qu'elle disait dieu des guerriers et chasseurs? Avait-elle cherché, seulement, ce temple accessible aux rares initiés d'une guilde, uniquement? Un temple, sous clef, pourtant, n'est pas fait pour accueillir fidèles et convertis. Ainsi, il n'était pas rare, sans doute, que des cultes et prières aux Dieux que les fervents de Thaar désignaient comme mineurs, s'improvisent hors des enceintes sacrées, en tout lieu inspirant respect ou sacralité. Certains druides en haussèrent les épaules, indifférents. Ceux-là préféraient les elfes délicats porteurs d'une sagesse indicible. Ou les braves commerçants et fonctionnaires qui sauraient grossir les avoirs de la guilde, par la vente et la supervision de la distribution de permis.

Puis, tout cela fait, elle se dirigea vers la moyenne ville.

S’entama une discussion animée. Avec un dénommé Jon, guerrier et juriste tout à la fois, qui s'anima si tôt qu'on évoqua le métier des armes et le souvenir de batailles anciennes. Celui-là s'empressa, et introduisit la noire silhouette au Seigneur-Marchand Lidenbrock. Le trio ainsi formé s'isola dans une arrière-salle de l'Auberge du Coin Chaud, et devisa jusqu'au petit jour. L'esclave sortit de là avec un pâle sourire en coin. Ses prières avaient-elles été exaucées? Son Dieu avait elle laissé en son chemin cette faveur demandée? Son sourire était toutefois tempéré. Peut-être croyait-elle encore à un autre mirage, à une autre épreuve, dont Systéria regorgeait.


Post by Adjakyee, Ind - August 30, 2011 at 10:58 PM

Elle maintint la garde haute, frappant un grand coup, de cette sagaie récupérée en cachette au fond d'un bois.
Le loup enragé glapit, et se tut, lance dans la gorge.

Elle découpa un peu de la viande, de son flanc amaigri par la faim. Un loup affamé en tuait un autre.
Elle mit la chose en sa besace, puis s'en fut.

Son exploration des landes entourant la blanche cité ne faisait que commencer.

Elle la mena alors, frémissante en sa tenue traditionnelle, par le grand froid, dans une colonie de Mongbats, qu'elle abattait d'un coup de bois garni d'os et d'un bout de tissu carmin. Comme autrefois.

Et alors, malgré la vapeur qui émergeait d'entre ses lèvres. Malgré le gel qui piquait ses pieds. Elle était dans la savane. Ce n'était plus sur les corps chauds des Mongbats tombés qu'elle marchait, mais sur autant de cadavres humains, tous pâles, tous Zanthérois, parés de l'uniforme à pointes des soldats d'Exophon, la Cité du Mur.

Et elle riait, riait alors que ses mains se paraient du sang de ses ennemis tombés, tout faibles qu'ils fussent. Elle invoqua en un grand cri Nahg Ar'Ang, Dieu des guerriers qu'on nommait à Systéria Vaerdon. La viande donnée par Lidenbrock, la veille, lui avait fait du bien. L'avait ramenée à l'époque de souvenirs, où chaque jour elle se repaissait de ses proies.

Elle amassait des forces. Le regard luisait encore d'énergie apportée par la haine, l'amertume sourde des désespérés.
Elle amassait des forces, et ourdissait sa vengeance, alors que le sang parait sa lance et son bras.


Post by Adjakyee, Ind - August 30, 2011 at 11:24 PM

Une voix.

Dans la sinistre, sinistre grotte, près de la rivière.
Si grise, si sombre, si brune. Où seuls voletaient quelques oiseaux bleus à gorge rouge. Seule couleur de l'endroit. Leur chant avait pourtant quelque chose de funèbre, sans qu'on puisse dire quoi.

Une grotte empreinte de magie, à l'aura noire.
Une grotte, empreinte de rancoeur, de ceux qui ont foulé du pied ses dallages.

Des mots, en une langue chantante et gutturale. Inconnue à Systéria. Ignorée. Indésirée.

-Raz'hemshout, déesse des réprouvés, des souffrants, des vaincus. Dévoreuse-des-souffrances-des-hommes. Déesse de la vengeance ourdie, et réalisée, entend mes paroles. Entends moi, entends ma prière et reçois mes offrandes.

La noire silhouette tira de son sac une première masse sanglante. Une tête d'homme, zombifié, les traits crispés en une dernière grimace, les yeux vides. Elle la brandit, au bout de son bras. Sa sagaie posée contre une pile de crânes, nombreux, qui se trouvaient déjà là. Cette déesse-là avait peut-être un nom dans les cultes systériens. Mais on ne le prononçait pas, car elle devait faire partie des Dieux Interdits par la Loi de l'Empire. Mais pour la noire silhouette, ce n'était qu'un des dieux du grand panthéon de son peuple, qui incluait des entités connues mais autrement nommées sur l'Archipel. Mais aussi des génies et demi-dieux inconnus, dont les légendes étaient et demeureraient sans doute toujours derrière les dents de la toute-noire.

Le sombre être disposa de la tête, dans le pentacle de sang et de cendres déjà tracé là. Et continua, en sa langue chantante.

**-Prends. Je t'offre les restes de trois de mes semblables. Des êtres asservis. Qui ont perdu déjà leur vie. Qui sont au service non pas de Dieux mais d'hommes. Qui sont dits, par la race des Maitres, comme tant de sans-âmes. Des vaincus, dont l'âme a été rendue à aux Dieux. Accepte et dévore mes anciennes souffrances, de pair avec Nahg Ar'Ang ton demi-frère, qui jugera de mes épreuves. Accepte et dévore jusqu'à la lie la souffrance de ces trois autres, que je t'offre en sacrifice. Je t'offre leur tête. Leur coeur. Leurs organes. **

*Pendant ce temps, elle disposa d'un gros coeur, ainsi que d'une cervelle malmenée, dans le cercle de sang. *

**-Si tu acceptes ce sacrifice... **

*Elle inspira. On ne priait Raz'hemshout qu'au faîte du désespoir et de la haine. Lorsqu'on était prêt à perdre la vie pour voir ses rivaux souffrir, et perdre la leur. *

-...je veux que tu fasses souffrir milles morts à Abellion Lunenoire, ainsi qu'à ceux qui se diront proches et amis. Je veux que tu fasses souffrir aussi milles morts à sa puissante protectrice, Asphodèl de Nogar. Je jette, avec ton aval, la Malédiction sur eux. Que leur chair se décompose alors qu'ils vivent encore. Que leurs enfants meurent, faiblissent, ou leurs soient traitres. Qu'ils naissent déjà morts, ou difformes. Que leurs maisons brûlent. Qu'ils subissent les affres des blessures, des vols et des viols. Et qu'ils vivent tous deux une longue vie de malheur et d'amertume, avant que leur âme ne se consume entre tes doigts dont on n'échappe pas. Ainsi, déesse Raz'hemshout je veux. Fais de moi le témoin de leur tourment, afin de me réjouir, et afin que je te fasse d’autres offrandes.

*Conclut elle, en un souffle. La voix blanche, les mains crispées. Elle prit un bol de sang qui la jouxtait. Elle en but une gorgée. En versa la moitié sur le sol de la grotte, près des offrandes. Puis, versa le reste dans la rivière, qui courrait non loin de là, protégée de la vue par le flanc de la montagne. Le pacte était scellé avec la vengeresse. *


Post by Adjakyee, Ind - August 31, 2011 at 12:37 AM

Dans la cossue demeure du Baron, nul ne sut vraiment ce qui survint.

Un cri, un cri de mort. Un cri d'agonie.
Un cri à glacer d'effroi tous ceux qui erreraient dans les parages immédiat du quartier de l'Ordre.

Puis le claquement distinctif du sortilège de foudre.

Devant la porte close, certains spéculaient. On savait bien que mademoiselle Asphodèl et son cousin se trouvaient là.
On parlait donc d'un attentat fratricide contre la bien-aimée femme du Baron.
On parlait de l'arrivée improbable du démon persécuteur, dans la demeure même du Saint homme qui avait pris Asphodèl pour femme.

Ou bien, était-ce la sombre silhouette qu'on voyait parfois, incertaine de ce qu'elle était? Aurait-elle, de ses propres mains, attenté à la vie de la tendre et délicate femme du Baron : on le présumait ouvertement. Elle qui semblait tant la craindre devait bien avoir une raison.


Post by Adjakyee, Ind - August 31, 2011 at 2:42 AM

Elle avait fui la demeure du Grand-Inquisiteur à pas rapides, si tôt qu'on avait songé à déverrouiller le loquet. Elle était partie, sans qu'on la voie. Ou sans qu'on veuille la voir.

Si tôt arrivée dans la Basse-Ville, sa robe brodée sur le dos encore, elle fonça droit vers la Rose Cendrée. Elle prit la peine, d'abord, de monter à l'étage pour se changer, réenfiler sa tenue traditionnelle, certes glaciale, mais bien mieux que cette robe offerte par deux individus qu'elle honnissait.

Lorsqu'elle sortit du cabinet de l'étage, elle reçut à la figure quelques regards et remarques salaces. Elle passa, haussant les épaules. Tout cela l'indifférait. Son maitre, de toute façon, avait bien explicité que nul individu doté de raison ne voudrait d'elle, et que si un individu assez pervers y aspirait, il ferait noyer à l'esclave sa propre progéniture dans le fleuve. Cela aussi, l'indifférait. À quoi bon vouloir donner la vie, lorsqu'on est déjà mort. Tous les hommes qu'elle croisait, tous qui se briguaient tôt ou tard maitres, qui tôt ou tard montraient leur suffisance et l'arrogance dont ils étaient bouffis, ne suscitaient en son coeur qu'un mépris plus ou moins marqué.

Une fois redescendue, elle interpela les deux femmes qui gardaient les lieux, comme deux cerbères cajoleurs et rieurs. Ce fut une rouquine à la poitrine forte, dont le minois gardait encore les traces d'une enfance rude, à laquelle elle avait dû renoncer trop tôt, qui répondit. Les deux femmes se présentèrent. Sommairement. Adjakyee, à qui les échanges de banalités ne convenait pas, alla droit au but. L'autre ne s'en formalisa pas. Le temps était de l'or, dans le lupanar, et elle en avait vu de plus grossiers.

-Caprice. Je ne viens pas pour être recrutée. Je n'ai rien à faire des hommes, et eux n'ont rien à faire de moi. Mais j'ai besoin de savoir où vont tes filles, pour se faire décrocher les petits qu'elles pourraient porter. Pour les faire pénétrer ce monde, ou pour les renvoyer aux Dieux, car ils ne sauraient subsister aux épreuves de ce monde.

*Après une longue hésitation, la jeune Caprice répondit. *

-Au devant de la statue de l'Empereur Glorieux, tu trouveras un temple de Thaar. À côté du temple, un bâtiment porte l'Ankh des Soigneurs. Dans la ruelle qui jouxte les deux bâtiments, une femme en toge jaunâtre, Marguerite, rôde là. Va la voir. Elle te donnera, ou dira, ce dont tu as besoin.

La noire femme s'en fut, d'un bond, après un bref remerciement marmonné. Elle tomba bien vite sur l'avorteuse. Elle passait vite dans les rues de la Basse, sans le besoin de se voiler aux regards. Les gens de la Basse avaient tout vu, tout vécu. La noire femme ne les étonnait pas, ou si peu, sous l'écrasement de leur misère.

La sombre silhouette amincie comme un roseau et la grasse femme échangèrent quelques mots bas, sous l'oeil suspicieux d'un Gardien de l'Ordre, qui se tenait droit devant le temple, inflexible face aux quelques manants qui demandaient l'aumône. La noire femme eut pour lui un regard : il était pour elle un de ces hommes se drapant de leur vertu exclusive, fausse et méprisante. Elle lui jeta un regard abrupt, comme à tant d'autres, entrainant la grasse dame d'âge mûr à sa suite, vers un accès aux toits que la sombre avait repéré plus tôt.

L'avorteuse arriva en haut de l'échelle de corde en nage. Aidée d'une main par l'esclave, qui n'avait pas la force pourtant de hisser à elle seule la femme, qui pesait son poids, à l'étage.

À la femme essouflée et perplexe, elle eut ces simples paroles.

-Il me faut apprendre comment aider une femme à mettre au monde. Moi qui donne la mort, je dois apprendre à faire passer un jeune esprit dans le monde des vivants en faisant accoucher, contre mon gré. Apprends moi, gardienne des portes qui mènent d'un monde à l'autre.

-Je t'apprendrai. Mais ton apprentissage se paiera. Tout se paie en ce monde, l'amitié n'est qu'une chimère. La générosité aussi.

-Oui. Je paierai. Je ne crois pas, non plus, que l'un ou l'autre puisse servir autre chose que ses propres intérêts. Tant devant les hommes que les Dieux. Ceux qui le disent sont de fieffés menteurs.

*Elle céda quelques pierres veinées d'or de sa besace. Des pierres dont le métal précieux n'avait pas été fondu, un tribut découvert en ses explorations, caché à son maitre qui, après tout, n'avait pas demandé qu'on lui remette tout. Mais cela était de l'or, tout de même. Dubitative, la femme bien en chair avait examiné les pierres au soleil, les avait retournées sous tous les angles en marmonnant. Avant d'énoncer. *

**-J'accepte. Demeure en Basse, et préviens moi de ton lieu de résidence. Il ne faut pas compter sur moi pour te loger, ou te nourrir. Je mange à peine. **

Souligna-t-elle, en un propos dont on ne pouvait que douter. Elle poursuivit, néanmoins, sans que l'esclave ne réagisse, indifférente à l'éclat d'un avarice aussi ostentatoire, qui lui était coutumier.

**-Demain, viens me retrouver, nous discuterons. Ce sera ta première leçon. Ensuite, je te ferai quérir, chaque fois que j'ai a agir. Ainsi, tu apprendras vraiment quelque chose. **


Post by Adjakyee, Ind - August 31, 2011 at 4:13 PM

Ils demeuraient tous deux au fond de cette cage aux barreaux de Sanguine.
Le jour, qui filtrait à travers eux, donnait l'impression que les quatre silhouettes noires qui s'y trouvaient était baignées de sang.

Devant la cage, soldats d'Exophon à l'uniforme à pointes, officiers hautains parés de capes écarlates aux fermoirs d'or et de rubis, allaient et venaient, indifférents. Ils ne regardaient pas ces quatre êtres, dérangeants, pourtant au coeur même de leur campement du long du Mur. Ils ne devaient pas les voir. Ils étaient le secret de l'Officier Lysandre, qui avait soudoyé un peu tout le monde, pour qu'on laissât faire. Ainsi, tout le monde avait ordre de faire mine que cette cage de sanguine, et son contenu, n'existait pas. De feindre d'ignorer que son contenu était pris, une fois par mois, par un charretier louche qui emmenait ces bêtes dans une boite sans interstice, d'Exophon à Médelia. Et de feindre d'ignorer que l'Officier Lysandre semblait plus financièrement à l'aise que ses pairs. Assez, du moins, pour avoir une demeure plus massive. Pour que sa femme soit vêtue de tissus plus fins et plus richement colorés. Qu'elle porte des bijoux plus ostentatoires. Et pour que leur table soit toujours bien garnie de mets délicats.

C'était ce même officier qui fixait la cage aux barreaux aussi écarlates que sa cape. Lysandre, celui qui avait le droit de voir.
Un soldat, un peu blême, vint l'interpeller.

**-Votre Grandeur Conquérante. Je... et bien... Quelqu'un demande audience. Quant à... **

*Il désigna la cage rouge d'un geste de tête. *

-Comment! Nul n'est autorisé à contester la présence de MA cage, et ce qu'elle contient ne les concerne pas.

*S'emporta l'officier. Le soldat répondit en un souffle. *

-Ce n'est ni un soldat, ni un de vos pairs, l'un des grandioses conquérants officiers...

-Alors qui?

*Fit-il, sec. Comment un civil, de fait, avait-il pu avoir connaissance de cette cage? Et qu'avait-il, à troubler les affaires martiales? Il était bien décidé à faire fouetter ceux qu'il suspecterait d'avoir vendu le secret du camp. Et à faire accuser le civil de traitrise à la patrie pour aller contre les affaires militaires, qui étaient au dessus de toutes autres affaires en Zanther. En Exophon en particulier. *

-C'est... Auguste Salander Dorian. Vous... savez... le... magnat... des mines... celui qui... a le ... monopole de l'exploitation des mines de... la ...Glorieuse cité d'Exophon et... de ses territoires...

Bafouilla le soldat, rouge et fort mécontent d'être ainsi coincé entre deux puissants. Entre l'arbre et l'écorce. Entre cet officier qui avait autorité sur lui, et ce magnat ami du Généralissime lui-même, à qui on permettait tout.

L'officier poussa un juron sonore. Puis de dire, en un soupir résigné.

**-Qu'il vienne. **

Dans la minute, un portail magique s'ouvrit à trois pas de l'officier et de sa cage. Un homme courtaud, richement vêtu, paré de bagues de différents métaux, ornées de gemmes toutes différentes, à tous les doigts, en sortit. Une gamine en robe de poppeline immaculée trottinait sur ses traces, insouciante et ravissante du haut de ses cinq années. Il lissa d'une main ses moustaches noires, et tendit l'autre pour s'introduire à l'officier, sans se nommer. Il s'estimait trop connu, et trop réputé pour s'abaisser à se présenter. Et le richissime magnat lança, à brûle-pourpoint, en désignant la cage d'un geste ample. Alors que certains soldats ébahis toisaient la gamine ravie, n'ayant jamais vu tel être au campement, usuellement rigoureusement réservé aux soldats.

-Je sais ce que vous faites. Le trafic de créatures prohibées. Parfaitement.

-Quoimaisnonmaisje...

*Répondit l'officier balbutiant. Depuis la cage, quatre paires d'yeux s'étaient posées sur eux, la perplexité et la méfiance liées à l'incompréhension se lisait en elles. Le magnat poursuivit, sans se soucier des explications ébauchées. *

-Je dois toujours envoyer un émissaire jusqu'à Médelia, risquant mon honorable commerce, pour ramener certaines de vos bêtes que vous faites vendre, là-bas, par un intermédiaire. Il suffit! Je désire m'approvisionner à la source, afin de m'éviter des dépenses aussi futiles que ruineuses, qui bénéficient à des citoyens d'autres cités. Je vous en achète trois par mois. Assez pour me pouvoir du nécessaire. Ils meurent plus vite qu'on ne le croit, dans les mines. Je les envoie en éclaireur de nouvelles galeries, ou encore pour poutrer les voies condamnées qui pourraient s'effondrer. Cela évite de risquer des vies d'hommes. Car j'ai du coeur, moi, monsieur!

Tonna le magnat, alors que la toute délicate gamine trottinait vers la cage, lorgnant à travers les barreaux trop étroits pour y laisser passer une main.

**-Ooooh. **

*Si tôt, l'attention se détourna sur l'enfant, qui était aussi blonde et pâle que son père était noir de cheveu. Elle désignait un des esclave, qui tenait la main d'une consoeur d'infortune. Il fixait l'enfant qui le désignait de ses prunelles d'or, qui se teintaient grâce à la cage d'un éclat sanglant. *

-On les garde, dis. Dis? Ils ont un air marrant. Tout bruns... Celui-là je l'appellerai Minet. Comme mon chat qui est mort.

Le père et l'officier, de concert, s'alarmèrent.

-Malheureuse! Ce sont des bêtes sauvages! Attention!
-N'approche pas, ils pourront te faire du mal... Ces choses-là ne sont pas de bonnes bêtes comme Minet. Ce sont des loups sans âme...

Les larmes vinrent aux yeux de l'enfant. Elle éclata en sanglots dévastateurs de l'enfant à qui on ne refusait jamais rien. Le magnat lança à l'officier un regard qui le glaça sur place : il ne faisait pas bon, en une cité où on n'en était plus à une corruption près, de faire pleurer la fille de l'homme qui tenait l'économie entière d'Exophon et la faveur du Général en sa paume. Le magnat pourtant était déjà occupé à une toute autre affaire. Il enserrait son enfant en ses bras, la rassurant.

-Là, là, ma chérie. Il sera du lot que nous prendrons cette fois. Tu l'appelleras comme tu veux. Et les galeries viable qu'il dénichera porteront ton nom. Puis, il te rapportera de belles, belles pierres, pour ta collection.

*L'idée parut calmer l'enfant. Le magnat jaugea, de loin, le contenu de la cage. Quatre silhouettes dénudées. Trois hommes. Une femme, dont la main se crispait sur celle de son compagnon d'infortune. *

-Embarquez moi les trois mâles. La femelle a l'air solide, mais elles crèvent plus vite, dans les mines. Puis, je n'aime pas son regard. Du genre à vous tuer sur place, si on ne s'en méfie pas.

-Vous ne voulez pas les quatre, ça me débarrasserait...

-Non.

Déjà les soldats ouvraient la cage, bousculaient les silhouettes qui y étaient entassées, pour leurs passer de lourdes chaines, alors qu'un mage-soldat entamait la procédure de création d'un portail magique. On sépara la femme de l'homme. Les frères d'armes. Étaient-ils amants, amis, frère et soeur? Ils n'en avaient cure.

L'homme, séparé de la femme, eut un mot, un seul, en leur langue chantante, que tous ceux qui ne la parlaient pas interprétèrent comme un nom.

-Adjakyee.

En leur langue maternelle, mi gutturale et mi chantante, cela avait le sens d'un verbe impératif. Leur tribu, belliqueuse et martiale, multipliait les termes liés à la guerre. Leur langue avait un verbe qui ne se traduisait pas littéralement en langue commune. Il avait dit. Il avait ordonné. "Survis, envers et contre tout. Venge notre mort et fais ton devoir de guerrière". Elle, elle ne répondit rien. Que pouvait-elle dire d'autre?

Ils refermèrent la cage. Elle avait vu son frère pour la dernière fois. Dès lors, ils l'avaient appelée Adjakyee, comme ceux qui en avaient fait l'acquisition avaient offert à son frère le patronyme de Minet.


Elle eut un cri. De rage, de désespoir. Elle s'était éveillée en sursaut. Elle s'éveilla sur la pile de peaux, installée dans un racoin d'une arrière-salle de la Rose Cendrée, où on acceptait qu'elle loge. Le cauchemar lui revenait de la veille. Quand on l'avait fait souffrir comme jamais elle n'avait souffert, elle avait revu ces images. Cette scène, que maintenant qu'elle maitrisait la langue commune, elle avait enfin comprise. Non seulement avait-elle souffert physiquement, mais aussi avait-elle, par cette compréhension, souffert comme jamais. Désormais, la souffrance revenait la hanter en ses rêves. La brûlant jusqu'aux larmes qu'elle s'interdisait de verser.


Post by Adjakyee, Ind - August 31, 2011 at 8:48 PM

Elle s'était risquée, au début du jour, pour une promenade matinale. Les pas de ses pieds nus étaient prudents, sur le sol glacé. Elle allait récupérer sa sagaie, cachée dans les bois non loin du port. Elle sursauta presque, en apercevant une silhouette raide, assise sur un rocher.

Elle se détendit un peu. C'était Norah. Elles échangèrent quelques paroles, fort simplement.

Puis elles prirent la route, vers un havre que la T'sen avait présenté.

-Nous y voilà.

Avait-elle dit, alors qu'elles étaient encore tout près des enceintes. La noire silhouette était dubitative. La jeune T'sen invita Adjakyee à descendre. L'autre, méfiante, enjoignit l'autre à la précéder. Si c'était un piège, la jeune T'sen serait prise entre l'arbre et l'écorce : entre l'abime monstrueux où elle voulait faire descendre la noire femme, et la sombre créature avide de vengeance sur ses persécuteurs.

Pourtant, à l'étonnement de la noire femme, qui conservait son masque stoïque, elle descendit. Et la noire silhouette lui emboita le pas. Ce n'était pas un piège.

Elles aboutirent, par quelque magie, dans un désert. La noire silhouette maintint à distance légère le fourmillion, attiré par l'odeur humaine qu'il flairait. Puis, elle ressentit une chaleur bienfaitrice, alors que le suc du fourmillion s'égouttait dans l'antichambre de la cité des hommes-dragons, les Dracos.

Ceux-là ne semblaient pas se formaliser de la présence des deux femmes, à l'étonnement de la plus sombre d'entre elles. Elles s'en furent, en une arrière-salle. Échangèrent quelques paroles. Adjakyee se détendit, parla plus que de coutume, surveillant ses propos pourtant. Et passant parfois la main au collier de chaine orné d'une rune bleutée, qui la gênait dans la touffeur de la caverne.

Elle laissa la T'sen endormie, toute à son bien-être. Elle se releva. Elle avait encore tant à accomplir. Après avoir repris sa sagaie, elle retourna à l'extérieur hostile. Il lui fallait faire une cueillette d'ingrédients magiques. Un ordre de son maitre l'avait requis, elle ne pouvait pas s'y dérober. Ainsi, régulièrement, elle renouvelait la provision de réactifs de l'homme dont elle était dite la propriété.

La tâche fut longue et ardue. Elle étendit sa cueillette aux landes éloignées. Simplement pour le plaisir de courir le bois, de pouvoir se battre, mesurer ses forces. Contre les êtres trop massifs, à son grand dam, il lui fallait fuir, reculer. Et elle se maudissait, de n'avoir pu mieux subsister, astreinte qu'elle était aux pires avilissements et esclave d'un homme et de la faim qu'il lui faisait subir.

Puis, elle qui était partie du port, s'était égarée au flanc du volcan, et avait remonté par le marais et l'hopital jusqu'en Basse, vint cacher sa sagaie dans une pile de bois pourri près de l'auberge de Kaz'burn. Avant de cheminer vers le quartier de l'ordre, alors qu'un souvenir de la nuit planait encore.

Sa chevelure noire flottait derrière elle, dans la bourrasque mordante. À cause des flocons qui s'y étaient fichés, elle prenait des allures de nuit étoilée.

Un petit paquet fut déposé, devant la porte de la résidence de Nogar, où logeait le cousin de Madame de Nogar. Elle bénissait le dernier ordre qu'il avait sifflé, requérant de ne plus la voir. Ainsi, elle n'entra pas, laissant là une quantité conséquente d'ingrédients pour qui saurait les trouver. Mais aussi, dessous, une petite masse sanglante. Un organe. Plus précisément un foie. Dit, en médecine bien souvent, siège des humeurs. Et de l'âcre bile, qui jaillissait sous la colère.

Un trophée de chasse barbare coincé parmi les plantes et oublié là?
Une menace à peine voilée?
Un message muet?

En tout les cas, nul ne serait plus capable d'accuser l'honorable maison de Nogar de manquer de foie.


Post by Adjakyee, Ind - September 1, 2011 at 5:34 PM

Deux silhouettes profilèrent à la porte de la Rose Cendrée.

Une femme, sombre silhouette, souple et noueuse comme un roseau.
Un homme, à solide carrure, la silhouette formée par les années de labeur rude et même, de combat.

Rien d'étonnant, non. La routine de l'endroit. La femme entrainait l'homme, dans l'établissement.


-Bonjour, mon beau. Viens donc voir mes marchandises.

*Sussura Ayisha, aguicheuse, feignant de retirer le peu qu'elle portait. Caprice, elle, était venue sobrement se plaquer contre l'homme, sans un mot. Lidenbrock tonna, à l'étonnement des deux autres. *

-Allez, du vent. Je ne viens pas pour ça.

Il suivit Adjakyee, qu'on avait laissée passer sans la remarquer, coutumière de l'endroit qu'elle était. Les deux cerbères de l'endroit les regardèrent monter. Puis échangèrent un regard entendu. C'était un Seigneur-Marchand. Et les Seigneurs-Marchands pouvaient bien avoir leurs petits caprices et leurs inclinaisons. Leurs... excentricités. On le savait bien : ce n'était pas le premier haut-placé qu'on voyait trainer dans le sordide lupanar, pour chercher ce qu'il ne trouvait pas autre part. Rigolarde, Caprice dit à sa compère renfrognée.

-Bha, elle apprend vite. Elle aura eu plus de veine que nous, bientôt elle roulera sur l'or et pourra vivre proprement. Elle a fait bonne pioche. Si on a de la chance, après lui avoir passé dessus, il lui restera encore un peu de force pour s'intéresser à nous.

Pourtant, depuis l'étage où ils s'étaient installés, pas un son ne s'éleva. Lidenbrock, sans doute, voulut que ce fut discret. Du moins, c'était ce que tous pensaient.

Une chose était sûre, pourtant. De leur interaction s'élevait l'odeur du secret. Celle d'un plaisir inavoué, ou celle liée à quelque complot. Lidenbrock sortit de l'endroit visiblement éreinté, harassé. Soucieux, peut-être. Ou était-ce fatigué?

Une seule certitude. Tout se passait loin de l'empire et de l'emprise de gens proprets et bien-pensants, comme l'étaient tout à la fois Abellion, qui abhorrait les bas-quartiers, ainsi que ses protecteurs, le Baron qui n'avait sans doute rien à faire parmi les moins que rien, et sa tendre épouse bien aimée et si pure, de coeur comme de sang.

Le Légionnaire pourpre qui arpentait le pont de la Basse avait peut-être raison. Ah, il se passait de drôles de choses, à la Rose Cendrée.


Post by Adjakyee, Ind - September 1, 2011 at 10:39 PM

Elle ajustait, depuis un des bosquets où elle était embusquée, différentes éclisses d'os. Que ces os constituèrent autrefois des entités animales, ou humaines, peu importait. Elles avaient été des proies. Elles étaient désormais des trophées. De ces choses, que Nahg Ar'Ang, dit Vaerdon, lui avait désormais offert pour se protéger. Elle les ajusta, d'un filament de cuir sanglant encore, autour de ses bras. De son torse. De ses jambes. De ses mains.

De cet os que le Seigneur-Marchand lui avait pourtant dit être prohibé, dans la bien-pensante cité de Systéria. Cette armure improvisée n'avait pourtant rien à voir avec la nécromancie. Avec de sombre desseins. Ce n'était que des trophées, et une protection pour sa chair trop fragile encore, affaiblie par la faim et les vexations. Ce n'était que ceux qui se disaient "Maitres", qui arboraient des armures festonnées, d'acier ou de cuir travaillé. Elle, elle prenait ce que le Dieu des guerriers lui offrait.

Puis elle s'en fut. Contre sa sagaie, le claquement des os qui se brisaient. Des chairs suintantes pénétrées. Le campement des gitans trépassés traversé, des voix la firent de nouveau s'accroupir dans les hautes herbes pour s'en cacher. Ce n'était pas le râle d'un cyclope, pourtant. Ni le grognement de trolls, ni le rugissement d'un démon. Pire, il s'agissait de voix d'hommes.

Elle les observa un moment. Quelques couples, quelques compères. Un feu. Quelques bagages posés ça et là à même l'herbe. Sales, amaigris, mais armés. Un campement de fortune de truands.

Ils causaient. Riaient. S'emportaient. Se réconciliaient. Buvaient et mangeaient de concert. Certains faisaient le guet.

Ils étaient pâles. Anciennement Systériens devenus parias, peut-être? Émigrants n'ayant pas trouvé leur voie, si ce n'était que la rapine? Ils cherchaient l'or, la fortune, les voyageurs imprudents, ce qui était la même chose tout à la fois.

L'un d'eux désigna la plaine, du doigt. Il ne fallut qu'un instant. Tous s'armèrent, tous foncèrent.

La sombre silhouette souffla quelques mots en sa langue, une prière peut-être à son Dieu des guerriers et chasseurs, ce Vaerdon autrement nommé. Puis, enfonça sa lance dans le ventre d'un homme venu à proximité. Elle alterna ainsi, entre assauts et embuscades. Combattant deux, voire trois de ces brigands à la fois.

Alors que leur sang coulait, le sang des hommes pâles, semblables aux Zanthérois, elle riait. Semblait s'animer, revivre.

Puis tous, ils dormirent. Allongés dans les herbes hautes. Leur sang maculant les loques qu'ils arboraient. Il ne restait de vivantes que deux femmes. Une, silhouette noire drapée d'ossements immaculés. L'autre, en tenue grise, tenant son flanc saignant et transpercé. Cette dernière maugréa, amère.

-La vie de brigand... l'aventure, qu'ils disaient.

L'autre lui répondit, sans que son expression ne change. Toujours impassible. Inexpressive. Monstrueuse, vêtue d'os, la peau lascérée de tant de cicatrices.

**-Serais-tu prête à t'offrir à un homme, un seul. Un homme veut me prendre sous sa protection. Il n'a besoin de rien, sauf d'une femme. J'ai déjà assez à payer, je ne veux pas de dette supplémentaire envers lui. **

La femme, une brune, dont le minois pâle se parait de saleté, cracha pour toute réponse. L'autre n'eut pas un mot. Elle la fit se redresser de force. Elles marchèrent longtemps, dans la plaine, suivant le fleuve. Empruntant un pont. La noire silhouette la faisant avancer au bout de sa lance.

Elle avait été défaite. Sa vie lui appartenait.

Après avoir longtemps marché dans la plaine, le long d'une montagne, puis le long d'un bois où on entendait les cris des Ostards sauvages, elles débouchèrent près de la mer. Des craquements de branches étranges, surnaturels, se laissaient entendre. La noire femme reprit la parole.

-Es-tu sûre de ton choix?

La femme blanche conserva son visage fermé, tentant de conserver des traits durs. Pourtant, sa lèvre inférieure tremblait. La noire planta sa sagaie debout, dans le sol. Elle entonna en sa langue natale, en retenant les mains de sa prisonnière pâle de peau en son dos. En la faisant avancer, la retenant étroitement et fermement.

**-N'ga'yoreng, dit Gaphaël sur ces terres, entends ma requête. J'ai besoin de bonne fortune que tu sais répandre sur les hommes. Une affaire devra bientôt être menée à bien par le dénommé Lidenbrock. Veille sur lui, afin qu'il mène sa quête à bien. Nous t'offrons en sacrifice cette jeune femme, qui aurait pu appartenir à Lidenbrock et qui m'appartient selon la volonté de Nagh Ar'Ang dit Vaerdon en ces terres. Que de son infortune naisse notre fortune. Exauce nous, afin de nous combler, et que nous te fassions d'autres sacrifices. **

Elle ne ressentit pas, ou si peu, la brulure de la magie de l'étrangleur, dont les branches souples capturaient déjà la silhouette pâle qui se débattait. La noire silhouette leur abandonna sa captive, et s'éloigna de quelques pas. Alors que les branches des deux arbres magiques qui se jouxtaient se partageaient l'être qui hurlait, déchiré par l'un et l'autre des arbres. Démembrée. Écartelée vive. La charpie de son être retombant dans la mer.

La noire silhouette suivit l'écume rouge, suivant le long de la mer. Elle suivit la dérive des morceaux qu'elle voyait encore, ressassant toujours sa prière, comme ce mantra que Gaphaël ou autrement dit N'ga'yoreng, entendrait peut-être.

Puis, lorsque le torse s'échoua sur le rivage, elle descendit, prudente, le long de la falaise. De l'ossement aiguisé qui lui servait de dague, elle ouvrit la poitrine offerte, sur laquelle étaient encore retenus des lambeaux gris de ce qui fut une tenue. Dans le chuintement des chairs, elle arracha le coeur. Le rinça longuement, dans les eaux salines. Et elle récupéra l'organe dur, vide de sang, pour le disposer en son sac, avec quelques fleurs de sa cueillette.

Elle repartit. Le coeur lourd en son sac. Léger en sa poitrine. Les Dieux accordaient plus grande attention et faveur lorsque le sacrifice opéré avait une grande valeur. Et un sacrifice humain, en particulier d'un ennemi, était un sacrifice qui avait la plus grande des valeurs. Bien que son visage demeurait impassible, elle était heureuse. Revivait un temps béni où c'était les soldats zanthérois captifs, qu'elle et les siens éviscéraient.


Avant de rentrer en ville, elle se défit, prudente, de son armure et de ses armes, pour les cacher sous le ponton qui jouxtait la Basse-Ville. Puis elle fila, comme une flèche, son pagne rouge battant ses hanches comme un fanion, vers la Rose Cendrée. Elle s'en fut dans l'arrière-salle où elle couchait. Disposa des peaux de loups dont elle avait pris possession, au sol. Elles étaient rudement découpées mais la fourrure serait plus confortable que le rude plancher. Elle abrita le tout de quelques feuilles de bambou juchées sur leur tige, s'improvisant presque une hutte dans le recoin du bordel qu'on lui avait concédé.

Dessous, elle disposa le coeur enduit de sel. C'était un charme, un porte-bonheur. Si la bonne fortune demandée s'exauçait, il lui faudrait l'enterrer. Entretemps, elle le gardait près d'elle.

Elle eut un petit regret, vite dissipé. À défaut d'avoir ramené une femme à Lidenbrock, au moins lui avait-elle gagné le coeur d'une dame.


Post by Adjakyee, Ind - September 2, 2011 at 4:53 PM

La femme élancée, et châtaine entra en trombe, livide. Adjakyee, en habituée, suivit son échange avec Caprice, de la table où elle se trouvait.

-...Une salope aux yeux de feu. J'ai bien cru mourir. Si je chope cette pute de nouveau, ses yeux d'or cesseront de briller...

-Tu parles trop, Michelle. Je t'avais dit de garder ta langue pour ton boulot. Et de là à la traiter de pute, c'est l’hôpital qui se fiche de la charité. Allez, tu as du pain sur la planche. Fanny n'est pas en service. Aujourd'hui. Son mal est trop avancé. On a été chercher Marguerite, pour la débarrasser de ce truc, qui gêne les clients et le boulot.

La noire silhouette parut s'immerger en ses réflexions. Tout en guettant la porte. Elle attendait Marguerite. Car Fanny, en effet, avait été engrossée pour son malheur par l'un ou l'autre de ses nombreux clients. Et la Rose Cendrée ne voulait pas perdre la fraiche jeune fille qui faisait bien rouler l'établissement. Il y avait bien assez de matrones aux seins gonflés. Aux ventres distendus. Son ventre menu commençait à poindre. La toute blonde Fanny avait dès lors commencé à s'inquiéter. On lui avait recommandé Marguerite, qu'elle attendait, alitée.

Une femme boulotte, de fait, surgit dans l'établissement. La toge jaune couvrant ses larges épaules. Elle posa ses mires sur Adjakyee.

-Comme promis. Viens.

Cela faisait suite à la fameuse leçon où la femme mûre n'avait pas dit grand chose en ses leçons d'accoucheuse. Soit, avait-elle expliqué, il fallait laisser faire la nature. Extirper naturellement la petite carcasse du corps chaud. Pourvoir, pendant, quelques encouragements à la mère, pour la forme.

Si cela ne passait pas, c'était tant pis, pour la mère et le petit. Il fallait donc, pour la peine, essayer de triturer jusqu'à retourner la chose dans le bon sens à force de bras, pour qu'elle sorte, dans l'incertitude que les deux survivent. Ou bien, si la mère se fichait du petit, de le mettre en charpie à l'intérieur avec un outil fait pour ça, une tige métallique avec une bille de fer à l'embout, pour le sortir morceau à morceau.

Mais aujourd'hui, ce n'était pas une leçon orale d'accoucheuse, qu'elle pourvoirait. Mais une leçon pratique d'avorteuse.

On l'appelait quand les remèdes improvisés ne marchaient pas. Quand le fait de boire une eau chauffée trois fois par le soleil de midi dans un temple de Thaar ne constituait pas une médecine efficace pour faire passer le petit. Quand ne rien manger pendant deux semaines sauf des oeufs de harpie n'était pas fructueux pour décrocher l'enfant.

Elles montèrent, de concert, à la semi-chambrette, ou plutôt une arrière-salle, où gisait Fanny. Elles y demeurèrent le jour. La nuit qui suivit. Alors que la Rose prenait un air festif, dans les cris, les rires, les râles de plaisir, les cris de douleur de l'avortée se perdaient. D'un mince fil de fer, il fallait faire décrocher l'enfant. Lambeau de chair à lambeau de chair. Le processus était long. Adjakyee n'en perdit rien. Puis, ils la surveillèrent jusqu'aux aurores. L'hémorragie de Fanny ne s'était pas tarie. À l'aube, elle finit par périr.

Marguerite se paya de ce qu'elle put piller dans la chambre, sans que son expression guillerette ne change. Elle prit bourse, bijoux, et même robes potables.

-J'ai besoin de ton aide.

Dit-elle, pour une première fois. Il fallait arracher, du doigt de la morte, qui avait gonflé, une bague de lumerca.


Adjakyee suivit du regard la charrette qui emmenait la blonde, aux lèvres bleuies, qu'on ne s'était pas donné la peine de couvrir. Qu'on avait jeté là, sur les autres cadavres trouvés dans les rues. Les autres morts de la nuit, qu'on cueillait au matin. Un souffle sur sa nuque, le contact d'un corps à son dos, la surprit.

C'était un habitué que les filles ne se plaisaient pas de voir. Il les épuisait toutes. Une fois sa paye reçue, il la buvait et la consumait à la Rose toute entière, passant d'une à l'autre, comme un inépuisable satyre. Il y laissait tout. Sa paye, des bijoux et des biens volés, le fruit de ses chasses. Les filles murmuraient entre elles, le présumaient consommateur de potions diverses.

Gris, heureux encore de ne pas réaliser l'ensemble de ses pertes, dont son pantalon semblait faire partie, il approcha Adjakyee comme toute autre femme de l'endroit. Si court vêtue, il l'espérait délurée déjà.

Il ne reçut rien d'elle, sinon son coude à la mâchoire, qui lui fit gouter le sang, et le dégrisa net.

Il fallut que Caprice intervienne alors que l'homme s'emportait, exprimait le désir de récupérer son bien. Littéralement, elle prit les choses en mains, le calmant, envoyant à son invitée un regard de mécontentement qui suivait les nuits les plus éreintantes.


L'homme parti, les choses tassées, Caprice monta trouver Adjakyee, avant de chercher à retrouver un lieu où allonger son corps brisé de fatigue et d'autres choses.

**-Écoute... Soit tu apprends à agir correctement avec les clients et tu écartes les cuisses quand ils le veulent. Soit tu loges ailleurs. On a une réputation d'établissement agréable à tenir. Des scandales comme celui de cette nuit, je n'en veux plus. **

Par cet ultimatum lâché sous le coup de la lassitude de la nuit rude, elle avait espéré remplacer la morte, se procurer sans peine une fille de plus. Pourtant. Sans un mot, Adjakyee récupéra le peu qu'elle avait installé. Les peaux, le bambou, et cette petite masse rougeâtre qui gisait dessous. Ainsi chargée, elle passa la porte.

-Attends. Où iras-tu?

*Lâcha Caprice, qui l'avait suivie. *

-On m'a offert un autre lieu où loger. En attendant.


Post by Adjakyee, Ind - September 2, 2011 at 7:39 PM

Après avoir transféré son barda dans cet entrepôt du port de Monsieur Renoir, où elle logerait désormais pendant l'absence de ce dernier, elle reprit sa sagaie cachée dans les bois. Elle ne prit pas avec elle les os qui constituaient son armure. Il faudrait voir, ce que Nahg Ar'Ang dit Vaerdon lui donnerait ce jour-là.

Elle longea les murailles, pour entamer un nouveau, et ènième tour de la cité. Un grognement atroce, non loin de Sainte-Élisa, la dérangea. Un troll. Un troll armuré, vêtu d'une cotte de maille étrange, qui couvrait tout son énorme corps. L'assaut fut compliqué. La créature misait toute sur sa force. Sa rivale dut donc tabler sur la ruse. Elle lui échappait, esquivait. Se faufilait entre les pattes massives de la bête. Grimpait sur celle-là en se servant de cette armure qui aurait dû la protéger. Pour, ainsi agrippée, lui porter un coup fatal, à l'oeil, d'un lancer de sagaie.

Il fut compliqué de récupérer cet anneau. Elle parvint pourtant à en forcer quelques uns. Ainsi, elle récupéra une masse d'anneau oblongue, qu'elle porta comme une cape. Avant de poursuivre son chemin, tintante et ainsi alourdie.

Elle se fraya un chemin parmi une colonie de Mongbats. Au coeur de leur territoire, elle rafla quelques uns de leurs oeufs, blancs, plus gros que des oeufs de poule. Elle en dévora ainsi trois, tout crus, les buvant comme un hydromel, avant d'en ajouter quelques autres en son sac.

Un sifflement, une langue sifflante, la surprit. Des hommes-lézards fondaient en colonie, sur elle. Le combat fut rude, elle se défendit âprement. Les cadavres écailleux s'accumulaient autour d'elle, au gré des assauts échoués. Puis, lorsque le boisé redevint silencieux, outre le gémissement d'ostards, elle entreprit de découper la peau, la viande, et le crâne de l'un d'eux. Elle aurait une peau solide pour faire office de matelas. De quoi manger. Et une nouvelle pièce d'armure.

Elle passa son chemin, bien décidée, quand elle le pourrait, à faire bouillir la viande et le crâne si tôt qu'elle trouverait un récipient et un feu, quel qu'il soit. Si décidée, qu'elle ne vit pas la lueur rougeâtre profiler au devant d'elle. Elle ne sentit que la morsure du froid. Entendit un hurlement de troll des glaces, mêlé à celui du vent sifflant de la tempête qui rageait. Sanglante, tremblante encore, éprouvée des précédents combats, elle se défendit pourtant. Et eut raison de cet autre troll à la peau dure. La tempête n'en finissait pas. La neige brulait ses pieds nus. Le givre soufflait en sa chevelure et sur sa nuque. La nuit tombait. Elle ouvrit la carcasse du troll. Se coula en ses tripes chaudes, s'y cacha comme l'enfant dans le ventre de sa mère, et attendit que la tempête vienne à terme.

Norah avait raison. Il n'y avait rien de mieux qu'un peu de chaleur, dans ce nord glacial où elle avait abouti bien involontairement. Rien de mieux que de se fondre en une douce chaleur, pour raviver nos membres si près de la mort.


Post by Adjakyee, Ind - September 2, 2011 at 8:12 PM

Après la nuit glaciale, elle reprit son chemin sur les terres gelées, cherchant de ses prunelles noires un horizon plus rieur, la plaine verte encore. Elle parvint, non sans peine, à la regagner, acquérant sur son chemin quelques nouvelles balafres, gracieuseté de la faune locale, devant laquelle elle n'avait pourtant pas eu besoin de reculer.

Elle parvint au devant d'une muraille de bois. Un nouveau campement de brigands. Mais ceux-là semblaient bien installés, et organisés. Il y eut un cri de guerre, un seul, venu des miradors.

-La bourse ou la vie.

Peut-être avaient-ils espéré trouver sur elle des richesses. S'ils avaient eu sa peau, sans doute auraient-ils été bien déçus. Ils auraient mieux fait d'aller à l'aventure au devant de Mongbats : la somme accumulée en prélevant les quelques pièces qu'ils protégeaient parmi leurs oeufs comme un trésor leur aurait été plus rentable.

Elle accueillit les premiers venus de coups de lance bien sentis. Les seconds venus aussi : l’iniquité ne lui venait pas à l'esprit.
Elle ponctuait une phrase en langue commune. Hachée de chacun des coups.

-Je veux... parler... à votre... chef... Je dois... négocier... quelque chose...

*Au début, cette phrase en avait fait rire plusieurs, qui passaient à l'assaut de concert. Mais les rires étaient morts, en même temps que les hommes qui lançaient leurs trilles joyeuses. Au bout d'un moment, il y eut trève. Un homme, ou plutôt un colosse, se présenta aux portes du campement. *

-Toi, femme, que me veux-tu? Tu ne te bats pas mal. Tu veux te joindre à nous, c'est ça?

-Non.

*Lâcha-t-elle, d'un ton égal, le visage inexpressif comme elle en avait la coutume. *

-Alors, quoi?

*Avait-il lancé, exaspéré et impatient. Ce à quoi elle lui répondit. *

-Il me faut une femme. Jeune, belle, saine de corps et d'esprit, vierge si possible. Pour être mariée à un Seigneur qui n'en a pas, et qui pourtant en veux une.

*Le chef lança à la noire silhouette un regard torve, perplexe. S'ensuivit un échange entre le colosse expressif et emporté. Et la noire silhouette, impassible et au ton toujours égal. *

-L'esclavage est interdit à Systéria, tu en as de bonnes, toi. Tu ne peux pas faire une prisonnière comme ça.

-Et vos pratiques sont légales. Bien sûr. Les coeurs les plus purs de Systéria, ceux qui, juchés sur leur tas de pierres blanches, regardent tout un chacun de la suprême hauteur en cette cité, n'hésitent pas à massacrer des gens de votre trempe jusqu'au dernier. Ils sont impunis. Voire même récompensés.

-Si je refuse, que feras-tu?

-Je ferai comme les Purs. Je serai sans pitié.

-Mmh.

-Tu as tout intérêt à accepter. J'épargnerai la vie de ceux qui restent. Et offrirai une vie meilleure à une des femmes de ton camp, qui ne manquera plus de rien. Chez un Seigneur-Marchand, elle pourra se rouler dans de l'or pur si la chose lui plait. C'est, du moins, ce qu'on m'a dit.

*Le colosse eut un instant de réflexion, puis appela d'une voix forte, bourrue. *

-Eryn! Eryn, ma fille, viens là.

*Une demoiselle, à la chevelure flamboyante, émergea du camp. Elle ne devait pas faire beaucoup plus que seize, ou dix-sept années. Des taches de rousseurs paraient d'étranges paillettes son minois plus que revêche. Elle eut un premier geste, crachant aux pieds de la femme noire, l'ennemie de son camp, meurtrière de ses pairs. La noire silhouette n'eut aucune réaction. Le colosse poursuivit, de sa voix roulante comme le tonnerre. *

-Je t'ai promis la richesse. Une vie décente. C'est moi, le paria. Moi, qui ai été banni pour un crime. Pas toi. Tu as le choix ce jour entre bien vivre et mourir.

-Loin des miens, je préfère mourir.

*Cracha-t-elle. La noire silhouette eut un sourire en coin. Peut-être était-ce un air de déjà vu? Peut-être se plaisait-elle, à voir ces pâles créatures, de la trempe des ennemis, se déchirer ainsi? Le colosse agrippa le bras gracile de la fille, qui retenait déjà, malgré sa nature, un glaive. *

-Tu sais ce qu'il coute de me désobéir. Ton destin est entre les mains de cette femme. Puis, du Seigneur à qui elle répond. Va.

-Mais Père!

La jeune fille était entre désespoir et colère. Le père, certes, paraissait ému, mais inflexible, il se détourna de son enfant, n'eut qu'un mot.

-Pars.


Les deux femmes marchèrent longtemps, côte à côte, dans la plaine. La rouquine, à un moment, prétexta de devoir s'arrêter. Espérant profiter d'une distraction de sa geolière, elle tira son glaive qu'elle avait gardé, fondit sur la noire silhouette, en un geste désespéré. Une main noire, une poigne d'acier, interrompit son geste, dans le tintement des anneaux du troll, portés encore en cape.

La main, plus faible, de la rouquine tremblait, alors que le glaive que soutenaient les mains pâles et sombres, jointes, s'approchait du minois moucheté de taches de rousseur.

-Ton homme s'appelle Lidenbrock. N'oublie pas. Aie l'air très, très heureuse en le rencontrant. Ne rechigne à rien pour lui plaire. Traite le en sauveur, en bienfaiteur. Manifeste ton désir de devenir sa femme. Sinon...

Elle fit avancer un peu plus la lame vers la visage de la demoiselle.


À la vue des remparts de Systéria, elle désigna une mare à la rousse et revêche demoiselle.

-Débarbouille toi. Essaie d'avoir l'air ... "présentable". Comme l'apprécient ceux qui se disent de la race des maitres. Tu as déjà leur air supérieur. Il ne suffit plus que tu sois... propre pour te fondre parmi eux. Fais, puisque nous allons au devant de celui à qui appartient ta vie.


Post by Adjakyee, Ind - September 3, 2011 at 4:07 PM

La pointe de l'os aiguisé qui lui servait de dague s'enfonçait dans la chair souple du truand.

Les chairs de son torse grésillaient encore.

Abellion se relevait, d'un air satisfait, tentant de chasser la boue de sa tenue.

Elle savourait l'humiliation qu'il avait vécue. Elle avait bu jusqu'à la lie ses souffrances, face au truand.

Et pourtant, elle regrettait que le hasard, ou la magie qui la liait, l'ait ramenée jusque là. Puisque l'ordre, depuis longtemps, était tombé comme un couperet. De défendre ce maitre qu'elle honnissait si elle le voyait en péril.

Systéria attisait tant sa révulsion, il s'y sentait en tel péril, qu'il avait donné l'ordre sans même paraitre le réaliser. Avait-il seulement vu, à ce moment, le collier de chaine luire?

Encore elle rôdait, créature d'ombre qu'il avait requis d'un autre ordre, de ne plus voir, tant elle l'incommodait.


Post by Adjakyee, Ind - September 4, 2011 at 7:14 AM

La douleur vrillait son ventre, les coliques l'empoignaient, depuis qu'on l'avait astreinte à manger cette viande avariée. Depuis que sa toute blanche antagoniste en avait formulé le souhait, hautaine. Zanthéroise. Hybride pourtant. De demi-sang, qui tentait de se faire valoir. Qui comme la chatte bâtarde et gourmande, mendiait la caresse de chacun. Sauf des sans-âme. Comme la noire silhouette en était.

Ainsi elle faisait, puisque ses minauderies qui séduisaient tout un chacun, ces charmes qui avaient eu raison de l'Inquisiteur, n'avaient pas d'emprise sur son proche parent, présumait-elle. Toute entière, elle se revendiquait en chacune de ses actions l'égale de son cousin, à peu de choses près. De sa race, celle des maitres.

Dans le délire de son sommeil alourdi par cette chair malsaine avalée, elle avait fait un rêve qui l'avait séduite. En son songe, elle avait remplacé la défunte employée de la Rose Cendrée, Fanny, par l'aussi blonde Asphodèl. C'était elle, dont le pal malsain de l'avorteuse vrillait les entrailles. Peut-être un jour serait-ce sur elle, que son maitre imposerait de mener son apprentissage à bien. Ce serait là un ordre auquel elle ne rechignerait pas.

Elle se déplaça, le pas lourd, obéissant à un commandement coutumier, de recueillir le nécessaire dans la nature. L'air glacé qui la fouettait lui faisait du bien. Atténuait sa fièvre, sa douleur et ses crampes. Elle ne comptait sur personne pour la soigner, sauf le temps. Nagh Ar'Ang dit Vaerdon était témoin de cette épreuve qui s'ajoutait aux autres, si nombreuses déjà. Elle en sortirait plus forte.

Elle ne commettrait plus l'erreur d'émettre ce type de malédiction qui aurait pu être... comestible. Elle consulterait le shaman dont elle avait fait connaissance, aux pratiques obscures dont Systéria ignorait tout. Il était l'un de ses bienfaiteurs. Que lui devrait-elle alors, si elle requerrait de lui une autre faveur? Elle réfléchissait, en marchant, des tenants et aboutissants d'une nouvelle entente à sceller avec ce marabout qui avait ressenti les échos amers qui émanaient d'elle. Ce Renoir saurait sans doute davantage paver une voie infernale, un lit de souffrance, à cette blonde femme qui avait déjà attiré l'attention de démons sur elle.

Elle s'en fut, pour se détendre, à la cité des dracos. Elle tentait d'apaiser ce qui la brulait, au ventre, menaçait de ne jamais s'éteindre. La sérénité du lieu ne l'apaisa pas. Elle s'en fut, de crainte de la troubler. Au passage, laissant quelques traces éphémères de ses pas dans le désert. Et les carcasses de fourmilion. Un, puis deux, et trois... Et plus. Elle arracha de grande lamelles de leurs exosquelettes. Ce serait son armure. Ce jour-là. Nagh Ar'Ang dit Vaerdon en avait décidé ainsi.

Puis, elle repassa le chemin de la grotte. Elle remonta, vers ce froid qui pinçait, la distrayait.

Cachée dans les ombres sur ce chemin devenu coutumier, elle suivit, non loin du campement du Nord, les mouvements d'hommes du regard. Le fracas des armes entre les guerriers de Vaerdon. Les allées et venues de quelques truands qui revenaient déchargés, inhabituellement. Puis, elle s'en fut vers la ville. L'écho des armes résonnant encore à ses oreilles.

Sur son chemin, un paquet blanc, aux portes de la cité. Indifférente, elle tira le ruban. Le mystère devait être révélé. La chose éclata, en flammes et cendres, déparant sa peau de quelques nouvelles marques légères, brûlures infimes. Dans la douleur de ses crampes, au vu de ce qu'elle avait déjà connu, elle avait à peine senti le choc.

Elle emporta l'ouvrage qui se trouvait à côté. Et au Coin Chaud, elle attendit quelqu'un qui puisse lire.
Le dieu de la bonne fortune, N'ga yoreng, dit Gaphaël, devait lui sourire ce jour-là. Un homme de son teint l'approcha. Elle le somma, perplexe, de faire la lecture. Il parut se troubler, car il était du groupe, les Mercenaires, qui se trouvaient compromis et menacés.

Ils s'en furent en direction du second paquet piégé, dont Lidenbrock les avait prévenu de l'existence. Marchant dans la froidure, ils discutèrent. Il se présenta sous le nom de Garibald, du clan des Adalard. Puis ils se turent. Ils avaient trouvé le second paquet, et une lettre de menace similaire, qui pesait sur tous les citoyens de Systéria.

-Peux-tu le détruire?

Avait-il demandé. Elle hocha. Elle fit comme pour l'autre, elle le dénoua. Le laissa éclater, près d'elle. Il s'étonnait, de son stoicisme. Ou était-ce du courage, commandité par Vaerdon? Pour elle, c'était naturel. Mais ce sacrifice, elle le faisait de bonne foi. Pour les rares innocents. Pour ces enfants ingénus, ces mal lotis, qui couraient la Basse et le Port. Ces êtres vulnérables, démunis souvent de tout. Ceux-là, qui se rapprochaient d'elle, car pour les bien-pensants de Systéria, ils étaient bien souvent moins que des chiens.

Ceux-là qui seraient les premiers atteints si la marée des truands déferlait sur Systéria. Elle regrettait que ce ne fut pas les membres du lignage Lunenoire qui y aient risqué leur peau. Elle aurait alors offert aux brigands une voie pavée d'or. Mais le quartier de l'Ordre était reclus. Isolé. Bien gardé. Hors de l'emprise des Mercenaires contre qui allait la menace.

Les purs qui avaient droit de cité là-bas seraient sans doute les dernières victimes des viols, des vols, des meurtres et de la rapine, si elle venait à survenir.

Elle les imaginait, l'Inquisiteur de Nogar, son épouse aux yeux de biche pendue à son bras en un geste mièvre, son cousin paré d'un sourire délicat. Et derrière sa maitresse, l'esclave servile et complice, la vieille Stensa. Surplombant à ce moment la Basse-Ville en flamme, pour la ènième fois, quand viendrait l'invasion. Observant la scène de destruction, sereins de voir se consumer ce qu'ils définissaient comme la lie de cette cité. Les loups qui se déchireraient se trouveraient unis pour un jour, en une jouissance commune.

Ce jour du triomphe des purs. Célébré du haut de ce piédestal que constituait le Plateau du Quartier de l'Ordre.

Pour cela, elle ne les haït que davantage.


Post by Adjakyee, Ind - September 4, 2011 at 9:28 PM

La noire silhouette réfléchissait. Voilà que s'achevait un drôle de jour. Pavé d'épisodes qu'elle liait mal les uns aux autres, et qu'elle ressassait confusément en son rêve éveillé du matin, encore allongée sur les peaux de loups et sous le couvert de bambou, dans l’entrepôt où elle avait gite.

Où une sorcière antagoniste en apparence, travailla un moment sur le collier au cou de la noire femme. Tentant de moduler différemment la rune complexe qui la parait, et alliait les tracés inhérents à la sorcellerie, la télépathie et l'enchantement. Elle y avait reconnu des traits connexes à la conjuration. Aux sortilèges de choc mental et de foudre.

Et à ce joug télépathique qui pesait. Effacé, cette fois, celui-là. Étrangement pourtant l'écho de bonheur que la demi-elfe et demi-t'sen avait partagé était resté sans réponse. Chose face à laquelle elle était demeurée perplexe. Elle eut un souffle, la référant à cette Danaël de la Confrérie que Lidenbrock connaissait. Quant à cet étrange collier, au moins émergeaient les premières bribes de connaissance.


Ce jour-là, aussi, avait éclaté le courroux du Seigneur-Marchand. Elle ne comprit pas son emportement, pas plus que celui du jour où il avait changé d'avis sur la possession d'une femme, cette brigande qu'elle lui rapportait.

Il lui avait affirmé craindre que la vengeance consume tout son être, une fois libéré. Elle ne comprenait pas, ce dont l'existence pouvait être faite, hormis de la guerre, qu'elle avait toujours connu et reconnu.

Elle le suivit du regard, alors qu'il quittait les lieux en trombe, aussi cramoisi qu'un démon. Ce peuple d'hommes pâles avait des coutumes énigmatiques.


Le sorcier, ce shaman à qui elle avait requis la malédiction eut quelques paroles.

-Mesure tes propos. Le sacrifice sera grand. Je te conseille le poison. Une goutte fera souffrir. Deux causera des réactions pérennes, voire une mort d'enfant porté. Davantage emporterait à la mort.

Elle eut un hochement. Elle prit la bouteille délicate, au contenu d'un bleu ombragé. Ce que son maitre cherchait, il l'aurait peut-être trouvé en cette chose.


-J'ai déjà tout ce que je veux. Prouve moi ta valeur.

Lui avait-il dit. Il doutait, sans doute, de sa force, de son être. Bienfaiteur doucereux, la méprisait-il? La jaugeait-il? Craignait-il pour ses biens, dont elle devait se faire gardienne?

Ils avaient remonté vers le nord, après que la caravane qui les mena, en leur voyage silencieux, les ait déposés dans la neige. La femme des contrées chaudes était transie, le premier pied posé sur le sol neigeux. Elle avançait en frissonnant, suivie du mage couvert de sa tenue, d'une toge, d'une capuche et d'une cape. Tandis qu'elle, allait en son armure faite de morceaux de carcasses de fourmillions, cette gangue glacée brulant sa chair, comme la glace sous la plante de ses pieds.

Elle écrasa, comme des choses anodines, les harpies de pierre qui erraient près d'elle. Qu'elle laissa égorgées comme des oies immenses.

-Il n'y a aucun défi.

Avait protesté l'homme. Ils avaient progressé, vers le terrier des dracos du nord. Il projeta vers elle une balle de neige, dont l'impact résonna sur le bouclier d'écaille qu'elle avait levé.

**-Nous jouions à cela, étant enfants. **

Avait-il expliqué. Extirpé alors de la solennité qu'avaient les mages et les pontifes du savoir. Loin, si loin, de leur apparente supériorité. Son visage maladif était voilé, mais son regard luisait d'un éclat enfantin et gai qu'elle n'avait jamais connu. Ou... si, peut-être, dans une autre vie, quand elle n'était elle-même qu'une enfant qui apprenait à jouer à la guerre, afin de la faire un jour réellement.

Elle avait formé une boule maladroite de ses mains gantées de fer pris sur le troll. Dans l'air, la boule s'était effritée, avant même d'atteindre l'homme. Faisait retomber un frimas délicat sur son minois couvert, aux yeux rieurs. Elle était incertaine, perplexe. Voilà des années, qui auraient pu aussi être des millénaires, qu'elle avait joué. Pour lui faire plaisir, incertaine du sort qui l'attendrait. Supposant un changement d'humeur qui pourrait être aussi glacial que cette neige qu'ils arpentaient.

La tempête les prit par surprise. Ils se réfugièrent dans une enceinte. Autour d'eux, la neige commença à bouger. De l'os de troll taillé en lame sinueuse, la femme écrasait ces masses mouvantes. Ils avancèrent. Les squelettes et les corps glacés de leurs prédécesseurs tombèrent sur eux, et montèrent à l'assaut. Souplement, elle attaquait, elle transperçait, elle taillait, elle encaissait. Lui, observait, lançant de temps à autre un sortilège.

Ils s'attardèrent un instant dans une pièce emplie d'araignées et d'insectes. Le shaman, à l'étonnement de la femme, semblait s'emplir d'effroi à leur approche. Par respect pour lui, elle sacrifia son idée de vengeance, et laissa là les oeufs laiteux et mouvant dont elle aurait aimé s'emparer d'un exemplaire, pour le disposer savamment dans une armoire chaude des de Nogar.

Puis, un grognement innommable leur parvint, alors que s’entamait l'ascension d'une tour. Un démon fit face à la femme, la peau carmine parcheminée, les cornes dressées. Le regard du shaman, qui la laissait faire sans intervenir, lui vrillait la nuque. Il applaudit, alors que le monstre tombait. Et qu'elle, silencieuse, prélevait un peu des chairs de la créature.

-Il faut maintenant tester tes talents contre la Magie.

Prévint-il. Elle se raidit. Elle détestait la magie, si souvent utilisée contre elle. Cette magie, qui la maintenait asservie, qui élevait des individus faibles au rang de maitres. L'ascension se poursuivit. Au fur et à mesure de l'avancée de la femme, les forces qui la gardaient semblaient se faire plus manifestes. Elle ne s'étonna pas : les Dieux et esprits, selon sa tribu, intervenaient parfois directement en la destinée des hommes. Des langues de feu courraient sur les ennemis de la femme, qui tombaient, si puissants étaient-ils. À l'ébahissement du shaman, qui était bien conscient de l'intervention d'une force extérieure. La femme lui parla de l'expérience mystique et de sa valeur. Et encore elle tuait, laissant en son passage une trainée sanglante. Dédiant en sa langue des louanges à Nagh Ar'Ang dit Vaerdon, et cette entité qui la gardait. Chaque parcelle d'aide recevait ses remerciements. Elle n'avait rien requis, mais elle savait que tout concours des forces hors de ce monde n'était pas gratuit. Que tout se payait, tôt ou tard. Elle se promit de faire un sacrifice humain à l'entité, si tôt qu'elle le pourrait. Un brigand, si tôt qu'elle en croiserait un.

Était-ce peut-être un envoyé de Vaerdon qui éprouverait sa valeur et jaugerait de ses réactions. Qui, peut-être, tenterait de la mettre en confiance avant de se retourner contre elle. Était-ce peut-être un génie, une entité extérieure. Comme ceux d'ici les nommaient, un démon, ces créatures d'autres plans qui connaissaient bien les hommes et évoluaient en symbiose avec eux parfois. Si c'était bien un esprit, ou un démon qui intervenait, alors elle se savait prête à tout. Elle ne savait pas l'en empêcher, bien qu'elle n'eut rien requis de lui. Il ne lui restait qu'à remercier dignement chaque geste posé en sa faveur, pour s'éviter toute dette envers l'entité, comme on le lui avait appris, antan. Il lui restait, comme on lui avait aussi enseigné, à être parée à toute éventualité. Elle ne paniqua pas, elle ne s'inquiéta pas : ce n'aurait pas été la peine de le faire, cela aurait pu, au mieux, attirer sur elle le courroux ou la vengeance de l'entité qui l'avait remarquée.

Elle prélevait des morceaux du cadavre de Balron, quelques os notamment, pour Lidenbrock, quand le shaman souffreteux s'affala sur lui-même. Elle se départit de l'écaille qu'elle portait, pour retenir l'homme, le trainant non sans jurer vers la sortie. Tâchant de défendre âprement leurs vies contre les forces hostiles de l'endroit. La force protectrice l'enveloppait encore. Sans quoi leurs deux cadavres compteraient parmi les zombies glacés qui erraient ça et là dans les terribles ruines. Sur leur passage, elle offrit libation aux ensevelis anonymes, de sa gourde, en une coutume traditionnelle. Puis, transie, l'homme contre son épaule, ils revirent le jour et la tempête. Elle le fit avancer, vers la caravane, lui offrant le bras qui ne portait pas l'épée. Lui exposant la teneur des événements.

Elle avait fait ses preuves, et il avait vu. Et non seulement avait-il vu, mais avait-il vécu expérience mystique et transcendante, qui le préparerait au long voyage qui l'attendait. L'homme échangea, au retour dans la cité, quelque palabre longue avec la femme. Puis, avec sobriété, ils se saluèrent.

La femme, elle, ne restait pas seule. Elle ressentit la compagnie de la force, jusqu'au moment du coucher, au lever du jour. En son songe, la chose écarlate, que l'homme qui voyait les esprits n'avait pas aperçue, rôdait encore. Étendait sur elle son empire, en la protégeant de ses bras et de ses forces.


Post by Adjakyee, Ind - September 6, 2011 at 7:04 PM

*Dans le feu ardent du volcan, profila une femme à la chevelure de flamme. Les deux êtres en sueur, Mélandre et Adjakyee, se retournèrent vers elle. Lorsque la noire silhouette l'interrogea, elle n'eut qu'une parole, alors que les prunelles du dragon qui la talonnait vrillaient l'inconnue. *

-Je suis sa compagne.

Elle apprit, au gré de leur avancée, qu'elle se nommait Astria. Ils apprirent à se connaitre, au gré du combat, qui tissait les liens les plus forts, ceux des frères d'armes.

Le couple de l'Assemblée présenta à la noire silhouette deux offrandes qui la surprirent. Chacun, gage de leur respect, ou de leur acceptation, lui cédèrent une flasque de sang de Vaerdon, prélevé là, dans les ruines fumantes du coeur du volcan. Avec respect, elle rangea les flasques. Avec déférence, elle inclina la tête.

Sa route ne se sépara pas tout de suite de ses bienfaiteurs : la shaman et le guerrier. Elle les talonna jusque chez eux, à l'égal de ce bébé dragon qu'ils avaient ramassé. Astria apprêta le coeur du dragon adulte qu'ils avaient terrassé, pour que la jeune femme s'en repaisse, afin de refaire ses forces perdues au gré de son asservissement. Elle lui prépara aussi, des peaux de dragons qui avaient été ses proies, une armure dont elle pouvait se guêtrer.

Puis, une affaire fut discutée, qui tenait à coeur de la noire silhouette.

-Le temple de Vaerdon est sous clef. Je tiens à y accéder.

-Oui. Son accès est délibérément restreint. Le volcan est encore actif et instable. Puis, la légende veut que si un impie s'y présente, il soit cuit. Littéralement parlant.

-Je n'en ai pas peur, Astria. Je ne crains ni la douleur, ni les flammes, ni les épreuves. Je révère le dieu des guerriers et chasseurs, qu'ici vous nommez Vaerdon. S'il décide d'embraser mon corps alors que je viens lui rendre hommage, je me soumettrai à l'épreuve. À qui dois-je parler, pour y avoir accès.

-Hmm. Gardtalang, oui. C'est avec lui que tu dois voir. Il voudra t'éprouver. Il voudra te combattre.

-Alors, je m'y préparerai. Si tu le peux, Astria, prévient le de mon intention. Je me préparerai au duel. Ma situation m'a fait perdre beaucoup de ma force. Il me faudra m'entrainer.

*Mélandre, enthousiaste, vint ajouter qu'il la soutiendrait en ses préparatifs, nuançant. *

-Si tu ne me vainc pas, tu ne vaincras pas Gardtalang.

*Ses paroles scellèrent le sort. La femme se préparait au duel, depuis lors. Son entrainement commençait. *


Post by Adjakyee, Ind - September 6, 2011 at 8:00 PM

L'hybride était assise, court-vêtue. Parée seulement de dentelles et de tulle verte, qui évoquait les feuillages de la forêt des terres des elfes.

Elle était de ces parias, de ces demi-êtres. Le fruit d'un viol d'une elfe, comme c'était si souvent le cas. Répudiée de la terre des sages où elle inspirait le dédain, la pitié et l'horreur mêlées.

Ses cheveux avaient une pâleur immaculée comme ceux des sages quasi-immortels. Son teint était délicat, comme une pétale de Rose blanche. Mais ses yeux vides gâchaient sa beauté qui autrement eut rappelé celle des elfes. Et alors on remarquait que son derme était devenu cireux. Que sa chevelure autrement splendide était négligée.

Son statut de paria l'avait menée à se honnir elle-même, de n'être telle que celle qui l'avait enfantée. D'être sujette du perpétuel dédain et mépris des siens. Elle avait fui, pour aboutir à Systéria. La présence des humains la dégoutait, son mépris la submergeait comme une bile noire, de toujours les côtoyer, de s'imaginer égale de ceux-là.

Alors elle s'était mise à boire, mélangeant les alcools et les potions variées. L'or gagné s'évaporait. Sa main tremblait dès lors qu'elle manquait à sa ration. Il lui en fallait toujours davantage. Et sa déchéance n'en devenait toujours que plus grande.

C'est ainsi que les marées sans cesse descendantes avaient charrié la Rose blanche à un curieux rosier. Celui de la Rose Cendrée. Rose blanche, c'est ainsi, après tout, qu'elle se faisait nommer.

Et la déchéante Rose blanche s'était alors trouvée engrossée. À son tour, d'un humain. C'était, pour elle, malgré sa décrépitude, aller par delà le supportable. Son hystérie, au moment de sa découverte, dépêcha près d'elle Caprice et Ayisha. Et, sur leurs talons, une ombre curieuse.

-Débarrassez m'en, débarrassez m'en!

*Hurlait-elle, entre colère et désarroi, les joues parées de larmes. Elle trahissait son culte du cycle, comme elle avait parjuré sa nature au gré de son effondrement. Il ne lui restait que cela, ne pas enfanter un de ces humains infâmes. Tout comme les Zanthérois, ou à plus forte raison les demi-zanthérois, elle croyait fermement au principe de la pureté. Même si elle n'était pas de même origine, de même culture, ou de même race. Cela suffisait à faire briller, dans les yeux de la silhouette sombre, une lueur d'aversion. *

-Ça va. On appelle Marguerite.

Souffla Caprice. Parée d'une compassion où pointait un peu d'exaspération.

-J'ai... peut-être une meilleure idée. Plus rapide. Moins douloureuse. Plus sûre. Un apothicaire, de ma connaissance, a une mixture qui fait le même office que le... remède de Marguerite.

*Ils la regardèrent toutes trois, curieuses à leur tour. Et ce fut tout convenu. Elle emmènerait cet apothicaire ou son produit... dans les meilleurs délais. *


Post by Adjakyee, Ind - September 6, 2011 at 8:45 PM

Elle revenait, d'accompagner l'étrange troupe, de cette révocation démoniaque qui semblait avoir été peu fructueuse. Mélandre maugréait encore en sa barbe, jurant contre Lamalia, qu'il ne portait pas en son coeur et qu'il accusait d'avoir compromis le bon déroulement de l'expédition.

Le rituel curieux du shaman, il semblait, n'avait porté aucun fruit immédiat. Mélandre persiflait, soutenait que le retour de la liche ancienne sur les lieux du rituel était symbole évident d'échec.

Garibald le fit taire, d'un geste, de quelques mots. Puis trois individus, l'homme du Nord et les deux Nguelundiens, convinrent que cela, au final, importait peu.

L'heure était à son apprentissage et à son entrainement. Mélandre était là, la veillait comme un gardien, pour améliorer la forme de son corps. Il entreprit, une fois à l'arène, sous les yeux de ce demi-elfe qui la couvait d'un regard où se mélangeaient indifférence, mépris et ennui, de l'entrainer au pavois. Alors que Garibald et le demi-elfe Tyar échangeaient quelques avanies dans les gradins.

Tyar attendait son heure, là où il y avait entrainement, lui voulait un duel. Assez, du moins, pour qu'un crieur fit le malin dans les rues, lançant à tout hasard.

-Peuple de Systéria. Un autre est descendu dans l'arène. Un duel se laisse présager, entre l'éternel lecteur aux cheveux blancs, et deux combattants connus : l'Adalard et Mélandre! V'nez donc voir, s'il réussira à prouver qu'il est un homme. Après tout un elfe c'est pas très...

Sa phrase se perdit, dans le murmure qui l'avait achevée.

Les quelques curieux qui prirent la peine de se déplacer purent observer une étonnante victoire de Tyar contre le colosse Mélandre. Celle-là laissa certains de ses spectateurs de glace, dont le Caporal Adalard faisait partie. Il était vrai, la bataille avait eu plutôt des allures de course-poursuite, le colosse courant aux trousses de l'elfe, autour d'un mur de pierre, alors que l'elfe incantait à tout va des formules d'empoisonnement, de soin et d'attaque. Le sable de l'arène en restait tout chamboulé.

Puis, il y eut la revanche. Où Mélandre se tira victorieux. Il n'avait pas, cette fois, ménagé son adversaire, qui tirait la mine basse, d'être couvert de sable où, peut-être, il percevrait la pointe fine des remugles du sang et de la sueur âcre des combattants qui l'avaient foulé. Ces fluides humains depuis longtemps évaporés, qui collaient à sa tenue et à sa peau, par l'incidence de ce sable et de cette saleté.

Puis, une fois les duels achevés, les deux humains noirs de peau se retirèrent. L'Adalard avait une promesse à accomplir, le début d'un lourd mandat. La femme l'attendit, alors qu'il retirait sa lourde armure étincelante. En contrebas, l'hybride de passage eut quelques paroles.

-Vous auriez pu parler devant moi. Ce n'est pas comme si cela m'importait.

*Les deux humains échangèrent un regard. Celui de l'homme, perplexe. Celui de la femme, entendu. Elle connaissait très bien ceux de cette trempe pour les côtoyer tous les jours : il était de ceux qui estimaient que toute chose et tout acte se rapportaient à eux. Si elle avait eu le réflexe de sourire, ce qu'elle n'avait plus depuis longtemps, peut-être aurait-elle paru s'en amuser. *


-Aah. Baie. Sait. Dé. Eh. Effe. J'ai. Hache. Iih. Jih. Cas. Elle. Aime. Haine. Eau. Paix. Cul. Ère. Sss. Thé. Eu. Vé. Double vé. Ixe. Iih grec. Zaide.

*Récita-t-elle, alors qu'il désignait les symboles de l'alphabet systérien qu'il avait dessiné, sur le parchemin, de la plume. Garibald eut un hochement approbateur. C'était un début satisfaisant. Ainsi, elle connaissait son alphabet de tête. Mais pour la lecture, c'était une autre paire de manches. Elle se prit, à lire un titre d'un ouvrage qu'il lui avait emporté. *

-Elle-Eh-Sss. Sait-Eau-Haine-Thé-Hache-Eh-Sss. Dé-Aah-Eu-Thé-Ère-Eh-Effe-Eau-Iih-Sss...

Il lui asséna, à la volée, une flopée de règles complexes. Ces petits serpents muets qui ne sifflaient pas. Ces haches, qu'on entendait pas tomber. Ces thés empoisonnés qui prenaient l'allure et la consonance des serpents.

Puis il fit plus simple. Ouvrant un dictionnaire, il désigna un mot, au hasard. Le premier qu'elle lirait, et comprendrait. Elle finit par énoncer, après divers correctifs.

-Sait-Eau-Haine. CON Sss-Paix-Iih. SPI. Ère-Aah. RAT Thé-Iih-Eau-Haine. SION. ... Conspiration.

Il hocha. Satisfait. Elle fit de même. Elle et lui, savaient qu'elle en connaissait bien, très bien, trop bien, le concept.


Post by Adjakyee, Ind - September 6, 2011 at 9:19 PM

Dans le désert, de nuit, rien ne mouvait, sauf les fourmilions qui émergeaient, de temps à autre, du sable où ils s'enfouissaient.

Cette nuit-là, pourtant, après que les voies des deux individus des terres de Nguelundi se soient séparées, il y eut deux silhouettes, assises chacune sur une carapace chitineuse de fourmilion mort, côte à côte.

Il y eut des voix, étouffées par les vent qui charriaient le sable. Par le bruit du roulement des vagues.

Un rapprochement, des deux silhouettes. Ce mage nomade qui errait dans le désert. La femme, si loin de sa terre natale, forcée à l'emprise d'un homme qu'elle méprisait. Des êtres si disparates. Et pourtant, l'homme sembla la comprendre. Compatir. Il voulut éprouver ses talents.

La chaine, sous son emprise, se fracassa. Là où la chose apparaissait si complexe pour tant d'hommes, pour lui, elle était si simple. Car, il l'avait dit, sa magie outrepassait de beaucoup celle de bien des hommes. De même que ses connaissances.

Il lisait si bien la psyché, comme le télépathe qu'il était aussi. Il était venu à elle paré d'or et de carmin, comme l'étaient les plus puissants des siens, ceux qui pouvaient se targuer d'avoir vaincu des officiers d'Exophon pour porter les reliefs des joyaux et des tissus récupérés sur leurs carcasses.

Elle formula, en quelques mots, la promesse d'une rétribution qu'il avait demandé. Contre la contrepartie juste qu'elle avait requise, et contre sa liberté nouvellement acquise. Le mage errant accepta toutes les conditions qui lui étaient formulées, en un sursaut de sa bonté manifeste.

Leurs deux silhouettes s'évanouirent dans la nuit. Il ne resta, sur le sable qui bordait le rivage désertique, que quelques morceaux de chaines, souvenir d'un asservissement révolu.


Post by Adjakyee, Ind - September 7, 2011 at 7:41 PM

Les cadavres des squelettes, des liches, des créatures mortes-vivantes charnues étaient allongées ça et là, en Basse-Ville. Plusieurs les avaient combattus. Vêtus de vert, ou de pourpre. Ou de tenues banales, habitants de la Basse armés de ce qu'ils avaient trouvé : fourches, hachettes, couteaux de cuisine, poêles, pelles. Mais ils étaient désireux de défendre les leurs.

Il y avait quelques blessés. Quelques morts. Ceux pris par surprise, ou engloutis sous le nombre. Dont ce fameux Ricardo, dont on avait entendu le cri strident dans la Basse et la Moyenne.

Les combattants reprenaient leurs souffles. Certains rentraient, pour un rapport. D'autres décidèrent de se délasser à la Rose, ou chez Kaz'Burn. Et finalement d'autres, dont était la noire, s'attelèrent avec d'autres pour amener les cadavres des morts à la fosse commune, tandis que certains amenaient les blessés au dispensaire. Elle ne craignit pas de descendre dans la fosse putride, de jeter les parcelles des carcasses des habitants tués au fond de cette fosse. Pour ensuite répandre sur eux la poudre de chaux qu'on lui avait confiée, qui maculait ses mains d'une trace immaculée.

Les carcasses des créatures nécromantiques, elles, étaient laissées à l'écart. Pour les pourpres, pour leur étude. Certains disaient espérer qu'ils découvrent ainsi l'auteur de la chose. Mais beaucoup n'y croyaient guère. Ce n'était que des pièces de cadavre enchantées, qui surgissaient si souvent des entrailles de la terre en Basse-Ville.

Sur son passage, une femme interpella la silhouette noire. C'était Mélodie, l'apothicaire. Une femme voutée, âgée, qu'on disait être une sorcière.

-Tu m'as débarrassé de deux squelettes, qui campaient devant mon échoppe. J'ai vu.

-Femme, tu ne me dois rien.

-Si, pourtant. J'ai un présent, pour toi.

*Elle offrit une flasque, quelques bouteilles, ainsi qu'un murmure. *

-Mélange de l'eau et des belladones broyées à la pleine lune. Cela ira de pair avec les promesses que tu t'es faites. Ne proteste pas, si tu ne les dis pas, elles se devinent. Enfin, pour les femmes comme moi. Maintenant va. Et reste silencieuse.

-Une chose. Pourquoi?

-Ça? C'est cyclique. Ces nécromants s'en prennent toujours à la Basse. C'est une proie facile. Mal surveillée. Mal protégée. Ils le font pour tout... Pour rien... Pour leur plaisir. Pour se prouver, à eux ou leurs frères. De leurs malédictions de ce type, jamais un de leurs véritables ennemis n'est sorti souffrant. Puisque dans la Basse, ce sont des frères d'infortune qui s'y trouvent. Ceux qui achètent au marché noir, ceux qui leur soufflent dans l'ombre les secrets et les mystères. Les pontes de Systéria, les preux, les prêtres et les paladins sont loin. Et pourtant, alors que leurs serviteurs déferlent sur la Basse, ils se mettent à dos son peuple, alors qu'ils pourraient y trouver des alliés et des frères. Les yeux des infortunés se tournent vers ceux qui peuvent les aider. Et cet assaut fera augmenter, en Basse, la ferveur de Thaar.

-Je vois. Oui. Mais ce n'est pas Thaar, qui a terrassé les créatures. Ce sont les hommes. Peut-être devraient-ils croire davantage en leur propre force, tirée des épreuves endurées.

-Peut-être oui. Il suffirait d'un prêche, pour embraser les foules de ferveur thaarienne. Et les serviteurs de Vaerdon, si c'est à eux que tu penses, demeurent toujours silencieux.

*Elle laissa derrière la femme, songeuse encore. Serrant contre elle les petites fioles. Réfugiée à la Rose Cendrée, à l'étage, elle broierait les belladones qu'elle avait ramassées pour celui qui, hier encore, pouvait se prétendre son maitre. Au-dessous, on entendait les cris et les vivats des mercenaires et légionnaires qui trainaient encore, se ravissant pour le spectacle d'Ayisha dite la Belle, qui se produisait sur scène ce soir là. *


Post by Adjakyee, Ind - September 8, 2011 at 7:27 AM

Elle s'éveilla. Passa la main, à sa gorge dénudée. Pas de collier. Non, elle n'avait pas rêvé. La présence protectrice, ressentie dans le songe, semblait rémanente.

Elle décida d'inaugurer ce premier jour de liberté en passant voir Lidenbrock. Un des premiers de ses bienfaiteurs, pour le prévenir de la situation. Elle s'en fut, dans une de ses propriétés, là où ils se voyaient parfois, là où il leur arrivait de fomenter. Elle lui avait annoncé la nouvelle de sa liberté. Il en était resté d'abord pantois. Puis, réjoui, il avait bondi sur son siège.

-Mais! Il faut fêter ça. Je vais te chercher quoi?

-Attends.

Elle l'avait fait rasseoir, d'un geste. Lui avait expliqué, ses projets de lendemain de liberté. Son premier mot lu continuait de prendre tout son sens. Son premier jour de liberté s'inaugurait sous les auspices de la conspiration.

Puis, les deux silhouettes migrèrent vers le lieu où Lidenbrock pouvait pratiquement prétendre loger : son atelier. L'heure était à la préparation d'une armure.

-Quel est le métal le plus résistant?

-En ordre : la pyrolithe, le devas, la mortine et la sanguine. La pyrolithe appartient au domaine du feu. Le devas, à celui de la magie. La mortine, à celui du froid. Et la sanguine, au feu aussi, mais en moins puissant.

-Je veux le métal le plus résistant. Le plus parfait. Le plus pur. Le plus efficace.

*Le commerçant avait blêmi. Il toisait de pied en cap la femme, qui lui paraissait tout droit sorti d'un cauchemar d'un soulon de la Basse. Ça? En Pyrolithe? Un métal noble. Un métal fait pour des gens bien établis. Il avait répondu, un peu pâle. *

-Allons, le prix d'une telle armure se chiffrerait à plus de cent milles pièces. Tu n'as pas cet argent. La plupart des systériens n'auront jamais une telle somme.

Il avait voulu dire "alors... quant à toi", sans doute. Mais ces mots là n'avaient pas franchi ses lèvres. Son regard, par contre, n'en disait pas moins. Il eut beau jurer, pester, crier, rien n'y fit. La femme ne démordit pas de son idée. Elle aurait cette armure digne des plus grands guerriers. Elle exigeait d'acquérir ainsi, à force de bras, la dignité d'être égale aux gens pâles de peau, aux Systériens. Bien qu'elle devrait s’accommoder d'une armure dont le style ne lui ressemblait pas.

Lui, en contrepartie, aurait son pécule, du premier sou au dernier. Elle n'avait certes pas d'or, mais elle avait la volonté, et la force de travail. L'homme eut un sursaut de colère, ou de dédain : le travail, il pouvait bien le faire lui même! Il n'avait pas besoin d'elle.

C'est sur un Lidenbrock fulminant que Amahiel vint à tomber. Elle le mena à l'écart, et entreprit de transiger avec la noire et inflexible silhouette. Une chose était sûre, si la fierté, les principes et l'orgueil se vendaient au kilo, la femme de Nguelundi aurait pu prétendre concurrencer en fortune la famille d'Orbrillant toute entière.

Pour la partenaire de Lidenbrock à l'éternel sourire, c'était décidé : oui, elle travaillerait. Oui, elle paierait son dû, jusqu'au dernier sou. Mais elle voulait bien lui offrir une chance. De rapporter pour elle des produits utiles. Contre l'or, qui serait dédié à Lidenbrock, remis en main propre d'Amahiel à Lidenbrock le moment venu. Les deux femmes convinrent ainsi, avant que l'elfe ne se détourne, vers un demi-elfe blond, qui revenait de loin.


Hey! Reviens ici! Au voleur!

Dans les tréfonds de la jungle, personne pour entendre. C'était Jéromy le voleur, qui pestait, dans l'entrée de sa tente, contre la noire silhouette qui fuyait.

-Cours, Forêt! Et attaque!

Forêt était le scarabée géant couleur Devas de Jéromy. Forêt courut. Aux trousses de la noire silhouette, qui perdait son souffle, gardant contre son coeur six lingots et un sac de bouts de bois taillés. La femme se perdit dans les bosquets denses, le scarabée revint à son maitre, piteux. C'était une simple histoire de voleur volé. La loi... de la jungle, en somme.


Elle s'était laissée choir, sur un tapis de mousse de sang, dans les bois, sans force. Elle n'avait pas eu la force, de regagner un toit quelconque. Elle avait parcouru la lande, jusqu'à outrepasser le stade du simple épuisement. D'abord, le marais. Puis, le volcan. Puis, le désert. Puis, les forêts. Encore le désert. Et, à nouveau, elle avait regagné la forêt. Elle ne se souvenait plus du nombre de chargements, charriés de la lande à la banque.

Les mots de l'elfe résonnaient encore en son esprit. Soixante-six mille deux-cent quarante-quatre. Plus du dixième du montant demandé de 75 000 écus, au final. Un peu moins que 10 000. Encore sept ou huit jours du genre, à trimer comme une damnée, du lever au coucher, jusqu'à tomber sans force, abruti par l'effort de bête de somme.

Elle s'endormit. Elle rêva de minerais. De bois, de bambou, de harpies, de foumillions terrassés. De pierres cueillies chaudes encore dans le volcan. De racines arrachées ça et là. D'intestins entiers de créatures récupérés pour rapporter du fumier. Des os arrachés des corps des bêtes abattues, dans le chuintement des chairs. De moutons, qui auraient sans doute froid, dénudés quand le berger regardait ailleurs. Et d'Amaihel qui avait jeté un oeil aux bouts de bois taillés, énonçant un désinvolte

-Ah, ça, je n'en veux pas. Je n'en ai pas besoin.

Elle dormait, d'un sommeil agité, trimant encore dur à même son rêve. Elle avait quitté son esclavage pour en embrasser un autre. À la merci, dès lors, d'une nouvelle dette contractée, avec laquelle elle voulait en finir au plus vite. De l'asservissement fait par la magie, elle était passée à celui fait par l'or. Elle n'était pas une maitresse plus tendre envers elle-même que son maitre l'avait été plus tôt. Un travail semblable n'était que sa routine, depuis tant d'années.

La liberté ne signifiait pour elle que la libération des souffrances immédiates, des ordres humiliants et des châtiments ignobles que lui réservaient son maitre.

Du moins, il semblait, puisque c'était ainsi qu'elle avait gouté son premier jour de liberté.


Post by Adjakyee, Ind - September 9, 2011 at 7:58 PM

Dook dook dook.

Les couinements des nombreux furets se laissaient entendre à tout instant. Sur le parvis de ce qui fut peut-être autrefois une ancienne cathédrale, une nouvelle prière résonnait, en une langue inconnue à Systéria, mi chantante, mi gutturale.

-Esprit bienfaiteur, entends mon appel, les échos de ma voix. Comprends que les êtres morts, sur mon passage, trépassés sous le regard de Nagh Ar'Ang, sont pour toi. Dispose de leur chair, de leur esprit, comme tu l'entendras.

*Dook dook. *

-Au nom de tes actes, des promesses faites, je te les dédie.

Harpies, trolls, cyclopes et ogres avaient connu ce jour le trait de la pointe d'os qu'elle portait. Et des hommes, quelques hommes. Ces proies tombées constituaient un sacrifice, pour l'entité qui avait exaucé ses prières. Les ruines florissantes s'animaient, de la parole de la femme, de son prêche incongru, que la flèche de la cathédrale encore debout ne devait avoir entendu résonner depuis des années.

La cité morte, dont les hommes avaient oublié le nom, s'animait dans le glapissement des bestioles surprises par cette voix qui surgissait.

Puis, sous l'arbre aux feuilles carmines, le sac empli de fleurs diverses qui lui conféraient un parfum dont les femmes systériennes se paraient délibérément, elle vint trouver une place.

Un jour peut-être, Systéria aurait cette allure. Un jour, peut-être, la nature reprendrait-elle ses droits sur le fait des hommes. Et la noire silhouette l'espérait : Systéria lui semblait une balafre sur la joue de l'ile, où agissaient et interagissaient des créatures dénaturées. Elle n'aimait pas ses habitants et leurs coutumes, en règle générale, et eux-même le lui rendaient bien. Elle s'avérait incapable de révérer comme eux les pièces d'un métal pourtant relativement ordinaire et de les élever à l'importance qu'on leur donnait. Le jeu des façades, les apparences trompeuses, les différences de statut sur des bases de richesse ou de race lui donnaient la nausée. Et Systéria était tout cela.

Dook dook dook.

Les cris récurrents des furets lui rappelaient les Systériens. Leurs paroles souvent insipides. Leurs échanges sur le temps. Sur l'état de santé. Leurs amourettes futiles. Leurs prétendues amitiés. Comme les furets, bien souvent, ils couinaient pour ne rien dire.

Maintenant libre, alors que la dette pour l'armure du métal de feu serait payée, que ferait-elle. Longuement, elle avait hésité.

Les Mercenaires? Elle n'avait rien d'un garde. N'avait rien pour errer, en uniforme, et faire tous les simagrés qu'on exigeait de leurs soldats.

Les Pourpres? Ni shaman, ni sage, bien qu'elle connaissait les secrets de quelque plantes, elle savait bien ne pas y avoir sa place.

L'Ordre? Jamais elle ne se parjurerait, ne servirait exclusivement un Dieu. Sa tribu était polythéiste, révérait l'ensemble des Dieux car elle estimait que chaque être puissant, Dieu, demi-Dieu, génie ou entité extraplanaire, méritait le respect. On révérait surtout Nagh Ar'Ang dit Vaerdon qui veillait aux épreuves des guerriers et chasseurs en sa tribu martiale. Aan'sahi : la déesse-mère, parangon de la fertilité, nommée autrement Shaelim à Systéria. Sa fille, Aan'eyaa, autrement nommée Mélurine, déesse domestique de la fertilité et de la prospérité de la nature. Amante de Nagh Ar'Ang, elle lui avait donné un fils, J'ayahi, plausiblement Lathan, qui tenait du père et de la mère, et qui avait marché parmi les hommes. Kha'mbayé, le Soleil, était un autre amant de Ana'eyaa. Peut-être était-ce Thaar, celui-là. Et dans le panthéon de sa tribu, il n'avait pas une place prépondérante.

L'Assemblée? On l'avait décrite comme une masse décousue et disparate, dont les membres eux-mêmes étaient incapables de la moindre unité. Des druides conjurant au respect de toute vie persiflaient les barbares des anciennes Hordes. D'anciens gitans tâchaient de faire ressortir leur mode de vie artiste et gai, cultivant, capturant et dressant des bêtes, produisant leurs spectacles avec un éclat qui faisait froncer les sages sérieux et les barbares renfrognés. Ils étaient les gardiens de temples fermés à clef, que le citoyen moyen de Systéria ne verrait et ne connaitrait jamais. Des vendeurs de permis, alors que certains de leurs membres discutaient même la légitimité d'existence de ces permis. Protecteurs théoriques de bouts de forêts où on les voyait rarement.

Et l'Association? Des marchands, des artisans, des fonctionnaires. Un Seigneur-Marchand en personne avait pris la peine de mentionner qu'il ne l'y voyait pas.

Il ne lui restait donc que d'offrir, quand sa dette serait payée, son bras, son oeil, ses armes, au tout-venant. Pas une femme à vendre comme celles de la Rose. Mais une femme à louer, comme homme de main, comme chasseur de primes. Comme une mercenaire, qui en aurait autre chose que le nom.

Mais l'heure n'était pas encore venue. Elle s'assoupit, sous l'arbre aux feuilles couleur de sang. Elle rêva de sa lame brisée dans un combat contre un squelette improvisé. Et elle rêva de son libérateur, à nouveau.


Post by Adjakyee, Ind - September 10, 2011 at 4:54 AM


(http://www.youtube.com/watch?v=Z06t0VVT6Fk)

Le vent soufflait les pétales roses des cerisiers en fleurs.

Une floraison incongrue, au vu de la saison. Une floraison qui semblait éternelle. Le climat de la vallée désertée semblait le permettre.

Certaines des pétales délicates retombaient dans la source où elle se délassait, recrue de fatigue de son incessant labeur. Au vu de la dette contractée, des promesses qu'elle s'était faites.

Elle était restée dans la source, jusqu'à la tombée de la nuit. Elle se délectait, d'un nectar plus doux que le miel. Celui de la vengeance distillée.

Au crépuscule qui teintait le ciel d'un rose pur, elle se fondit dans les bois qui devenaient sombres. Elle devait continuer son avancée lente mais méthodique, vers un lendemain où celui qui se prétendait hier son maitre, serait terrassé.

Elle erra un temps, dans la forêt et dans les ruines du village voisin. Puis, aux frontières de celui là, elle aperçut le corps d'un des guerriers de la tribu depuis longtemps disparue. Ses os blanchis se teintaient d'or, alors que le soleil se fondait à l'horizon. Près de lui, une sagaie rouillée et abimée, mais qui portait encore la peinture et les dorures écaillées d'ornement tribaux. La femme eut quelques mots. La pointe d'os qu'elle portait s'était brisée, plus tôt.

-Homme. Guerrier. Voilà que ton souffle et ton souvenir ont été emportés dans l'autre monde. Permet moi, guerrier, de reprendre ton arme d'autrefois. Permet moi, guerrier, de faire revivre ton souvenir à nouveau. À travers ta lance que je porterai, tu vivras. Le sang qui la parera te sera en partie dédié, pour ce cadeau que tu me fais en la laissant sur ma voie. Quand je la lèverai, et l’abattrai, mon souffle sera tien, ta force sera mienne.

*Elle baissa la tête, leva la lance vers le ciel teinté de rose qui se renforçait, se veinait de sang alors que le soleil plongeait un peu plus dans l'abime de l'horizon. *

-À Nagh Ar'Ang, j'offrirai les souffrances et les épreuves de celui qui sentira le fer de l'arme le bruler. Au Libérateur, j'offrirai sa peur et son sang qui ne manquera pas de couler. Et à toi, homme, j'offrirai la vue et la puissance que je déroberai à mon tourmenteur.

Et elle s'en fut, dans la nuit tombée. Sous le regard de la lune timide. Dans sa main luisait la lance rouillée. Sous son bras, le crâne du défunt guerrier qu'elle exposerait selon les rites des siens, où les crânes des valeureux et des ancêtres étaient préservés comme des gardiens bienveillants qui surveillaient les vivants de l'autre monde, depuis leurs orbites creuses.

Cette lance, elle la réservait pour une proie toute particulière. Et ce guerrier des temps anciens, dont le peuple avait été terrassé par la force dite civilisatrice des Systériens, serait un témoin privilégié du triomphe espéré des réprouvés sur les méprisants.


Post by Adjakyee, Ind - September 10, 2011 at 7:51 AM

Le loup affamé, farouche, grondait et écumait à la vue de l'homme. Enragé simplement par la faim. Excité par la vue d'une proie facile.

La noire silhouette était arrivée devant l'homme, le dardant de ses yeux. Tout homme, pour elle, demeurait une menace.

Puis, un grondement ramena son attention au prédateur qui avait l'apparence la plus dangereuse.

En un jeu de confrontation, de la posture et des regards, la bête finit par s'éloigner, présumant son repas en devenir trop coriace. Il détala vers des cieux meilleurs, où il tomberait peut-être sur un lièvre, un rat, ou un oiseau.

La femme se retrouva donc en compagnie du rouquin, qui à force de palabres, lui avait avoué se nommer Timoty. L'homme prenait des allures de simplet. Tant et si bien que sa marche droit sur les élémentaux d'air, dont il avait attiré l'attention, sans cette attitude, eut paru délibérée. Faite pour mettre en péril leurs deux existences. Malgré la fragilité et la naïveté apparente de l'homme, la méfiance de la femme n'était pas éteinte.

Elle le fit cheminer vers la ville. Vérifiant au passage une partie de la véracité de ses propos. Il était bien alchimiste, comme il le prétendait. Ou, du moins, il avait les bases de connaissance théorique pour l'être. Son savoir cependant semblait jurer avec son attitude niaise.

Chose corroborée par le sourire en coin qui était né sur ses lèvres, lorsqu'elle lui avait dit.

-Systéria contient beaucoup de loups, qui pourtant n'en ont pas l'apparence.

Elle s'était arrangée avec Tony, pour qu'il ait accès à un lit dans le dortoir, en échange d'une contrepartie de labeur. Puis, dans le quartier druidique, elle lui avait indiqué les fontaines, et quelques uns des arbres fruitiers. Histoire que l'homme ait moyen de trouver de quoi boire, et manger. Il semblait trop gourd pour bien tenir un couteau. Comme l'avaient prouvé ses manoeuvres pour ouvrir une noix de coco, lors desquelles il s'était blessé.

Un simplet, peut-être. En sa tribu, on faisait ainsi. On leur indiquait les moyen de se nourrir, de se vêtir, de se coucher. S'ils ne parvenaient pas à pourvoir à leurs propres besoins une fois ces choses montrées, ils périclitaient et mouraient. Elle observerait de loin l'homme. Le tracé de ses pas. Et si son attitude similaire à celle d'un petit enfant durerait.

Elle avait eu bien des largesses, à cause de cette apparente enfance d'esprit. Dont celle de le laisser l'étreindre d'un câlin qui l'avait prise de court. Elle qui abhorrait le contact humain, d'autant plus le contact d'un pur étranger, lui aurait sans doute porté un coup bien senti s'il avait semblé avoir toutes ses facultés.

Mais, qu'était-ce qu'au fond que cette enfance d'esprit. Un masque, peut-être, présumait-elle? Il y en avait tant, dans la Grande Systéria où rien n'était comme il n'y paraissait.

Elle eut quelques paroles, lorsqu'il eut comblé sa faim, sa soif, et le besoin d'un toit.

-Il se peut, qu'un jour, je requière de toi une faveur. Du moins... selon tes capacités. Mais rassure toi, il est plus que probable que ce jour ne vienne jamais.

Sa réponse, affirmative, transpirait l'assurance et avait un ton qu'il n'avait pas emprunté auparavant. Son clin d'oeil prouva l'évidence du masque, qu'elle présumait juxtaposer le véritable visage de l'homme blanc qui se faisait appeler Timoty, et qui émaillait ses mots d'un bégaiement.

Elle devina sa nature, de loup caché sous une peau non pas d'agneau, mais carrément de moineau, de sauterelle. De chose d'apparence si fragile, aux facultés semblant si limitées, qu'on ne saurait la craindre. Son récit, de père octogénaire, était sans doute aussi fallacieux que l'étaient sa candeur apparente et plausiblement son nom. Elle n'avait pas foi en sa parole, car l'homme avait déjà menti de tout son être. Elle n'attendait rien de lui, surtout pas cette potentielle faveur qu'elle ne demanderait certainement pas. Mais... deux voies s'offriraient à l'homme. D'offrir son réel concours aux habitants de la Basse ville et de s'y tailler une place, en rejoignant les rangs des réprouvés qui devaient s'entraider. Ou bien encore trahir par l'acte ceux qui lui avaient tendu une main charitable.

Progressant vers la Rose, la noire silhouette se promit de veiller de près sur cet homme.


Post by Adjakyee, Ind - September 11, 2011 at 5:20 AM

-Alors, c'est entendu...

Avait soufflé Caprice, de la Rose Cendrée, presque à contrecoeur. Mais Adjakyee était de la Basse à présent. Presque des leurs. Elle lui avait exposé son dessein, celui de mutiler son ancien maitre. Caprice n'avait pas demandé pourquoi : pour elle, ce ne valait pas la peine de le savoir. Le moins elle en saurait, le mieux elle se porterait. Tant que la noire silhouette ne tue pas l'homme chez elle, ou encore qu'elle s'arrangeait par ses propres moyens pour disposer du corps sans se faire voir...

Les règlements de comptes, ce n'était pas une chose exceptionnelle en Basse. Pour sceller leur entente, la tenancière Caprice énonça :

-C'est convenu. Une fois que tu auras payée ta dette à Amahiel, tu participeras à la protection de la Rose. Durant un mois entier. Le salaire, ce sera notre aide, et le silence.

*Caprice rajouta : *

-Si des Mercenaires viennent et demandent ce qui se passe, je dirai que ton type malmenait les filles et refusait de payer, et que tu as agi pour te défendre. Les Mercenaires viennent souvent ici, ils laisseront couler. Mais arrange toi pour qu'il ne meure pas.

-Les mercenaires ne viendront pas.

Répondit Adjakyee, bien simplement. Le lieu du forfait était donc convenu. Sous les combles de la Rose Cendrée. Alors qu'Abellion viendrait pour sa sinistre expérience, pour observer l'avortement de la demi-elfe nommée Rose Blanche, sous l'effet du suc empoisonné.


-As-tu tout?

Lui avait dit la voix profonde, masculine. Il fourra d'un geste, dans le sac de la femme, diverses potions dont un jus brunâtre dans lequel les filaments des ailes de chauve-souris se devinaient encore. Une fiole ouvragée au contenu bleu vif. Et trois flasque au contenu couleur or, de la sève de ginseng marinée longuement et très concentrée.

Leurs yeux se croisèrent alors. Elle passa à son cou une chaine métallique. Du Sylvérion, et non de l'Acier. Elle n'avait rien d'autre, cela devrait faire l'affaire. Si son maitre ne portait pas attention, elle pourrait continuer d'assoupir sa méfiance. L'homme y posa ses mains, concentra ses forces. Créa une fausse rune bleutée, un tracé étrange et compliqué, mais qui ne se rapprochait en rien de la rune qui l'asservissait de sa magie. Éreinté, une mince pellicule de sueur au front, il admira son oeuvre, incertain, dubitatif.

Si cela ne faisait pas l'affaire, elle devrait agir précipitamment, en pleine rue. Exposée. Cela ne lui plaisait guère. Mais elle n'entendait pas laisser Abellion lui échapper. Au moins, Garibald du Clan Adalard lui avait juré qu'il n'y aurait pas de mercenaires, cette nuit là.

Elle posa une main sur l'épaule dudit Garibald, qui venait de tracer sa rune. Et les deux êtres de Nguelundi se recommandèrent à la protection des Dieux.


Son coeur battait à tout rompre en sa poitrine. Près du puits, elle l'attendait. Elle aperçut ses mèches flamboyantes, sa toge bleutée. Elle se sentit si fébrile qu'elle crut que son coeur allait éclater. Elle dut se faire violence, pour parvenir à se maitriser, à garder une expression coutumière, aussi placide qu'un lac de montagne.

Ils devisèrent de son absence au Manoir. Qu'elle expliqua par les parchemins et les ingrédients qu'il lui avait envoyé chercher au diable. Elle le confronta à son propre ordre, soulignant bien que cet éloignement n'était ni plus ni moins qu'une imposition à laquelle le joug magique de l'enchantement du collier la forçait à se soumettre.

Mal à l'aise dans le quartier mal famé, il requit que ce qu'il croyait encore être sa chose le mène à la demi-elfe enceinte qui désirait se débarrasser de sa progéniture en devenir. Il ne vit rien de la nature factice du collier, qui n'était au fond qu'une pâle, imparfaite et impuissante copie de l'original. Une fois qu'il était dans la Rose, la femme recouvra son assurance, ses palpitations cessèrent. Ils étaient en terrain de chasse sûr.

Il requis d'elle une dernière faveur, celle de présenter l'infâme mixture à la femme enceinte. Avant de lui ordonner de sortir, pour monter la garde. Elle ne se fit pas prier. Son pagne carmin flotta sur ses hanches. Jusqu'en contrebas. Elle se glissa, derrière un rideau, voilée aux regards, hors de sa tenue traditionnelle que son maitre lui connaissait.

Pour passer la tenue brune et noire qu'un de ses complices, qu'un bienfaiteur, qu'un homme de sa race, lui avait offert. Et un casque, qu'une femme qui se disait amie, lui avait remise. Plus un pouce de son derme n'était dès lors visible. Elle aurait aussi bien pu avoir la pâleur d'une tendre Zanthéroise que nul n'en aurait rien su. Elle s'arma, de sa lance cachée derrière un meuble, à l'étage, près de la porte. Elle eut une pensée pour Garibald qui l'avait vêtue. Pour Norah, qui l'avait armurée. Pour le guerrier tribal défunt dont elle avait récupéré la lance, et ainsi qui l'avait armée.

Et elle fit béer la porte, toute grande, se révélant à l'homme qui en conçut colère, effroi, et hébétude, face à ce truand coiffé d'un casque cornu. Il entreprit de menacer, d'invectiver. La blessure à sa cuisse le fit taire. Profonde, douloureuse, mais pas mortelle. Il en perdit ses sens, s'affala de tout son long, inconscient sous la douleur que ses chairs délicates n'avaient pas coutume de ressentir.

Il était, au final, faible. Si faible, maintenant qu'il ne pouvait appuyer sa puissance par un tierce instrument.

Elle posa sa lance contre le mur. Prit la lame à son ceinturon, luisante, comme elle n'avait pas coutume d'en manier, préférant l'os taillé. Elle s'accroupit. Lui envoya une claque, de sa main gantée de cuir brun. Il entrouvrit un oeil. Elle dirigea sa lame vers celui-là. Avec le bon espoir de récupérer cet organe de vue. L'énucléation n'était jamais une chose facile. Il se débattit, avec la même coordination qu'aurait une carpe. Mais il hurla, comme un goret.

En bas, Caprice eut un regard vers les étages. Elle parla aux gens présents d'un client aux exigences particulières : élevé dans la doctrine de Vaerdon, depuis toujours simple peon chez les mercenaires. Il avait de ces habitudes, mais l'air de rien pourtant, un petit rouquin tout simple dont on n'aurait rien deviné, racontait Caprice. Il ne jouissait pleinement qu'en souffrant. Et elle se mit à vanter les mérites de la fille nouvellement embauchée, Mérédith, qui parait-il savait faire des miracles avec lui, faisant fuser les blagues salaces et oublier les hurlements chez la clientèle qui désormais se gaussait des cris d'Abellion.

À l'étage, la lame avait frappé le poignet de l'homme, que la femme retenait de son pied. D'un geste presque désinvolte, l'arme avait décrit un arc de cercle. Détachant la main du membre, coupant au point où les os se liaient.

Elle eut quelques paroles, prit la bourse d'Abellion. S'il avait, malgré la douleur, encore conscience de quoi que ce soit, il croirait à un crime commis au nom d'un simple et vulgaire larcin. Cela survenait si souvent en Basse. Surtout quand de jolis morceaux comme un homme qui se prétendait de la meilleure société, et qui était cousin par alliance d'un Baron, venait à passer dans les vilains quartiers.

Rose Blanche, elle, ne disait rien, regardait de ses yeux placides et drogués l'homme suinter le sang. Ce n'était qu'un humain. Un humain de l'espèce qui avait engrossé sa mère, rejeté sur elle le fardeau de la honte et d'une existence misérable. Un humain, de l'espèce qui l'avait engrossé elle. Elle admira l'homme souffrir, dans une indifférence presque satisfaite.

Puis la noire créature laissa béer la porte, elle laissa l'homme fuir, mutilé et enduit de sang. Elle laissa la demi elfe employée de la Rose à elle-même. Elle porta le goulot de la bouteille brune à ses lèvres. Elle compta les pas, du haut des marches. Elle passa entre les hommes perplexes, entre les portes béantes. Elle s'en fut, à l'entrepot abandonné qui bordait la Rose. Son pas léger n'éveilla pas le clochard qui y dormait. Elle se réfugia dans ce qui avait pu être, antan, une chambre à coucher. Elle réentreprit de se changer.

Parée de son pagne, de rouge comme avant, elle sortit de la maison désaffectée. Une voix, grave, près de son oreille, un murmure, la fit se raidir. Elle répondit, pourtant. Visiblement, ce n'était pas tous les mercenaires qui étaient absents des lieux.

**-Je crois que je suis mûre pour une promenade. **

Sa destination était le domaine de l'Adalard. Il lui fallait reprendre quelques forces. Et il leur restait bien des choses, dont ils devaient discuter.

Elle prit la route, talonnant de loin celui qui fut son maitre, et qu'elle avait abandonné à son sort. Leurs chemins se séparèrent, alors qu'il approchait de Sainte-Élisa. Elle admira sa silhouette se fondre dans la nuit, alors que les lueurs de l’hôpital profilaient au loin. Savait-il seulement qu'il avait fait un simple premier pas d'une longue marche, un calvaire, qui l'attendrait dès lors?


Post by Adjakyee, Ind - September 12, 2011 at 8:02 PM

Tzam'hee'tvaan.

C'est ainsi qu'il s'était présenté. Ce mage avait énoncé enfin son nom. Et l'avait croisée de nouveau en son errance.

Elle lui était tributaire. Il lui avait donné la liberté. Il reçut d'elle ce qu'il en voulait. Son corps, sa virginité. Ils étaient quittes, égaux dès lors. La dette envers son libérateur était payée.

Elle aurait imaginé la chose plus désagréable. Douloureuse, même. Mais tout s'était passé en douceur, le mage nomade s'était montré, malgré les pulsions et le vice qui animaient sa demande, d'une douceur indéniable.

La chose passée, elle s'était rendue, plus rapidement que de coutume, au bois de cerisiers. Elle se délassa, se lava dans la source. S'attela à purifier son corps, à détendre son esprit.

Le tribut offert ne la dérangeait pas. C'était un paiement comme un autre. Elle ne l'aurait cédé à personne, si il ne s'était agi de sa liberté. Mais elle savait bien que rien en ce monde, surtout pas à Systéria, n'était gratuit. Et la liberté, elle la désirait plus que sa virginité, sa pureté.

Cela ne l'étonnait pas. Si ce fut Lidenbrock qui l'avait libérée, sans doute aurait-il espéré, ou demandé, la même chose. Elle s'y attendait, nul ne faisait rien pour rien. Chacun servait ses propres intérêts.

Et après tout, aussi bien ce mage puissant qu'un autre. Qu'un ivrogne féru de combat qui aurait pu la vaincre aux armes, à la Rose Cendrée, pour la prendre de force. S'il advenait qu'elle soit engrossée par lui, elle n'aurait pas honte de porter son enfant. Elle en serait même fière : elle savait que son père était puissant, et avait su agir avec intelligence et bonté.

Le mage, avant de la quitter, lui avait conté l'histoire des ruines, qu'elle apercevait désormais au loin. Le village en ruine était peuplé de sauvages, écrasés par les premiers colons bréguniens, au gré de leur élan civilisateur, de leur impression de supériorité. Le village était mal défendu, mal préparé, de même que ses habitants. Ces colons, eux, avaient trouvé leur gite au fond de la vallée. La pierre pâle, envahie de furets, témoignait de leur passage. Les démons, surgis d'un autre plan, avait ravagé à leur tour la cité d'expatriés bréguniens. Jetant à la ruine leur entreprise colonialiste. Laissant la nature reprendre ses droits.

Avec l'oeuvre de Belial, comme au temps des guerres démoniaques, viendrait-il le tour de Systéria? Ses habitants, supérieurs et suffisants comme l'étaient les colons bréguniens, vivraient-ils la ruine sous le courroux d'une entité d'une nature démoniaque, issue d'autre plan?

Rêveuse, elle interrogea le fungus qu'elle tenait en sa paume, en sa langue natale. Elle n'attendait pas de réponse. Le champignon, pourtant, eut un léger chuintement humide. C'est qu'elle l'avait serré un peu trop fort.


Post by Adjakyee, Ind - September 14, 2011 at 9:44 PM

-Il suffit, pour nous, que d'une alliance de chair afin que deux vies s'unissent.

La noire silhouette répondit au mage, avec qui elle devisait.

-Chez nous, les alliances les plus fortes se font différemment. Dans la mort d'une proie puissante, dont les deux guerriers se partagent le coeur, après avoir agi en symbiose dans le combat.


Côte à côte, Tzam'hee'tvaan et elle arpentaient la lande. Ils étaient loin, désormais. Loin des hommes et de leur empire, sa magie et ses pouvoirs les avaient tous deux emporté dans le lointain. Au devant d'eux se dressait une cité monolithique, dont la pierre grise s'était érodée par les affres du temps et des éléments.

De concert, ils s'avancèrent. Lui, faisant pleuvoir son feu, brandissant son bâton ralliant l'immaculé, le noir et le carmin. Les corps écailleux des hommes-lézards, le liquide vaporeux des élémentaux venteux, s'accumulaient à leurs pieds, alors qu'ils foulaient ensemble le sol gorgé de sang.

Dans la cité de pierre, ils progressaient. Le vent mugissait dans les ruines muettes, une fois ses habitants usurpateurs, les hommes-lézards, gisant morts au delà de l'enceinte. Les prunelles noires de la femme détaillaient les lieux. Le mage, savant, décrivit ce qu'il connaissait de l'endroit. Le souvenir de la Première Ère que les lieux portaient. Le souvenir d'une tribu puissante, qui s'était évanouie on ne savait comment.

Ils avancèrent vers les grands escaliers taillés dans le roc de la montagne, craquelés. Ils pénétrèrent dans une caverne obscure. Le mage eut un mot de pouvoir, et la femme cilla, dans la clarté diurne qui l'avait soudain submergée. De concert, ils franchirent le champ de force rougeoyant. Et il s'avancèrent, vers la massive silhouette écailleuse et obscure qui trônait au fond de la caverne, non loin d'un trésor oublié par les premiers habitants, de l'or poussiéreux au blason méconnu, dont les deux errants se désintéressaient.

Le mage brandit son bâton. La femme, sa lance.

Le drakkon des ténèbres toisa l'une et l'autre des silhouettes. Puis il s'abattit sur la femme comme un fléau, crachant un faisceau de flammes ardentes qu'elle peina à éviter, franchissant le rideau de feu uniquement pour que s'abatte sur elle la queue aux écailles tranchantes que la créature avait cinglé, agacée par cette pointe qui lui perçait modestement le flanc. Le mage, dès lors, redoubla d'ardeur, libéra toute sa puissance sur l'être ténébreux.

Chancelante, la femme se redressa, endolorie encore, pour remonter à l'assaut. Elle perça une veine mineure, le sang décora un peu les écailles de la créature, avant qu'il n'abatte sur elle une patte griffue, ne l'envoie valser contre un mur de la caverne. Le corps encore plus meurtri, elle se redressa pour apercevoir le corps du drakkon maintes fois percé. Mourant. Ou était-ce déjà mort, mais encore debout. Le mage eut une parole.

-Fond sur lui! Venges toi. Qu'il souffre encore un peu, avant qu'il ne quitte ce monde.

Et elle bondit, insouciante des coups, sous les soins magiques constants qui réparaient ses chairs si tôt qu'elles se trouvaient déchirées par un ultime effort de la bête, un sursaut de ses souffrances. Jusqu'à ce que la chute de la créature, définitive, ne fasse trembler le sol pierreux de la montagne.

Ils avaient triomphé.

Elle s'accroupit, s'empara de la lame à son ceinturon après avoir déposé sa sagaie. Elle charcuta les chairs du dragon, écarta la peau dans un chuintement humide de la viande qu'on découpe. Elle en extirpa le coeur, gros, sanglant. Elle en coupa un morceau, qu'elle présenta à son désormais égal. Son frère d'arme.

Elle prit elle-même un morceau de ce coeur qui animait plus tôt une bête d'une puissance incommensurable. De concert, retenant le morceau cru de leurs mains, ils mangèrent. Le sang orna leurs lèvres. La chair de cette proie devait à jamais les unir, les renforcer.

Il n'y avait, en sa tribu, aucun mariage au sens strict. Il y avait les Mères, qui devaient pourvoir des enfants à toute la tribu, tenues de s'accoupler indistinctement avec les meilleurs éléments, de faire prospérer chaque goutte de leur fertilité car telle était leur unique destinée. Il y avait les guerriers et guerrières, nommés Défenseurs, qui devaient réserver toute leur force vitale au combat, à l'exception de leur élite parmi les hommes qui étaient tenus d'ensemencer les Mères. Et dès le plus jeune âge, la voie des jeunes filles était prédite, Mère ou Défenseur, selon leurs prédispositions, leur force et leur caractère. Il y avait parfois des transfuges, de Guerrière à Mère. Suite à une blessure, une perte de puissance morale ou physique. Perçue comme une épreuve à subir, qui empiétait sur l'honneur.

Si elle devenait comme une Mère de son pays? Comme une de ces femmes gonflées par les grossesses répétées et ininterrompues, fidèles indéfectibles des préceptes d'entités qu'on nommait Shaelim et Mélurine à Systéria... Elle chassa l'idée de son esprit, préservant l'espoir dans un recoin de son coeur qu'elle ne vivrait pas une dégradation de statut.

Mais de tout cela, rien n'empêchait les unions symbiotiques dans la tribu Iylan N'angho, le Fer de Lance. La plupart du temps, elles étaient platoniques, entre deux combattants, qui s'unissaient dans la mort d'une proie puissante comme le Mage et la Guerrière l'avaient fait. Les deux êtres alors unissaient leur puissance, la partageaient, et se promettaient protection comme de véritables frères d'armes. Des compagnons.

Elle avait déjà célébré une fois ce rite. Mais ce lien était mort, à bout de souffle et de vie avec l'homme qui le partageait, dans les mines de Zanther. Cette fois, elle ne vivrait pas de seconde défaite, elle s'était promis de protéger son frère d'arme, comme il se devait.

Le lien était dès lors consacré. La promesse lancée. Cela ne pouvait pas être rompu.


Post by Adjakyee, Ind - September 16, 2011 at 11:09 PM

Le guerrier vêtu de métal couleur de feu, la femme couleur de terre, avançaient de concert, tailladant les racines qui leur barraient la voie.

Le plafond bas de la grotte semblait toujours sur le point de s'abattre sur eux. Des lianes, des racines, parfois, entamaient un mouvement sinistre, qui cherchait simplement à avoir enfin raison de ces deux intrus, qui foulaient le sol moite, cueillaient la moisissure, les champignons des murs.

La femme étaient poisseuse encore d'un précédent combat avec un immense ramassis de moisissure, d'eau et de terre, qui s'était élevé comme un être vivant. Ils étaient en terre hostile, où tout se dressait sur leur chemin comme autant d'obstacles. Un lieu qui éveillait les instincts de chasseurs, qui invitaient à la prudence. La grotte putride rappela Systéria à la femme. Ses grouillements subtils dans l'ombre. Les forces de l'endroit prêtes à s'élever contre elle d'un seul élan carnassier, pour la chasser du lieu où elle n'était pas la bienvenue.

L'homme, prodigieux combattant, ne reculait devant rien. Placide, habitué à ces assauts terribles. Elle sentit, au tréfond d'elle-même, une indéniable admiration pour lui. Systéria l'avait forgé, durci. Maintenant il allait, tout de fer, ne craignant plus rien, aucune force de la nature ou force dénaturée. Qu'il s'agisse de monstres, ou de Systériens.

Un éclat lumineux la fit faire halte. Interloquée. Elle s'avança, dans la lueur verdâtre.

Son visage noir s'avançant, faisant face, de très près, à celui illuminé d'un pâle éclat vert.

-Une dryade.

Expliqua-t-il.

-Elle fut emprisonnée par un démon. Qui voulait rompre l'Équilibre.

-Y-a-t-il un moyen de la libérer? Je n'aime pas voir des êtres asservis.

-Nul n'y est parvenu. Pas même les plus grands de l'Assemblée.

Elle s'éloigna, de la chose prisonnière, captive. Elle eut un songe, pour elle. Le temps venu, peut-être pourrait-elle relâcher ses forces. Peut-être cette dryade verrait-elle Systéria comme elle la voyait? Un nid de créatures dénaturées et vicieuses. Et rétablirait l'Équilibre, qui savait.


L'homme et la femme marchaient en Basse-Ville.

-Viens. Je dois te montrer quelque chose.

Elle le mena à une poubelle. Il put y voir des morceaux de cadavre nécrosé depuis belle lurette. Un autre compte avait été réglé en Basse.

-Si toi ou les tiens veulent ou peuvent y faire quelque chose... Sans quoi, je le mènerai à la fosse commune.

-Je ferai un rapport. Inutile de le laisser là.

Elle avait eu un hochement, prit sans hésitation le corps putride, serrant contre elle les morceaux en arpentant la ville. Les fluides du morts s'épandaient sur elle, sans qu'elle ne s'en soucie. Les regards la vrillaient, mais en Basse moins qu'ailleurs. Les gens la connaissaient, elle restait souvent là pour eux. Alors qu'elle s'acquittait sans broncher de cette tâche ingrate. Ils débouchèrent à la fosse. La femme y descendit sans rechigner. Disposa les morceaux, les aspergea de chaux, remonta encore suintante et putride, et commanda à Garibald qui était lié aux Dieux, quelques mots pour le mort. Il eut quelques formules, maladroites et toutes faites, avant que les deux Nguelundis versés dans l'art de la guerre ne se décident à cheminer vers le Quartier de l'Assemblée.


Quelques jours plus tard, Garibald put entendre quelques commentaires des gitans. Il avait laissé, plus tôt, la femme au bain, pour qu'elle puisse se laver des fluides du mort sans gêne. Deux hommes n'avaient pas tardé à profiler sous la tente, pour vaquer à des semblants d'occupations, vrillant le corps obscur et indifférent de leurs regards torves.

C'étaient ces deux mêmes, qui discutaient, sur le passage de Garibald, ostensiblement, rieurs, goguenards. Moqueurs peut-être.

-N'empêche, que les putains de la Rose Cendrée viennent se nettoyer de temps en temps moi j'ai rien contre. Mais le hic c'est que ça devrait se payer, si ça se fait chez nous... Je veux dire, c'est gentil qu'elles viennent se prélasser dans nos bains, et qu'elles viennent se décrotter à loisir, mais ce serait bête qu'on puisse pas en profiter. J'ai proposé de payer, et elle a refusé. N'empêche, faire la fine bouche quand on bosse à la Rose, avec quelqu'un qui rend service en laissant Mâdâme se nettoyer chez soi... C'est l’hôpital qui se fiche de la charité.

-À toi aussi elle a dit non? Bwah. Terrible hein. Et en plus c'est pas une beauté, toute balafrée, tout juste si elle est pas borgne et éclopée. Juste bonne à prendre les restes de la Rose, pour sûr. Ça doit être pour ça, qu'elle puait autant, qu'elle était si sale. J'en ai eu pour la journée à changer l'eau, personne n'aurait voulu se tremper dans ce bouillon après elle.

-Ah, pour sûr... y'en a qui ont des drôles de gouts.

Dit le premier gitan, moqueur, en suivant Garibald du regard, un sourire en coin accroché aux lèvres.


Post by Garibald Adalard, Ad - September 17, 2011 at 12:07 AM

Cape et foulard aux couleurs de l’Armée, ornaient le cou de l’Adalard à son passage. Il était reconnu dans se quartier de l’Assemblé, de par son passé dans les vestiges de cette guilde et de son présent en tant que patrouilleur attitrer dans se secteur de la ville, depuis son embauche chez les Mercenaires.

Le venin vint à s’infiltrer dans son ouie, les paroles désobligeantes et tendu pour le blesser coulèrent jusqu’au tréfonds de ses entrailles. Les gitans ne savaient visiblement pas à qui ils faisaient affaire, en sursurant leurs paroles au passage du Nguelundien.

Leurs visages, ils les avaient noté. Surtout le premier qui débuta la conversation entre les deux hommes. Impuissant lors du moment ou Adjakyee pris son bain dénuder en plein milieu publique, il s’en retrouvait maintenant sur un jour totalement différent. Il ne pouvait pas blâmer les hommes de reluquer et se rincer l’œil sur le corps nu de sa comparse. D’autres lieux, d’autres temps, autre moment, il en aurait faite pareil sur une pure inconnue. Il était lui-même homme, après tout. Mais cette fois, il en était injure de trop.

Comment ces simples paysans osaient ils venir s’en prendre à sa protéger, à cette Adjakyee qui appris à apprécier malgré ses aires stoïque et qui même dans le plus profond de ses tripes encore cacher à ses yeux irait aspirer à d'avantage ? Cette femme qui malgré elle s’était retrouvé en Systéria, en vie et en santé. Se même après avoir passer au travers tout les périples et défis impossible qu’elle avait du surmonter jusqu’alors. Et qu’elle devra surmonter encore et encore. Injurer le nom de celle si et de ses choix à lui, ne fit que bouillir en lui une fois de trop son sang chaud Nguelundien. Cette flamme qui c’était peu à peu effacer avec le temps et qui avait appris à renaître de ses cendres depuis la rencontre infortune ou fortuite, de cette femme aux origines similaire aux siens.

Ses pas s’estompèrent quelque mètre après avoir passer devant les deux hommes. Lentement, prenant son temps. Il se dévêtit de sa cape et de son foulard, qui laissa choir sur le sol. Quittant ses responsabilité d’homme de loi le temps d’un instant. Faisant volte face, il s’approcha d’un pas lourd qui tambourinait le sol à chaque enjamber. Marchant droit vers les deux hommes. Sans crier gare d’une main d’acier il empoigna le collet de l’individu surpris de la manœuvre. Transfert de poids, il l’étampa au sol. Sa victime si retrouva le souffle couper les yeux exorbiter sous l’impacte. Le tenant toujours aussi fermement, les muscles nerveux et fébriles. Il targua du bout de l’index le deuxième gitan.

Vous allez m’écouter. Un mot, un acte, un cillement de sourcils. S’il vous vient à recroiser Adjakyee, le nom de la femme que vous profaniez. N’importe quoi, qui pourrait offusquer la plus grande des nobles de cette citée. Je vous promets que vous ferez un saut dans la fosse commune pour y demeurer. Et je le saurai, si vous êtes encore aussi ingrats que des porcs que vous êtes.

Son ton de voix transmettait sa colère, émettant ses mots avec justesse, les pesants de manière à se qu’ils résonnent dans l’ouie des deux gitans. Leurs tympans pouvaient frapper du tambour à chaque syllabe dicté par la voix du Nguelundien.

Cette femme à plus de vécu que vos deux âmes réunis et mérite mieux que qui compte par se qu’elle est passé. Aux prochaines occasions, vous serez aussi courtois qu’avec les plus grandes dames de l’Empire Systérien, lorsque vous la croiserez. On est d’accord ?

Le gitan étamper au sol, le second debout non très loin. Purent s’échanger un regard de stupéfaction. La scène venait de les saisires et une peur se lisait sur leurs visages face à la réaction spontanée du mercenaire. Ils le craignaient et y croyaient. Un faible hochement de tête, qui semblait un peu plus franc fut acquiescé à Garibald.

Dé..désoler monsieur… N..nous t..tiendrons avertis…!

La poigne d’acier libéra sa proie. Les gitans, les blasphémateurs prirent fuite en toute jambe loin du Caporal. Dont celui si repris sa route en récupérant les blasons de l’Armée des Mercenaires.


Post by Adjakyee, Ind - September 17, 2011 at 1:25 AM

Adjakyee était encore perplexe, de cette affabilité toute neuve, aussi mielleuse que fausse, qui prenait deux gitans si tôt qu'elle mettait le pied dans le secteur des gitans. Elle se méfiait, visiblement, ceux-là ne l'inspiraient pas. Ceux qui avaient à leur heure affirmé leurs prétentions sur elle, puis leur mépris haut et fort au devant d'elle avant qu'elle ne quitte le bain, aimables à son égard? Invraisemblable. Incongru. Improbable.

Elle ne savait rien des actes précédents du Mercenaire. Mais cela lui semblait louche, de la part de deux Systériens qui l'avaient conspué. À son avis, ceux-là devaient fomenter quelque chose. Abellion, Asphodèl, le Baron de Nogar, ou un autre Zanthérois qui avait été témoin du tout les avaient-ils payé, pour qu'ils montent un coup?

Cela ne l'inspirait pas, non. Elle prit la décision d'éviter le secteur des gitans. Ou, sinon, d'y passer toujours très discrètement.


Ce n'est que peu après, dans les égouts hors des enceintes, qu'une silhouette émergea de la pénombre, se manifesta. Il y eut des nouvelles, au dessus d'une pile de cadavres, les pieds dans les eaux sanglantes.

L'Adalard et elle-même se promirent ensuite de faire un petit tour au Nord. Vers ces lieux où, selon sa tendre et toute blanche cousine, Monsieur Lunenoire aurait trouvé la mort.

Le chemin fut long, la neige maugréait sous leurs bottes. Le vent et le froid cinglait leur peau habituée au feu d'un soleil brûlant. L'Adalard pestait. La noire silhouette, elle, opta pour une solution plus pratique. Elle préleva un long lambeau de chair grasse du Seigneur Ogre qui barrait plus tôt leur chemin. Et s'en enveloppa. Peu lui importait les traces du sang, l'odeur infectieuse qui la perdrait en vérité aux nez des prédateurs qui ne voudraient certainement pas attaquer un Seigneur Ogre. L'air libre, si froid qu'il était, éveillait toujours son esprit guerrier et chasseur.

Les tenanciers de l'Auberge, et ceux du Havre des Gardes Forestiers du Nord, avaient été muets. La mauvaise ou la bonne volonté des protagonistes, nul ne la connaissait.

L'immense dragon qu'Adalard avait à ses ordres patrouillait les cieux au dessus de la lande gelée. Les deux silhouettes devinaient parfois son corps immaculé dans les airs, dans le lointain.

Depuis le passage au Havre, l'Adalard était devenu morose, comme si entre ses doigts avait filé quelque chose qu'il aurait voulu posséder. Était-ce la mainmise sur cet Abellion, qui lui échappait, ou bien... Les discussions entre les deux Nguelundis s'étaient espacées. Ils ne parlaient plus si librement. Chacun de leurs propos étaient mesurés. Et était destiné à évoquer quelque chose de pertinent dans l'affaire qui les concernait immédiatement.

La vue d'une ruine blanche où sifflait le vent perfide, la vue d'une fente dans la montagne, les fit s'arrêter. Ils pénétrèrent dans la caverne glaciale. Ils échangèrent quelques mots, de nouveau. Ils avaient trouvé quelque chose.

Un corps pâle, givré. Presque nu. Le cheveux roux. Face contre terre. Le sang formant autour de lui une croute glacée. Un moignon, à la place d'une de ses mains.

-C'est lui?

Lui demanda-t-il. Elle répondit par le geste. Retournant le cadavre, de la pointe de sa lame d'os. Elle ne voulait pas le toucher, pas même l'effleurer de ses propres mains, même gantées.

Le visage de l'homme était livide dans la mort, seul le sang glacé lui offrait un peu de couleur. Les traits de l'homme étaient graciles. Fins. Délicats. Il avait des allures de Tyar' roux. Quelque chose ne collait pas. Ce n'était pas le visage d'Abellion. L'aurait-il modifié, par sa magie, avant de mourir? La magie pouvait tant de choses...

Cela ne collait pas. Pas pour un homme mourant, dépourvu de grimoire... Qui aurait logé chaudement, loin des bêtes, avant de transformer son allure... Elle écarta un peu de la chevelure rousse, de la pointe de l'arme. Une oreille fine et pointue. Un bâtard elfique. Un demi-humain, aux dires de son ancien maitre. Et jamais son ancien maitre n'aurait voulu prendre l'allure d'un demi-humain.

-Non. Ce n'est pas lui.

Les deux silhouettes silencieuses menèrent la carcasse -Garibald la menant à grand peine, Adjakyee l'aidant par moments, agissant comme éclaireuse en d'autres- le long de la montagne.

Ils laissèrent derrière eux un monticule glacé, couvert de roc. Les bêtes ne sentiraient pas la petite chose gelée qui gisait dessous. Et les nez fins qui la flaireraient seraient handicapés pour creuser par ce qui le recouvrait. La glace ténue, le roc acéré.

Sans mots encore, ils reprirent la route de Systéria, où leurs voies étaient destinées à se séparer. Quelle ne serait pas la surprise de l'immaculée et douce Madame de Nogar, quand elle verrait surgir de nouveau, sur le pas de sa porte, un autre sans-âme, comme elle les désignait elle-même.


Post by Adjakyee, Ind - September 22, 2011 at 6:11 AM

**-Tu es pure. L'être le plus pur que je connaisse. **

Lui avait-elle soufflé.

Dans les catacombes où elle se trouvait, elle ressassait les paroles de Norah.

Dans l'abime obscur où elle avait chuté, elle avait tout loisir de ressasser. Le gémissement d'un diablottin. Le grognement d'une gargouille. Le grincement d'un golem. Le râle d'un zombie. Et les paroles de Norah.

Pure.

Était-elle pure?

Les Purs n'étaient-ils pas ceux qui toisaient, du haut de la colline de l'Ordre, avec tout le mépris du monde la masse grouillante de la Basse? Les Purs de race. Les Purs de sang. Les Purs d'esprits. De coeur. Les méprisants, les dédaigneux, les ennemis des réprouvés. Ses ennemis.

Pure? Elle?

Intouchée par les mœurs, les us Systériens, leur jeu des masques? Oui.
Emplie de sa nature, qu'elle ne saurait quitter? Oui.

Mais, un feu couvait en elle, qui ne savait s'éteindre. Et grâce au feu, son être se trouvait uni. Comme l'onirine, l'ombryque et le lumerca qui, sous le feu ardent de la forge, devenaient un seul et même métal. Le plus résistant et le plus précieux de tous. Celui-là était battu, martelé, tordu. Il prenait forme, dans les mains d'un maitre, pour devenir qui arme au fil tranchant, qui joyau d'orfèvrerie. Devant lesquels ceux qui poseraient leurs regards devenaient enthousiastes ou extatiques.

Sans ce feu qui couvait en elle et qui la rongeait, elle savait qu'elle risquait de devenir un être divisé. Comme bien des êtres, incapables d'accepter une nature double. Comme bien des moitiés d'êtres, qui erraient en Systéria comme des âmes en peine, tourmentées.

Elle cheminait, comme une lame meurtrière de damascus. Pourfendant ce qui se trouvait sur son passage sans une once de pitié. Ou libérant des êtres asservis, des golems aux créatures nécromantiques.


Post by Adjakyee, Ind - September 22, 2011 at 7:02 AM

Son coeur battait en sa poitrine, l'écrasait sous son joug. Elle abattait ce qui se trouvait à sa vue. Des hommes, qui lui rappelaient des Zanthérois. Pâles, graciles, belliqueux. Mais plus faibles.

Elle surgissait des bosquets. Fondait, de derrière les rochers. Tuant en silence les éclaireurs. Dans le lointain, l'armée ordonnée faisait fuir chaque bête, avec un boucan sans nom, le fracas de leurs voix, armes et bottes. Elle avait le temps, elle les entendait venir. Avant leur venue, elle avait observé les lieux. Le trou, dans le sud de la palissade, où on pouvait se faufiler en rampant. Et elle avait laissé près des remparts les têtes des truands. Gage d'avertissement terrible.

La situation des voix. L'odeur âcre de la poudre.

Les hommes avaient surgi. Parés de cape vertes. Elle s'était montrée, et Garibald avait tempéré ses pairs, vivement.

**-Je la connais! **

Ils ne l'avaient pas attaquée. Seule, parmi le flot des capes vertes, ils l'avaient laissée faire. Massacrer à sa guise, s'enivrer du combat et du sang de l'ennemi. Elle marchait sans rechigner sur les cadavres, se couvrait du sang des uns et des autres. Elle aidait qui l'un, qui l'autre, parfois même sans savoir leurs noms. Ils lui importaient peu. Seule lui importait la bataille et son ivresse.

L'assaut avait été prodigieux. Le massacre, terrible. Le chef, un homme à la peau foncée, était tombé sous les coups pour ne plus se relever il semblait. Les mercenaires savouraient leur victoire. Un fracas les fit se retourner. Tout fut fureur et confusion d'un assaut redoublé des survivants. L'absence du corps du chef. Une explosion, splendide, des barils de poudre entourant la muraille, embrasant le camp comme un feu de paille.

Les guerriers suivirent la seule femme sans cape verte. Elle n'avait eut qu'un mot.

**-Venez. **

Et ils avaient suivi. Prononcé non pas comme un commandement, mais comme un impératif, d'un frère d'arme à un autre. Un partage, d'un être qui connaissait les lieux et la guerre. Ce trou, repéré dans la murailles. La fuite de quelques hommes, par celui-là, avant que le brasier ne devienne trop intense. Les démarches des autres, pour libérer leurs pairs, à coup de masse dans le bois brulé. Et la sortie héroïque des oubliés.

Ensuite, les mercenaires avancèrent l'idée du bien fondé d'une capture. Elle fureta, en quête d'un prisonnier. Elle trancha la jambe d'un de ceux là. Le coinça, patienta. Ils l'entourèrent. Le prisonnier luttait âprement. Ils émirent, tous, des avis divergents. Erkah proposa de le décapiter.

Elle porta un coup, puis, le laissa se relever. Il fit quelque pas, pour mieux s'empaler délibérément sur une lame. Devant ce spectaculaire suicide, tous demeurèrent muets.

Puis, furent entreprises les démarches, pour endiguer le brasier au camp. Alors que les brulés vifs, les femmes et enfants, les blessés restants, agonisaient sous la morsure des flammes. Cela ne troublait pas la femme. Elle avait proposé l'idée d'une chaine, lasse des tergiversations. Ils avaient spontanément tous acquiescé. Le feu s'éteignait, petit à petit, se limitait au camp grâce aux efforts des hommes et femmes mis bout en bout.

Puis, les guerriers étaient partis, après un bref entretien avec Gardtalang. Le combat fini, les Systériens reprenaient leur... "stratégie".

La femme confronta le demi-orc, laissé à lui-même. Il lui répondit, abrupt.

-Et toi, qu'est-ce que tu me veux?

Et elle relata son désir, d'accéder au temple de celui qu'elle révérait. Nagh Ar'Ang, que les Systériens nommaient Vaerdon. Elle s'attendait à la confrontation. Mais elle regrettait que cela survienne à ce moment. Où elle n'avait pas son armure qu'elle faisait préparer pour ce jour. Où elle n'avait pas terminé son entrainement avec Mélandre. Où elle était fatiguée par le combat effréné. Où elle était mal armée.

Il voulait voir s'il en était digne. Elle savait. Pour elle, cela allait de soi. Ils s'étaient armés. Combattus. Sa lourde hache s'abattait, coupant son souffle, sans qu'elle ne cède. Il finit par avoir raison d'elle, mais si tôt qu'elle rouvrit un oeil, elle s'était remise en garde, prête à l'assaut de l'ennemi.

Puis, il avait concédé. Avait-il, si facilement, perçu son esprit guerrier? Était-ce si... facile? Elle n'avait pas vaincu. L'avait à peine blessé. Sans la préparation qu'elle avait voulu pour ce jour, elle avait été faible. Elle était déçue d'elle-même. Le colosse parla d'un tournoi. Un soulagement coula en son estomac. Elle tenterait d'être davantage à la hauteur, ce jour là.

Elle marchait, à ses côtés, peu soucieuses des entailles, des bosses. Elle avait connu bien pire, bien plus douloureux, que la hache du terrible barbare, devant qui tant de Systériens tremblaient. Les épreuves, la douleur, elle ne les craignait pas. Elle n'avait pas craint de confronter le Champion sur ses idées concernant le temple, qui devait demeurer sous clef. Et quant à la perspective d'intégration d'une guilde, qui ne l'enchantait guère. Certes, elle aspirait à s'illustrer au yeux de Nagh'Ar'Ang et des fidèles de Vaerdon. Elle aspirait à être reconnue comme guerrière de Vaerdon. Mais elle dédaignait la formule administrative des guildes, le salaire reçu au nom d'on ne savait trop quoi. Des obligations qui ne lui conviendraient pas. La soumission renouvelée, une nouvelle dette comme au moment où elle était esclave, et qui cette fois ne s'effacerait pas. Si il voulait connaitre ses objections, elle opta pour l'idée de l'en informer, s'il s'enquerrait.

Elle l'abandonna, le laissant à ses mots.

-Au revoir. Je serai toujours prête à combattre. Avec toi. Ou contre toi.


Post by Adjakyee, Ind - September 22, 2011 at 10:48 PM

Étrange. Si étrange. Voilà ce qui lui venait à l'esprit.

Elle s'était engouffrée dans la taverne en silence. Comme une bourrasque de vent sifflant. On ne l'avait pas remarquée. Dans la cohue, elle s'installa debout, près de la table du Caporal Méliamne et de Norah. Elle tendit l'oreille et attendit. Embusquée dans la ville, parmi la foule, comme parmi les hautes herbes en terre sauvage.

Ils discutaient.

De Bélial. Le Caporal entendait bien lutter de tout son corps, contre la créature que Norah avait dit rencontrer déjà. Il jouait les braves, face à la créature que les Purs présentaient comme le mal affiché. Norah, elle, avait résumée sa pensée, le doute instillé quelques jours plus tôt, qu'elle avait traduit encore en ses mots. Elle avait décrit, comme Adjakyee le lui avait présenté, Belial comme un être doté d'une mission, agissant comme un élément de la Balance. Déstabilisant les Systériens, et leur vision confortable et rassie du "bien", où seule la pureté apparente comptait.

Le mercenaire débita ses idées reçues. Il défendit âprement cette pâle et pure femme qu'il ne connaissait pas. Cette Asphodèl. La pure d'apparence. Peu lui importait, la nature et la profondeur du mal qui couvait en elle. Suffisant, il s'estimait supérieur, assez pour la vaincre d'un geste. Comme une enfant toute délicate, merveilleuse. Le Brave ne voulait que se mêler de ses affaires, alors que ce concernait une épouse de Baron et Haut-Inquisiteur.

Elle écoutait.

Le ballet du mélodrame. Du sacrifice individuel proclamé en mots qui n'avaient aucune valeur.

Les idées reçues, sur le bien et le mal. Débitées avec une suffisance toute Systérienne.

La logorrhée des valeurs de bien-pensants qui n'avaient cours que dans la théorie, et pour les personnes choisies.

La suffisance, l'arrogance toutes affichées.

Les perceptions candides, sur la vie, sur l'amitié.

Une bouffée de dédain remontait en elle, à chaque battement de son coeur. Quand son reflux était trop fort, celui là refluait en un murmure, qu'entendait la Sorcière de T'sen.


Post by Adjakyee, Ind - September 28, 2011 at 12:47 AM

Au coeur du volcan.

Au départ, il y avait elle. Et l'elfe partielle, toute délicate, trottinant sur les traces de ses deux élémentaux d'eau qui faisaient fumer le sol.

Ensuite, il y avait le mage émérite Dhoques. Et la sorcière de T'sen, Norah.

Entre les flammes et le souffre, sur le sol ardent, leur errance devint commune. Il y eut la colère du sol qui gronda, détachant des rochers du plafond.

Puis, il y eut Lui. Belial.

Il y eut la méfiance de Dhoques. Le stoïcisme d'Adjakyee. Il y eut l'effroi de Nimora. La fascination de Norah.

Il y eut des paroles échangées, aussi volages que les fumerolles élevées de la lave.
Il y eut la course, la fuite, de la demi-elfe terrorisée.
Il y eut une entreprise improbable, le tracé d'une expédition rare : quels genre d'aventuriers se seraient risqués à suivre un démon?

La cadence de ses pas se joignait d'une pensée. Systéria ne reconnaissait pas ses bienfaiteurs : pendant que l'Ordre s'amusait de ses amourettes futiles et de pâles intrigues, ou chassait dans la ville quelques impies en soulevant les pierres, Belial chassait les démons dans les profondeurs de la terre. Après avoir mis en échec, déjà, un nécromant en Basse-Ville. Non, visiblement, la territorialité de Belial était pratiquement générateur de davantage d'actions vertueuses et salvatrices que celles accomplies récemment par l'Ordre. Son raisonnement était juste, celui que partageait Norah : Belial était en quelque sorte instigateur d'Équilibre, à Systéria.

Il y eut de longs couloirs.
Il y eut des bestioles diverses.
Il y eut un démon orangé gigantesque.
Il y eut négociation.
Il y eut assaut : la noire silhouette se décida à passer à l'action. Elle vrillait la gigantesque créature orangée de sa lance comme d'un pal. Elle finit par la lui enfoncer dans le dos, de ses deux mains, la faisant enfin chanceler et choir.

Victorieux, Belial s'en fut, les laissant à eux-même sur ces paroles :

-Je vous laisse vivre. Vous m'avez été utiles.

Pas de pièges. Pas de duperie. Une inexplicable mansuétude. Bien supérieure à celle dont la plupart des Systériens étaient capables, la plupart du temps.

Il y eut le retour.

Et, depuis lors, il y avait à la Rose Cendrée un oeil rouge immense, dans un bocal.


Post by Norah Aubryel, CP - September 28, 2011 at 11:49 PM

Elle arrivait toujours à savoir où elle se trouvait. La rousselée avait parcourue les terres avec Dhoques afin de se rentre à l'antre du volcan. Ils y pénétrèrent sans attendre, sachant très bien qu'elle y était, comptant les cadavres des chiens de flammes qui jonchaient le sol depuis l'entrée. Quelques étages plus bas, ils l'apperçurent, la noire silhouette qui piquait la gorge d'un chien au poil rougeâtre. Le troisième coup fût fatal.

- Bonjour, Adjakyee. fit les deux arrivants, en choeur.

La noiraude inclina le chef en pinçant les lèvres, posant la pointe de bois sur le sol, dans un acte de repos. Nimora, qui était plus loin, dans le coin, envoya la main. Ils discutèrent un moment jusqu'à ce qu'une secousse les fasse chambranler. Tous s'échangèrent un regard perturbés et ils reculèrent jusqu'aux murs, chacun de leur côté. Des roches tombaient des plafonds tandis que les aventuriers progressaient à flanc de mur.

- Poursuivons. déclara impassiblement Adjakyee.

Plus bas, ils débouchèrent sur un nid de dragon, leur famille entièrement décimée. Belial, la Bête, se tenait tout près.

- Belial... fit Norah, tout bas, comme pour elle-même ou pour les autres, difficile à dire.

Il parla un moment puis elle le suivit, apprivoisée. Le reste était flou, malheureusement, mais une chose était certaine. Ils étaient tous sortient vivants, peut-être même plus qu'avant.


Post by Adjakyee, Ind - September 29, 2011 at 2:06 AM

Le vent soufflait, mugissait entre les branches. Celles-là, comme engluées d'une glace qui ne les quittait jamais, claquaient entre elles. Une noire silhouette avançait dans l'étendue blanche, enfoncée jusqu'aux hanches dans la strate de neige meuble. Elle bougeait avec difficulté. Cette partie des terres nordiques était peu fréquentée, et pour la noire créature, c'est ce qui en faisait son attrait.

Dans l'étendue, il semblait pourtant y avoir plus que le mugissement du vent.

Le craquement des branches semblait éthéré, surnaturel.

La noire silhouette fut bien inspirée de s'enfouir à demi dans la neige meuble, et d'avancer lentement ainsi. Se mouvant lentement, ne troublant rien des arbres bleutés et cristallins, ni des concrétions qui semblaient se mouvoir sur la neige. Une de celles-là sembla glisser sur son terrier improvisé, laissant en son sillage quelques parcelles d'elle-même. La noire femme les récupéra.

Le lendemain, bien plus au sud, sur le pont liant la Basse-Ville à la Moyenne, le crieur de la Basse lançait les enchères, pour ces morceaux-là, étranges produits d'une terre lointaine, et peu accessible. Souvenir rémanent d'une forêt enchantée, de ses créatures, et des esprits qui y rôdaient.


Post by Adjakyee, Ind - September 29, 2011 at 5:41 PM

La noire silhouette et la gracile T'sen avançaient, entre les dunes pâles. Le visage de la noire femme semblait préoccupé, sans que sa comparse T'sen n'eut su vraiment pourquoi.

Les fourmillions, les araignées, les scorpions et les scarabées tombaient pourtant sans encombres, comme les autres fois. Non loin, le ressac se laissait entendre, car elles longeaient les berges. La longue étendue blanche de sable jouxtant celle, aussi immense, des eaux bleues et salines, à la fois tentatrices et impropres à boire.

Les cris, les paroles, leurs parvinrent aux oreilles. Elles arrivaient au camp d'Allabram. Ses massifs remparts de pierre jaune se dressaient, sous le soleil de plomb. Prudentes, elle contournèrent les remparts, s'évitant que les sentinelles ne donnent l'alerte. Norah suivait les traces de sa guide. Et visiblement le campement n'était pas leur destination. Elles s'esquivèrent plutôt vers un oasis qui jouxtait le camp, à la végétation dense et touffue. À l'atmosphère lourde sous la chaleur torride, dans l'odeur conjuguée de tant de fleurs et de sèves.

La noire femme avait conduite Norah à cet endroit car elle savait qu'elle n'y porterait pas de jugement défavorable, qu'elle gouterait pleinement l'expérience mystique. Elle l'avait conduite, en échange de son silence. Qui savait, ce que les Dieux et entités voudraient bien faire apparaitre à Norah. Et... ce que Norah pourrait raconter ensuite, au sein d'une cité fermée sur des principes spirituels restreints, lui faisait craindre le pire, pour elle, Norah, et ces lieux.

Adjakyee eut quelques mots, pour Norah.

**-Ne crains pas. Cet oasis a quelque chose de mystique. Il se peut que des visions, des choses, viennent à toi et ta connaissance. Assied toi, parmi les plantes. Attends et respire. Délasse toi de notre voyage. Et souviens toi que je serai encore avec toi. Non loin. **

Elle s'éloigna. Pour cette expérience mystique, Norah devait être seule. Les visions d'un esprit n'appartenaient qu'à lui-même. Elle serait non loin, comme promis, et veillerait, émergerait en cas d'incident. Elle laissa Norah parmi ces herbes opiacées que les nomades du camp mâchaient parfois pour s'enivrer de visions illusoires d'un paradis perdu, ou se couper de toute douleur possible de ce monde.

C'est une Norah livide qu'elle revint chercher. Une créature éprouvée, qui fit le voyage de retour aussi soucieuse qu'Adjakyee l'avait été à l'aller. La sorcière de T'sen lorgnait assidument par dessus son épaule, comme une bête traquée. Rien, pourtant, ne semblait les suivre.

-Qu'as-tu vu, dis moi?

-Un... élémental d'eau. Oui. Il était ... énorme. Tu... as déjà vu quelque chose là-bas, toi? Et qu'est-ce que c'était.

-Oui. Et... La forme, parfois, importe moi que le fond. Ce qui importe des esprits et entités, c'est leur message. A-t-il parlé?

-Oui... Il... m'a dit, que je devrais davantage me faire confiance.

-Il n'a pas tort.

*Trancha la noire femme. Leur chemin s'achevait. Elles retrouvaient alors la sérénité de la grotte des affables Dracos. Les femmes se séparèrent. Mais Norah, elle, n'était toujours pas seule, incertaine d'être accompagnée qui de l'entité dont elle avait reçu la visite, qui du souvenir de son apparition. *


Post by Rakshäsa'Kali - September 29, 2011 at 6:15 PM

Seule.

Elle était seule. Ou presque.

Mais elles étaient loin, de tout. Et si un rôdeur venait, assurément les cris des vigiles Nomades la mettraient en alerte.

La créature ailée patientait, parmi les ombrages des herbes odorantes. Norah, d'abord tendue, s'était relâchée, petit à petit, dans le parfum des fleurs, dans la passivité des lieux qui lui avaient d'abord semblé hantés. Avec raison.

Ses pieds, nus, foulaient le sol herbeux sans un son. Ses ailes étaient ramenées contre son corps. Sa tenue, similaire à celle de maintes succubes, moulait son corps, évitant que sa traine ne se coince dans les racines. Et, par commodité, elle avait évité les bijoux qui tintaient. Ainsi, elle put s'approcher, en silence absolu. Imperceptible, aux sens de Norah.

Son souffle effleura les oreilles de la rousselée, sans que celle-ci n'ait pu déterminer l'origine de sa venue. Quelques paroles échangées, firent se raidir Norah, sous le joug d'un tabou qui la dépassait.

L'obscure créature d'apparence démoniaque finit par se montrer.

Elle était venue à elle. Entité effrayante et étonnante parmi les odeurs florales, dans l'écrasement de l'oasis, et des curieuses impressions qu'il semblait provoquer.

Rakshäsa'Kali. Dans un murmure, elle s'était nommée depuis longtemps.

La fascination de Norah ne la surprit pas. Elle l'avait devinée.

-Tu pourrais, Norah, devenir comme moi. Embrasser ce que tu es, sans rupture, sans le fardeau de la honte. Il est, Norah, une cour où le jeu fourbe des Systériens ne s'applique pas. Cette cour est la mienne, celle de Belial. Tu pourras l'intégrer, si tu prouves ton intégrité. Nous devons être certains que tu ne seras pas traitre.

-Je ne vous trahirai pas!

-Les paroles sont peu de choses, mais si tu parles de notre rencontre, je saurai. J'attends donc de voir ce que tu feras. Si tu sais, comme tu dis, ne pas trahir, alors tu en apprendras davantage. Je t'apprendrai. Entretemps. Si tu as le désir de me, de nous plaire, perpètre un sacrifice.

-Un... sacrifice? Humain? Animal?

-Laisse toi guider par tes instincts et ta nature. Ton choix de victime, ton modus opérandi, les mots que tu choisiras pour nous honorer, en diront long sur toi. Ainsi, de la sorte, nous te connaitrons davantage. Une fois cela accompli, Norah, je te retrouverai. Je reviendrai à toi. Et si tu en es digne, je t'emmènerai avec moi.

[...]

La créature avait disparu avec la venue de l'aube. La noire humaine était venue récupérer Norah, qui frissonnait légèrement malgré la chaleur ardente du désert, alors que la nuit se dissipait pour faire place au jour. Mais, sa Majesté Rakshäsa'Kali n'était pas complètement partie, et elle continuait de surveiller la Sorcière de T'sen, ainsi que l'accomplissement de ses promesses, de près.


Post by Norah Aubryel, CP - September 29, 2011 at 7:32 PM

- Va. Tapis toi dans la végétation et concentre toi bien, tu verras. souffla Adjakyee vers Norah qui s'exécutait déjà.

[...]

Accroupie parmis les brousailles et la dense végétation, elle tendit l'oreille à une voix qui lui était encore inconnue. Ses paroles s'enracinèrent dans le subconscient de la jeune femme jusqu'à ce qu'elle hoche la tête, faiblement, puis elle lâcha un son..

- Oui .. apprend moi.

- Offre un sacrifice, humain, préférablement. Par le fait même, révele une partie de toi, une partie de ton être le plus profond. Et surtout, soit.. créative. C'est ainsi que nous pourrons juger ta vrai valeur.

[...]

Lorsqu'Adjakyee l'appela, elle prit quelques secondes avant de se reveler, ses grands yeux dorés ronds d'inquiètude.

- Alors, Norah, qu'as-tu vu ? fit-elle, impassible comme à son habitude.

- Un immense Élémental d'eau, mentie-elle, d'une voix vague.

- Ah oui, possible. Les gens qui manient l'éther sont plus ouverts à voir de grandes choses, apparament.

- En effet oui, en effet. siffla Norah, tout en jettant une oeillade vers l'oasis qu'elle quittait.

Une fois arrivées à l'antre des Dracos, la noire silhouette inspecta Norah d'une oeillade sans gêne. Elle alla même jusqu'à canter la tête de côté, sondant son amie dans le silence.

- Tu dois te reposer, Norah. Les apparitions sont parfois alourdissantes pour l'esprit. commenta Adjakyee.

Se reposer ? Impossible.
Elle hocha le chef vers son amie mais elle savait très bien ce qu'elle devait et ce qu'elle allait faire. Norah fila vers la banque, prennant un sac de cuir de grosseur moyenne et elle y glissa quelques trucs qu'elle pensait utile. Silencieusement, elle se rendit vers l'Halte des dresseurs et coupa vers la droite, avant le pont. En plein millieu de la forêt, pendant que le soleil se couchait, elle ramassa deux solide bouts de bois, asser longs. Elle les plaça au sol, un à côté de l'autre et dans son sac de cuir, elle sortie un grand lambeau de cuir qu'elle déposa sur les deux larges bâtons. Elle noua l'extrémité du cuir au bout des bâtons de bois à l'aide d'une corde rigide. Ainsi, après quelques minutes, elle créa un espèce de brancard rudimentaire. De sa petite dague, elle affûta les deux bouts, face à elle. Deux petites poignées élémentaires prirent forme, donnant ainsi une bonne poigne. La rousselée se releva et s'empara de la civière qu'elle traîna avec hâte vers les murailles de Systéria puis elle piqua vers la gauche, se rendant aux abord des Terres qui étaient possédées par le mal et elle posa ses yeux dorés sur une briguande blonde, isolée du reste de sa troupe. Norah plaça le brancard au sol, silencieusement, non loin de la blonde puis ses yeux dorés se posèrent sur elle.

- In Nox ! murmura la jeune femme, dans un souffle.

La briguande se tordi de douleur, sous l'effet du poison qui naissait dans ses veine. Norah s'avança brusquement et plaqua sa main gauche sur la bouche de la femme, patientant qu'elle s'affaiblisse. Elle lui permettait toujours de respirer mais en bloquant ainsi sa bouche, elle l'empêchait de crier. Au bout de quelques minutes, elle pencha la femme sur le brancard, alors que ses yeux se révulsaient de douleur. Juste avant l'évanouissement, elle envoya une gerbe d'étincelles vers sa poitrine.

- An Nox.

Une fois bien installée sur le cuir, Norah prit les deux poignées et tira fermement, traînant la demoiselle de plus en plus creux dans la forêt. La jeune femme marchait d'un pas rythmé, évitant les souches et les pierres qui apparaissaient devant elle. Une fois arrivée à la montagne, elle déversa le corps au sol puis, elle lia les deux bout de bois ensemble pour faire une poutre plus solide. Plaçant l'extrémité sous une roche, elle la fit basculer en mettant son poid entier. Norah lança un regard vers la gauche, puis la droite et elle attira le corps mou de la briguande dans la sombre grotte...


Post by Norah Aubryel, CP - September 30, 2011 at 4:13 PM

Une fois toutes deux logées dans la grotte, Norah se tourna vers l'entrée et elle tendit sa main vers le faisceau de lumière, de sa paume quelques étincelles grisâtres tombèrent au sol pour ricocher un peu plus loin.

- In Sanct Ylem, récita la jeune femme avant de se redresser et de tirer sur le corps de la crapule aux cheveux de blé.

La demi-démone tirait le corps vers le millieux de la grotte puis, elle poussa la porte qui se trouvait non loin d'elle, cherchant à y entrer. Une fois à l'intérieur, elle se délesta du poid de la fripoulle en laissant tomber ses bras au sol, trop engourdie pour tenter quoi que ce soit.

- La porte.. hm .. An Por !

- Ne m'fais pas d'mal.. j't'en supplis.. !

- Tais toi, tu me dérange.. siffla Norah tout en étalant le contenu de son large sac de cuir au sol. Des Sanct !

Et la blondinette repartie dans les vappes pendant que la sorcière disposait proprement ses outils. À sa droite, elle déposa une dague puis autour de celle-ci, elle plaça un petit sac de cuir noir, une coupe en métal et une boule ronde duveteuse, de la soie d'araignée. Les yeux dorés de Norah examinaient silencieusement le corps pâle de sa victime. Fin prette, elle expira doucement et se mit à la dévêtir jusqu'à ce qu'il ne reste que ses sous-vêtements. Elle enfila ses gants de cuir et ferma les yeux pendant quelques secondes, se concentrant sur la suite des choses. Assise en tailleur, la T'sennoise prit la dague de sa main droite puis elle se pencha sur le corps de la malfaiteuse et elle murmura, au creux de son oreille.

- À force de côtoyer l'hérésie, on m'a dit qu'une malédiction plannait sur les blondes dans ton genre. Les êtres malsains, de par la couleur de vos cheveux, voient en vous des êtres faibles et purs, et ainsi, ils tentent de vous posséder. émit Norah, dans un murmure tendre. Tu sais, quand ça gronde en dedans, quand ça fait mal.. c'est le signe qu'ils t'on pénétrés. Ce n'est pas la faim, non non.. ce sont les damnés qui hânte ton pauvre corps.

Elle recula la tête doucement puis hocha à quelques reprises. La blonde clignait des yeux avec faiblesse puis elle fit tanguer sa tête de gauche à droite, dans un signe de négation ou de dégoût, difficile à saisir.

- T'crois.. ? J'ui hanté.. ? balbutia la dévêtie.

La rousselée se pencha à nouveau vers le corps pâle et elle opina doucement, posant sa main libre sur le front de la briguande et flatta paisiblement sa tête, se voulant réconfortante.

- Oui, je te crois hantée, mais tu sais, je suis là pour t'aider. Néanmoins pour te venir en aide, tu dois toi-même enlever ses esprits.. et moi, je serai là pour t'assister et t'aider à refermer ta plaie.. tu ne sentiras rien. insinua la jeune femme à la tignasse noire.

- O'ui ? Qu'je dois fai' ? bredouilla mollement la femme au sol.

- C'est simple, tu dois prendre cette dague et la planter dans ton bas ventre. Ensuite, tu glisseras vers ta poitrine, tout doucement. Ainsi, tu dis clairement aux démons qui te grugent que tu ne veux plus d'eux et que cette décision est tienne, pas celle d'un prêtre qui a pitié de toi. Tiens, prend la. fit Norah en terminant par un sourire réconfortant et en lui tendant la petite dague.

La blonde, engourdie et ensorcellée fit osciller la dague vers son bas-ventre jusqu'à ce qu'elle dépose le pointu du métal sur sa chair, les yeux un peu ronds face à se qu'elle s'apprêtait à faire.

- Vas y je suis là.. déclara Norah en prennant la petite boule de soie d'araignée dans sa main droite, parée.

Et vivement, la briguande tira la dague sur sa chaire pâle, s'ouvrant en entier. Norah plissa des yeux l'espace d'une seconde et avant même que la blonde pû crier, elle posa la boule duveteuse dans sa bouche, ce qui la scella dans un silence absolu. Tandis que ses yeux verdâtres fixaient Norah, affolés, elle prit le temps de se rappeler la raison qui l'avait amené à faire tout ceci. Rakshäsa'Kali. La reconnaissance de soi. Elle se dépouilla de tout habits, ne gardant que ses sous-vêtements. D'une main faible, elle alla couper les sangles de cuirs qui retenaient, en tout temps, sa petite queue. La Créature arpentait la pièce de long en large jusqu'à ce qu'elle se tranquillise calmement, tout près du corps secoué par la douleur.

Après quelques minutes de spasmes, la blonde avait roulé des yeux à quelques reprises, la fin approchait. Norah reprit la dague et de sa main libre, elle plongea dans le thorax de la fourbe pour quérrir le coeur, encore battant. Elle tira doucement et coupa les veines et les artères qui le ratachaient encore au corps. La mâchoire serrée, elle déposa l'organe dans la coupe et elle la plaça devant ses jambes, lâchant un souffle. La pointe de la dague perça le coeur et un petit jet de sang en émana, ce qui remplit la coupe à moitié. Sa queue fouettait l'air avec puissance et nervosité.

- Pour moi, pour mon être.. pour accepter ce que je suis et ne jamais me trahir. Pour trouver l'équilibre entre mon sang et ma vie. Elle enleva ses gants et trempa le bouts de ses doigts dans le sang encore chaud. Elle fit glisser ses extrémités mouillés le long de son visage, dans un souffle irrégulier. Je ne renirai aucune parcelle de moi.

Au bout d'un moment, elle sortie de sa torpeur, examinant le cadavre qui bleuissait à vue d'oeil. L'heure était venue. Elle prit ses vêtements et les enfila rapidement. Une fois chose faite, elle se mit dans le coin de la pièce et murmura.

- Kal Xen.

Un loup brun apparût progressivement et il se rua sur le corps qui gisait, éventré, au beau millieux. Norah patienta, la coupe en main, que le loup ait terminé de manger la carcasse de la femme. Posant ses yeux dorés sur la bête, elle disparu subitement. La rousselée avança et prit, de sa main libre, le petit sachet de cuir noir. En l'ouvrant, elle répendit la poudre jaunâtre sur le planché souillé et aussitôt, les restes qui n'avaient pas été dévorés brûlèrent au contact du souffre.

- Ex Por, fit la jeune femme à la tignasse noire, la coupe en main.

Puis elle sortie de la sombre grotte, la coupe en main. Bifurquant vers la gauche, Norah fit le tour de la montagne pour marcher vers le cours d'eau le plus proche où elle laissa tomber le tout. Doucement, elle plongea ses mains dans l'eau fraîche pour laver son visage qui était couvert de sang seché. Accroupie, elle cligna des yeux un moment. Au moins, elle n'avait pas tué une personne importante, elle n'avait pas tué du tout, même. Sa main gauche se rendit à son front et elle lissa ses cheveux noir vers l'arrière, préoccupée.

- J'espère que tu as regardé..


Post by Rakshäsa'Kali - September 30, 2011 at 5:23 PM

L'engeance suivait souvent Norah. Le tracé de ses pas, dans la pénombre, hors de la ville. Dans les enceintes, elle rôdait parfois, moins tangible, plus prudente, bien plus prudente.

Sa forme adoptée sur le moment : rien de remarquable. Une ombre, sans plus, qui errait derrière la petite sorcière.

Une ombre, terrée d'abord dans les bois.

Une ombre, derrière Norah et son fardeau.

Une ombre, contre les murs de la grottes, infiltrée par la porte béante.

Une ombre, qui reviendrait très bientôt, tangible, hanter les pas de Norah.


Post by Norah Aubryel, CP - October 1, 2011 at 3:34 PM

Elle disparue progressivement, jusqu'à devenir éther, elle-même...

[...]

- Ici, c'est chez toi, maintenant.

Norah poursuivit donc la descente, lentement mais sûrement. Lorsqu'elle passa le couloir, elle pû sentir une tiedeur embrasser son visage. La Reine poussa les larges portes de métal afin de réellement pénétrer dans le sombre repère. Autour de la jeune femme, des flammes, maîtrisées, léchaient les murs et allaient mourrir au plafond. Office de décoration, de lumière ambiante ou de prochain bûcher, elle passa à côté quand Sa Majesté lui présenta une nouvelle entrée, elle aussi garnit de deux lourdes portes.

- Là, c'est ta chambre. C'était celle d'Aeternabilis, avant. Nous le verrons tout à l'heure, j'ose espérer. Il est très occupé à ses, expériences.

La ténébreuse silhouette ailée progressa à travers les couloirs, présentant les pièces et les raccoins à la jeune rousselée. L'air était doux et l'endroit ne laissait pas percevoir aucune trace de moisissure. Un endroit propre, vivable et... étrangement chaleureux.

- Cette chambre sera celle des héritiers. commenta la Reine, calmement. Et la prochaine, c'est celle où Belial et moi, logeons.

La gracile femme lui présenta le reste des lieux et pour terminé, elle la dirigea vers une salle où livres, carnet et bouquins prédominaient sur le reste des meubles.

- Ici, c'est la salle des connaissances. Tu t'y plairas sûrement et aussi, tu pourras aider Aeternabilis, ton Mentor, dans ses recherches.

[...]

Rakshäsa'Kali était le premier être, dans ce genre, que Norah avait réellement pu appercevoir. Lorsqu'il se montra, aparaissant au bout d'une galerie, elle feula, stupéfaite. Ils étaient plusieurs, selon toute vraisemblance. Un autre ailé. Ses ailes étaient plus denses, plus pâles que la Reine. Sa peau, d'un blanc opalin, semblait douce comme le velour et ses cheveux, de longs cheveux d'un blanc pur, tombaient sur ses épaules couvertes. L'être était vêtue d'une grande toge sépulcrale, constellée de filaments orangés et d'un voilage au teintes de grenat profond. Son visage était à découvert, comparativement à Rakshäsa'Kali. Norah l'observa un moment, dans la pénombre. Elle ne le connaissait pas, ses traits lui étaient nouveaux.

- J'attendais ta venue, Norah. souffla-t-il, paisiblement.

[...]

Tandis que Sa Majestée tenait la cape de Norah dans ses mains, Aeternabilis fit le tour de la jeune femme, se positionnant derrière elle.

- De quoi parle-t-on ici, de son trait particulier.. en tant que semi-démone ?

La jeune femme tourna la tête et lança une oeillade par dessus son épaule tandis que son pantalons s'agitait petitement, à la base de son dos. Elle repositionna son visage vers l'avant, lançant un regard vers Rakshäsa'Kali qui le savait déjà, assurément.

- Oui, c'est une queue. souffla la jeune femme.

- Norah, sache qu'ici, tu peux être à ton aise. déclara Sa Majestée avant de laisser tomber la cape au sol.

- Oui, ici, sens toi bien, on est en "famille".

- Aucun vêtement n'est conçu pour être à l'aise, avec .. ça. lâcha la demi-démone aux yeux d'or.

- Rectification. Aucun vêtement conçu par les humains. spécifia le démon à la tignasse blanche.

- Nous veillerons à te trouver des habits convenables, Norah.


Post by Adjakyee, Ind - October 1, 2011 at 3:57 PM

Loin de là, loin de ces choses, peu de temps après.

La noire silhouette émergeait de la Rose. Tout allait pour le mieux, sous la poigne du pauvre Elzar, qui était passé de fugitif à tenancier et prostitué, tout à la fois. Était-ce si facile de faire sombrer les hommes dans le vice : apparemment, oui, quand ils étaient si bien prédisposés.

Toujours est-il qu'à la Rose, tout allait pour le mieux, dans le meilleur des mondes. Malgré le fait qu'Elzar, entouré de jupons, semblait s'en enivrer plus encore que de l'alcool. À la demande de Caprice, qui avait raconté l'histoire de la Rose en une courte litanie, elle irait bientôt au devant de Lidenbrock pour vérifier quelques affaires.

Et chercher une seringue, pour un homme qu'elle avait croisé : une affaire était une affaire, et elle avait promis.

Elle décida, faisant route, de faire halte chez Norah.

La pièce était silencieuse, dénuée de mouvements et de vie. Elle parcourut la maison oblongue. Norah n'y était pas. Le silence était plus pesant qu'à l'habitude.

Elle baissa les yeux sur le sol de la chambre, pinça un peu les lèvres de son visage dur.

La fiole de concentré de lave, que Norah semblait chérir, avait disparu.


Post by Adjakyee, Ind - October 4, 2011 at 7:51 PM

Un homme encapuchonné la suivait dans la Basse-Ville. Les lieux étaient un véritable coupe-gorge, cela ne l'étonnait guère. Il lui était arrivée d'être attaquée par des hommes de sa trempe, mais à la fois sa propension à dégainer, son allure de moins que rien, les avait vite calmés. En Basse, on savait bien qu'il ne faisait pas bon dérober à son prochain. Et, le temps avait passé. Voilà près d'un an qu'elle errait parmi les pauvres, les réprouvés, les malheureux. Dans le quartier, on commençait à la connaitre, on l'acceptait. On la reconnaissait comme habitante de la Basse, ainsi ce genre d'incident était moins fréquent.

La noire silhouette lorgnait parfois par dessus son épaule, vers l'homme en noir qui détonnait sur la pierre grise, sur le sol brun et boueux, sur le bois vermoulu. Qui gardait ses distances tout en demeurant visible en partie.

Elle patientait, maintenant sa paume gantée sur la garde d'une pointe d'os de dragon taillé, qu'elle portait au ceinturon. Sans dégainer mais, était-on jamais trop prudent.

Un autre regard, derrière son épaule.

Il portait des couleurs riches, veloutées. L'homme n'était pas un miséreux. Mais les fortunés qui arpentaient la Basse sans les couleurs d'une guilde, ils étaient connus : des gens qui possédaient des entrepôts, ou qui contrôlaient le crime ou le stupre. De quelle catégorie était l'homme qui la suivait, sans se cacher. Ou qui se cachait parfois en voilant bien mal sa présence. Ça, elle ne le savait pas. Elle n'interrompit pas son quotidien. Une visite à Erika, une prostituée enceinte à sombre peau, évincée de la Rose, pour lui apporter de la nourriture. Un passage à la Rose, pour savoir si tout allait bien, pour avoir les nouvelles de la nuit, et pour saluer Caprice. Un passage à la banque. Toujours la main sur la garde, attendant l'assaut de l'assassin sans finesse. Qui étrangement ne venait pas.

Une sortie de la ville. Elle avait été récupérer sa sagaie auprès de Taylor, qui, statut d'homme riche dans un quartier misérable oblige, lorgnait vers la noire silhouette avec dédain et méfiance, comme pour l'ensemble de sa clientèle. Il accueillait toutefois les bien vêtus avec obligeance : porter des teintures alchimiques était un signe ostentatoire de richesse, ainsi il inclina avec obligeance la tête à l'entrée de l'homme vêtu de couleurs sombres et veloutées.

Elle entreprit de se diriger vers les bois des Affranchis. La chasse aux trolls, aux cerfs et aux hommes-reptiles serait sans doute prometteuse. Leur viande nourrissait régulièrement les deux dragonneaux à charge d'Astria. Voyant la silhouette la suivre, tache noire évidente en plein jour, qui jurait sur le paysage des herbes jaunissantes, sur la terre brune et sous les feuillages verts.

Qu'il la suive, à son sens, n'avait rien de bien normal. Les hommes de la Basse avides de quelques écus ne s'en seraient pas pris à une des leurs, ç'aurait été contre leurs intérêts, puisqu'elle agissait pour faire entendre la Basse. Un contrat, peut-être? Cela se faisait. Ou un disgracié de la Moyenne, qui connaissait la déchéance et s'initiait aux moeurs dissolues de la Basse, espérant quelques écus d'un meurtre? Des questions la taraudaient, elle triait le bon grain de l'ivraie, le possible de l'impossible. Et poursuivit sa route, présumant que l'homme révélerait son intention tôt ou tard.

Dans le bois, quelques ostards. Elle avançait embusquée, comme les siens le faisaient. Couleur de terre, couleur d'herbes jaunes, le pas prudent, elle avançait, le souffle contenu. Le cri des ostard modulé retentissant parfois.

Kwiii.

Kiii-wkiii.

Derrière elle.

Crak.

L'homme avait marché sur une branche, peut-être délibérément.

KWIIIIIIIIII.

Les ostard alarmés entamèrent leur fuite. Leurs cris d'alarme vidèrent la forêt de pratiquement toutes ses proies. Plus de cerfs. Plus d'oiseaux. Le silence. Sauf.

Froutch-froutch-froutch.

L'homme se déplaçait, d'un buisson à l'autre, approchant de sa proie embusquée.

Les lèvres de son visage usuellement placide se pincèrent d'irritation. Plus loin, parmi les trolls ou les hommes lézard, peut-être choisirait-il ce moment pour mettre sa vie en danger, pour compromette sa chasse, ou pire, passer à l'assaut alors qu'elle devrait combattre trois ou quatre créatures à la fois. La duplicité des Systériens, pour la sauvage, n'avait plus à être prouvé. Dans la plaine, alors qu'elle se redressa de son embuscade chasseresse, elle énonça haut et clair.

-Qui es-tu. Et que veux-tu.


Post by Adalard Dranem A.K, OdS - October 5, 2011 at 8:28 AM

Ambiance musical

Une femme Ngulendi de la basse-ville, néanmoins l'homme était lui-même né en basse-ville. Il connaissait relativement chaque recoin, ce n'était pas difficile de suivre la femme. Ce qui était difficile, cependant, c'était qu'elle ne le remarque pas. Il continuait de la suivre dans sa journée qui semblait être comme les autres. Tandis qu'il l'a traquait, toujours en basse-ville, il la vit tourner la tête vers lui. Alors qu'elle allait se retourner, comme si elle avait senti sa présence, il serra la main d'un homme de la basse alors, le saluant avec plus d'amitié que l'homme en question n'aurait pu entrevoir. Le bluff avait ses chances, pour ce coup. Ça devenait risqué et il ne connaissait cette femme que très peu. Il continua donc de la suivre avec un peu plus de distance, par prudence. L'avait-elle remarqué et feignait de ne pas l'avoir remarqué ? .. La question se faisait entendre dans son esprit, jusqu'à ce qu'elle quitte la ville. Il ne fit alors que se concentrer à la suivre, jusqu'aux ostards.

**Elle a tout d'une femme de la basse, qui chasse pour sa nourriture.. Hm.. Je dois tenter quelque chose. Les chances qu'elle soit en lien avec Belial en valent le coup. **

Alors qu'il était relativement camouflé, il mit le pied, effectivement, volontairement, sur une branche. Qui craqua suffisamment fort que non-seulement elle l'entende, mais les ostards aussi. Ce qui les alarma et les fit s'enfuir à toute vitesse alors, il en profita pour se rapprocher d'elle, se plaçant de dos à un arbre suffisamment imposant pour le cacher. Le silence tomba néanmoins pendant qu'il se déplaçait, concentré à ne pas se faire voir. Il n'avait porté qu'une moindre attention aux ostards sauvages, ne serais-ce que par l'ouïe.

- Qui es-tu? Et que veux-tu ?

*Un silence dura, un de ces silences lourds. Ce non-bruit qui semble durer si longtemps, mais qui est pourtant si court, lorsque l'on attends une réponse. La silhouette noire sortie alors de sa cachette improvisée, comme s'il venait de se faire prendre. Il avait un katana en sanguine pendouillant à sa ceinture, qu'il dégagea de sa cape. Sa main se posa sur la garde de celle-ci, tandis que son regard se posa sur la main de son éventuelle interlocutrice, elle aussi armée. Ses yeux mi-camouflés par l'ombre de sa capuche se posèrent vers Adjayakee, il la fixa un moment dans ce silence perturbant. Il rétorqua finalement d'une voix qui n'était pas la sienne; un talent qu'il avait apprit alors qu'il était parmi les mercenaires; un talent qu'il n'avait pas oublié après tout ce temps. *

- Vous êtes soupçonnée en ce qui concerne la disparition de Norah Aubryel. En ce qui concerne qui je suis, je suis la personne sensé la retrouver.

*Ses valeurs n'étaient pas bafouées, lui qui avait promit honnêteté face à Thaar la conservait malgré tout. C'était les pensés qu'il eut d'abord eut, à la fin de ses mots. Jusqu'à ce que ses iris se posent autour alors calmement. Il n'avait pas songé à la possibilité d'une embuscade, et il savait ce que Belial était capable de faire. La pensée que le démon puisse être autour alors, invisible, le fit serrer sa garde lentement, mais ce fut le seul mouvement qu'il laissa paraître. *

- Je vous écoute.


Post by Adjakyee, Ind - October 5, 2011 at 6:00 PM

La silhouette s'était enfin déclarée. Tout, en la posture de l'homme, signifiait la menace. Tentait-il de l'intimider? La silhouette demeura placide, main sur son pommeau, comme au gré de ses chasses.

-Norah, je l'ai toujours ramenée en ville. Toujours. Elle est partie et ne m'a pas prévenue. Pas plus que personne, de ce que j'ai su. Son bien le plus précieux, sa fiole de concentré de lave, n'est plus chez elle. Alors c'est qu'elle l'a prise. Et, qu'elle est partie.

Et, elle non plus, n'avait pour précepte de mentir, bien qu'évidemment elle se doutait que le Systérien ne donnerait pas foi à ses propos. Adjakyee l'avait toujours ramenée en ville. Et jamais Norah n'avait prévenu Adjakyee de quoi que ce soit. Évaporée, avec sa fiole.

Ils étaient seuls, apparemment. Belial avait sans doute des préoccupations bien plus hautes pour se soucier d'une chasse qui nourrirait à la fois les pauvres, les employés de la Rose et deux dragonneaux.

Suite à ses paroles, Adjakyee laissa filtrer un autre silence pesant. Silence qui ne semblait guère l'incommoder. La chasse, le combat, la croisée des chemins avec des ennemis étaient son pain quotidien. Même les Systériens qui la méprisaient de leur hauteur civilisée, en leur ensemble, étaient pour elle des ennemis en puissance qui ne se déclaraient pas. Le pur découvrait une créature, qui semblait se faire, concrêtement, le reflet des dogmes de Vaerdon. Son corps barré de cicatrice lui signifiait qu'elle en avait vu d'autres, qu'elle avait passé par bien des épreuves. Et alors que le regard obscur de la femme à peau sombre le vrillait, il pouvait deviner qu'elle le percevait comme une autre de ces épreuves. Qu'elle ne craignait pas de confronter.


Post by Adalard Dranem A.K, OdS - October 6, 2011 at 8:46 AM

Ambiance musicale

"Plus Belial à d'alliers, plus il est facilement traçable."

*Le prédateur et la proie, lequel était-il parmi ceux-là ? Était-il le prédateur d'Adjayakee, de Belial, ou encore la proie de ce dernier ? C'est d'un regard analyste qu'il jugea chaque chose qui venait de la femme en avant de lui. Il détailla son expression faciale, comment se tenait-elle.. Et il vit une femme qui n'avait pas peur, ou qui ne le montrait pas. Il savait cependant reconnaitre la peur dans les yeux de quelqu'un, et celle-ci n'en montrait pas un moindre signe. Elle était fort probablement en un territoire qu'elle connaissait. Elle répondit cependant à sa demande, et chacun de ses mots résonnèrent dans son esprit, alors qu'il y réfléchissait. Une sorte de schéma se forma dans son imagination, rapidement, presque en même temps que les mots de la femme. Après tout, elle avait devant elle, sans le savoir -encore, un des très bons enquêteurs de Systéria... Qui avait ses méthodes bien à lui; cette situation en était la preuve. *

Elle ne refuse pas de répondre. Elle me signale que Norah est partie volontairement: Les chances d'Alliance entre Norah et Belial passent à 40%. Il est possible qu'elle mente. Si Norah n'a vraiment avertie personne de son départ, soit elle désirait éveiller les soupçons, soit elle n'a pas songé à son plan. Dans le premier cas, c'est qu'elle a été forcée de quitter rapidement et est peut-être en danger.

*À la fin des mots de la chasseuse, elle put entrevoir la bouche de l'homme encapuchonné s'entre-ouvrir un peu. Une nouvelle pensée venait de naître en lui, à laquelle il n'avait pas songé. Il demeura encore tapis dans le silence, par la suite, ce silence qu'elle semblait bien supporter. Il devait en profiter pour réfléchir, ses prochains propos dépendraient de la conclusion de sa réflexion. *

Est-elle forcée.. Le sont-elles ? Est-ce que Belial l'a soumise au silence, menaçant de la tuer dans le cas contraire.. Hm.. Je dois en savoir plus, mais ça m'est impossible avec cette couverture dans les circonstances actuel. Je n'ai pas le choix, de toute façon.. Oui, c'est le mieux.

*Le silence dura encore un moment. Son regard la fixait droit dans les yeux, et l'inverse était vrai aussi, apparemment. Elle n'hésiterait pas à combattre en cas d'affrontement, vraisemblablement. Il ne voulait pas en arriver là, ce n'est pas elle qu'il désirait affronter, et son arme n'offenserait que le mal, que le démon. *

- À quand remonte le dernier jour où vous l'avez-vu à Systéria ?

*Une question futile pour les réponses qu'il cherchait réellement, il devait néanmoins gagner du temps. Il n'était pas satisfait de ses réflexions. L'homme ne faisait absolument aucun mouvement. Il demeurait sur place, laissant simplement la brise faire osciller ses vêtements doucement. Il lui laissa le temps de répondre, cela pourrait s'avérer utile malgré tout, ne sait-on jamais. Puis, sans laisser un nouveau silence prendre place cette fois, après qu'elle eut répondu, il vint lui dire calmement: *

- Vous êtes aussi soupçonnée d'allégeance envers Belial, fils de Bérith, démon. Ce n'est pas de votre regard que je camoufle mon visage, mais du sien. Je ne suis pas le seul qui vous suivra, étant donné que vous faites partie des suspects.

Quels avaient été ses réflexions pour cette fois ? Peut-être avait-il prit une chance en mentionnant cela. Il ne posa néanmoins aucune question concernant le dernier point, il semblerait qu'il avait dit cela à titre informatif. Bien que malgré tout, il resta ainsi devant elle, ne déviant pas son regard de la réaction de la supposée suspecte, particulièrement les endroits où ses yeux se posaient si ils quittaient son regard à lui. Il venait, pour sa part, de jouer une carte. Il désirait savoir si son interlocutrice attendrait le prochain tour, ou si elle avait elle aussi une carte à jouer.

Il venait à la fois de lui avouer la possibilité d'un lien entre elle et Belial, qu'il n'était pas seul à la traquer, et qu'il y avait plusieurs suspects. Où désirait-il en venir, exactement, bluffait-il ? Néanmoins bluff ou non, maintenant qu'elle savait cela, si elle ne montrait aucun signe d'allégeance, en se tenant loin de Belial, montrerait qu'il est possible qu'elle tente de le cacher, tout comme il serait possible qu'elle n'en est aucun lien. En contre-partie, si elle s'approchait de Belial, puisqu'elle sait qu'elle est suivie par plus d'un, montrerait qu'elle désire collaborer tout en la protégeant du danger éventuel qu'elle brise le silence forcé du démon -si c'était le cas. Le paladin avait placé ses pions en bonne posture.

Son expression faciale, tant qu'à elle, demeura de marbre. Une expression relativement vide, surtout qu'à moiter visible seulement. De ce qu'elle pouvait voir de l'homme, c'est qu'il avait une posture quand même imposante et qu'il semblait suivre des entraînements rigoureux. Lors d'un mince coup de vent, néanmoins, peu de temps suite à ses dernières paroles, la femme put percevoir le vert clair des yeux de son traqueur, l'espace d'un court moment.


Post by Adjakyee, Ind - October 6, 2011 at 6:29 PM

Elle jaugeait son poursuivant. Toujours placide, toujours sereine. Lui, malgré son visage impassible, semblait perdu en ses pensées. Il finit par parler.

La première question. Quand l'avait elle vue pour la dernière fois? Elle ne dit rien de plus que la vérité.

**-Lors de son établissement. Asphaar Méliamne était là. Il y a plus d'un mois. Peut-être deux. Je n'ai pas compté les jours. **

*Nouveau silence. *

**- Vous êtes aussi soupçonnée d'allégeance envers Belial, fils de Bérith, démon. Ce n'est pas de votre regard que je camoufle mon visage, mais du sien. Je ne suis pas le seul qui vous suivra, étant donné que vous faites partie des suspects. **

Elle s'était un peu raidie, incertaine. Avant d'énoncer, en un souffle.

-Car je n'ai pas fui comme une pleutre? C'est ma voie de ne pas craindre les épreuves, si je l'avais fait j'aurais été une honte à mon clan, à ma tribu, à mes proches et à Nagh'Ar'Ang que vous nommez Vaerdon ici. Car mon seul contact avec ton démon s'est fait au volcan. C'est là seule fois où ces yeux, en même temps que ceux de Dhoques, Niiii-moraaaaa ou Norah l'ont vu.

Elle désigna ses prunelles de son doigt ganté, accoutumée au langage gestuel plutôt qu'aux paroles, comme l'étaient beaucoup de chasseurs tribaux. Néanmoins, elle poursuivit son récit, faisant un effort.

Je ne l'ai pas caché. Je ne saisis pas pourquoi, affranchie depuis peu, tu crois que je me serais précipitée pour devenir l'esclave d'un autre. J'ai déjà eu tous les maux du monde à me libérer du lignage des Lunenoire et, par alliance, De Nogar. J'ai été la chose de ceux-là. Maintenant, je suis libre.

En ces circonstances, en descendant dans le volcan, je l'ai suivi pour comprendre et pour voir. Il faut connaitre ses adversaires, pour s'y mesurer. Il ne s'en est pas pris à moi, à Dhoques ou Norah. Niii-moraaaa avait fui avant. Mais j'étais prête. Nous l'avons suivi, pour le voir terrasser un autre démon, un rival. Je me suis éprouvée ce jour-là. Je n'ai pas eu peur de porter la lame contre un démon dit aussi, sinon plus puissant que Belial. J'ai gardé l'oeil de la créature, au cas où. En me disant que ça pourrait peut-être servir. Personne n'est venu pour le prendre bien que je l'aie fait écrire à Niiii-moraaaa. Les paladins étaient passés au volcan, elle avait dit, alors sûrement ils avaient le nécessaire et besoin de rien de plus. Jamais plus personne ne m'a reparlé du volcan. Même pas Niii-moraaaa qui n'a jamais réécrit.

Bref. Quand Belial a eu fini, il a voulu menacer. Alors je l'ai défié. J'ai dit que je n'avais pas peur de me mesurer à lui. C'est vrai, je n'avais pas peur. Même si je sais qu'il est bien plus fort que je le suis, qu'il aurait vite eu raison de moi. Mais Dhoques et Norah auraient pu fuir. Cela leur aurait donné le temps nécessaire. J'aurais été prête, à foncer. À leur demander de fuir.

Mais. Ce sont mes mots, et les mots n'ont pas de valeur. Ainsi, tu pourras vérifier près de Dhoques et Norah, enfin... quand elle reparaitra. Si elle reparait. Je suis inquiète pour elle. Et j'espère qu'elle va bien et qu'elle est en lieu sûr. Et si mon espoir est fondé, car c'est un espoir, je ne suis pas sûre d'espérer qu'elle reparaisse, pour tomber dans les griffes d'un homme voilé qui lui veut sans doute du mal.

Elle fit une pause, reprit son souffle, peu usée à être si loquace. Avant de poursuivre, d'un ton toujours égal, pas même surpris. Elle était habituée, de la part de beaucoup de Systériens, à recevoir le pire. Le mépris, les doutes, l'inquiétude, l'inimitié ou l'aversion avaient été si longtemps son pain quotidien à Zanther et au Manoir de Nogar que plus rien de cette trempe n'arrivait à l'étonner ou l'effrayer.

-S'il y a suspicion, alors pourquoi aucun homme de loi n'est venu m'emprisonner, me tuer? Un doute suffit pour mourir, à Systéria, c'est ce qu'on m'a dit. À moins de savoir payer. Et je n'ai pas d'or et je n'en veux pas. Mais peut-être que ce doute vient seulement de toi. Mais je comprend, les Systériens sont prompts à juger, et le mal est facile à désigner, en ce qui ne leur ressemble pas. Sauvage, impur, sans âme, étranger, cela est souvent la même chose pour plusieurs que j'ai pu croiser. Tu es Systérien jusqu'à la moelle, cela se voit.

Et ta quête... elle ne m'étonne pas. Et au vu de ce que les crieurs ont annoncé, tout le monde retourne jusqu'aux pierres et aux flaques d'acide pour voir si Belial ne serait pas dessous. Pourtant... tu n'as pas l'air d'un nécessiteux. Non, tu n'es pas un homme qui vit les épreuves de la Basse, toi qui est drapé de tissus fins, qui a l'air bien nourri. Peut-être est-tu un homme de la Moyenne qui veut garder sa réputation en faisant endosser les ignominies que tu commettras aux gens de la Basse. Ou peut-être es-tu juste cupide. Le temps me le dira, me dira qui vous êtes, puisque toi et tes amis, camarades ou alliés formulez le voeu de me suivre sans cesse.

Elle fit une nouvelle pause. Et conclut, clairement

Ainsi, comment puis-je dissiper tes doutes et tes suspicions, et espérer pouvoir réussir une chasse à nouveau, sans ta présence pour la compromettre?


Post by Adalard Dranem A.K, OdS - October 9, 2011 at 3:50 AM

*On pouvait effectivement lire dans les yeux de l'homme une certaine incertitude, peut-être était-ce dû au fait de lui dire les soupçons qu'il avait vers elle. Il n'avait toujours pas bougé, et ne bougea pas plus pendant que la Ngulendi parlait. Il semblait cependant attentif à chacun de ses mots, à chacun de ses dires, à tout les choix de mots qu'elle utilisait. Il buvait littéralement tout ce qu'elle disait, bien qu'il demeurait avec cette façade de marbre en lieu d'expression faciale. Une fois qu'elle eut terminée, il renchérit, de façon tout de même calme. *

- Vous m'avez dit ce que je désirais savoir. Si je vous ai suivi durant quelques jours, c'était afin de vérifier la véracité de ce que vous me dîtes maintenant, néanmoins rien ne dément ou ne prouve ce que vous avancez. Je ne peux donc que laisser les chances de suspicion envers vous tel qu'elles sont.

*Il marqua une pause, un instant, puis continua. *

- J'ignore si un doute suffit à tuer, mais je sais que je n'ai pas l'intention de mettre fin à vos jours. Si vous voulez mettre fin aux suspicions qui pèsent contre vous... J'attends de vous que vous nous meniez à l'Antre de Belial, peu importe le moyen que vous utilisez pour nous y mener. Si vous faites cela, ou si qui que ce soit que vous connaissez fait cela.. cette personne se verra effacé de tout soupçons, pour son aide. Comprenez que je prends encore en considération la possibilité que vous soyez alliée à Belial, ou complice d'un allié.

*Il resta ainsi à la regarder un court instant. Puis il tourna les talons à 90 degré, arrêtant son demi-tour alors qu'il réfléchissait, puis ajouta avant de s'en aller en marchant sans se presser. *

- Au fait, je suis né en basse-ville, et je ne veux pas de mal à Norah. Je désire la protéger d'elle-même, justement.

*Si elle désirait l'arrêter tandis qu'il s'en allait, c'était faisable, bien que la femme risquait de profiter de cela pour enfin faire sa chasse, ou quoi que ce soit qu'elle désirait faire.. *


Post by Adjakyee, Ind - October 9, 2011 at 9:26 AM

-...Si vous voulez mettre fin aux suspicions qui pèsent contre vous... J'attends de vous que vous nous meniez à l'Antre de Belial, peu importe le moyen que vous utilisez pour nous y mener. Si vous faites cela, ou si qui que ce soit que vous connaissez fait cela.. cette personne se verra effacé de tout soupçons, pour son aide...

Quel paradoxe : mettre fin aux suspicions en prouvant la culpabilité. Sans quoi la suspicion serait éternelle. En cette hypothèse, pas de place pour l'innocence, encore moins pour la paix. Ainsi, la femme assumerait un quotidien hanté de silhouettes sombres, plus ou moins subtiles, à ses trousses. La silhouette s'en fut. Laissant la femme timorée, incertaine. Elle vivrait au côté de ceux qui se disent ennemis, dans les doutes.

Les chasses n'étaient pas très fructueuses. Il suffisait de soulever un iris ou un chrysanthème pour y voir surgir la silhouette de son poursuivant dessous. Derrière elle, les branches craquaient souvent. Le gibier fuyait souvent.

Les nuits n'étaient jamais longues : elle ne voulait pas laisser un instant de vulnérabilité à ses poursuivants qu'elle devinait tapis dans l'ombre. Elle sondait le silence, les parages, se méfiait même lorsqu'elle ne devinait personne.

C'est ainsi, après quelques jours de ce rythme infernal, que la femme hagarde surgit au domaine de Garibald Adalard. Elle attira à sa suite un ostard sauvage, qui flairait les parages, et créature agressive, fondait sur tout ce qu'il flairait. Elle le distançait, le laissait aller à ses trousses, jusqu'aux grillages en espérant qu'il s'intéresse à un poursuivant qu'il devinerait.

Le séjour débuta par une razzia dans le jardin. Car la femme était épuisée, mais surtout affamée. Sa démarche chaloupée, alourdie, trahissait peut-être son état terrible. Elle se réfugia ensuite dans une petite casemate, l’entrepôt, pour se laisser choir, rompue et épuisée, à une nuit de sommeil interminable à même le parquet. À l'éveil, elle trouva Garibald. Et il la trouva aussi, changée : plus craintive, plus sauvage, plus acerbe qu'avant encore. Elle l'incita même à murer un trou qui jouxtait sa demeure, formulant le voeu ouvert qu'un de ses traqueurs y fut terré. Puis, les deux Nguelundiens se prirent à errer d'abord de par les bois. Puis à discuter. Ce qui fut dit, dans une masure, n'était guère audible des grilles du domaine.

Néanmoins.

La femme quitta la demeure précipitamment, laissant même là un de ses maigres bien, sa lance parée d'un enchantement. Elle s'en fut vers la Basse, où elle était vouée à recroiser l'homme. La discussion se poursuivit, d'une voix inquiète et tempérée. Puis, la noire créature quitta la ville seule, se dirigeant vers le volcan... pour mieux retomber sur Garibald, qui l'avait encore suivie, ébranlée mais dure qu'elle demeurait.

Son visage était fermé. La fatigue s'y lisait encore, quelque chose la grugeait, mais en son regard, une détermination neuve, comme le reflet d'un sursaut d'orgueil. Elle se ferait digne de Vaerdon, ou mourrait en essayant, en endossant seule ses épreuves, lui avait-elle laissé deviner.

La noire femme avait toujours perçu le monde comme un milieu hostile, où une épreuve suivait l'autre. La vie lui avait donné ses leçons. Depuis la tribu du Fer de Lance, toujours en guerre, à son emprisonnement à Zanther. À sa mise en esclavage. À Systéria...

La suite du jour lui donna raison. Dans un milieu hostile de flammes, de souffre et de créatures avides, attendait l'amie de longue date de Garibald qu'il lui présenta en un souffle comme "Domilixia Ségal". Une femme, en somme, qui ne la jugeait digne, comme bien des Systériens et Zanthérois, que de mépris. Elle était sans doute à ses yeux une chose, moins qu'un animal. Mais la Nguelundienne ne s'en formalisa pas : on l'avait habituée à bien pire.

La noire femme se distancia de Garibald. Peut-être en profiterait-il pour retrouver cette femme qui ne percevait pas sa présence d'un bon oeil, visiblement? Elle ne l'empêcha pas, l'y encouragea même. La noire créature n'était pas de ce monde là, elle renvoyait l'homme du Clan des Adalard à son monde Systérien, civilisé, qu'elle ne lui aurait pas dû faire quitter. Ce Garibald à qui elle n'aurait pas dû imposer ses épreuves, bien qu'elle l'eut réalisé trop tard. Elle renvoya l'homme de sa race à la femme aux mèches blanches, espérant qu'ils la laissent tous deux, s'évaporent, la laissant au seul compagnon qu'elle eut voulu dans l'heure : le regret que lui imposait la contrition pour sa demande. Désormais, elle était déterminée, elle ferait chemin seule au regard du Dieu des Guerriers et Chasseurs.

Elle arpenta, émergeant de la terre sulfureuse, dégageant à cause de son séjour trop long au volcan une odeur de souffre que les démons et créatures de feu s’approprient. Elle marcha longuement. Emprunta bien des chemins sinueux que ses traqueurs à l'oeil exercé devineraient. Cherchait-elle ce qu'on demandait d'elle, l'impossible, que les traqueurs et rôdeurs les plus émérites n'avaient pas trouvé? Des grottes, des trous, des replis des bois, des couloirs miniers. Mais c'est dans la grotte jouxtant le monastère que les pisteurs, si doués soient-ils, perdirent sa trace. Plus de présence, plus de trace, plus d'odeur. Que des os blanchatres, le vide et le silence coutumier de l'endroit.

Était-ce donc la fameuse entrée de l'Antre? Ce qu'on lui imposait de trouver. Ou était-ce cette créature, que les traqueurs espéraient voir à travers elle, attirée enfin, qui l'avait emporté?


Post by Adjakyee, Ind - October 18, 2011 at 9:51 PM

La noire créature s’engagea dans un chemin obscur. Sinueux. Irréel.

Là ou, elle espérait, son poursuivant n’oserait jamais la traquer. Où, s’il l’osait, il se trouverait en grand danger.

Dans l’abime du rêve, où elle pouvait toujours se faufiler, à demi voilée aux yeux des entités extraplanaires.

Un os craqua sous son poids. Un instant, elle se maudit. Amaigrie, affaiblie par son épreuve récente. Mais toujours cette flamme terrible dans le regard. Un être ombrageux, cornu, se détourna vers elle. Et fondit, sans attendre, une lame en chaque main, sa silhouette aux contours incertains semblait se dissoudre dans l’environnement immédiat.

Sa lame se dressa au devant de la bête. Elle abattit sauvagement celle-là sur la créature. Le combat fut rude. Le duel entre les deux créatures d’ombre, qui se toisaient, se mesuraient, était difficile. Pour le noir être, cette ombre était l’égale de ce qui la suivait. Aussi terrible, menaçante, meurtrière.

Après un temps, le souffle court, le corps nappé de sang et de sueur, elle jeta l’ombre à terre. Elle découpa grossierement sa peau, s’en drapa les épaules. Et avança, ainsi fondue dans le songe, pour la plupart immergée, part du décor de celui-là.
Elle traversa l’ossuaire. Mais hélas, sur l’étroit passage en surplomb, elle se trouva vite exposée. Les flammes parcoururent son corps, chauffèrent son armure à blanc, marquant de nouveau ses chairs de brulures. Mais elle déboucha, vive, dans le dispensaire.

Un sifflement terrible s’était fait entendre. Ainsi, elle se voila. Les serpents, étaient ces Systériens, les Zanthérois, leurs soins douteux appliqués à tout va. Elle traversa les lieux. Continua son ascension sur des marches blanches et titanesques.
Descendit ensuite aux tréfonds de la structure vide de sens. Les créatures ne la virent pas, elle abaissa son crâne paré de la peau de leurs pairs. Mesurant ses pas. Allant toujours plus loin. Au devant du seigneur Cauchemardesque.

-Toi, Seigneur de ces lieux, leur âme même. Entends moi. Je veux que tu surveilles et traque mon poursuivant, aussi loin que s’étende ton empire. Dis moi ce que tu veux, je te l’apporterai. Empêche le de blesser mon fils. Mine sa raison ou son corps. Je t'en prie, j'honorerai mon engagement. Les miens paient toujours leurs dettes.

*Un râle émana de l’être, un borborygme. D’où émergeaient des paroles irréelles. *

-J’y songerai. En attendant, je veux ton sang. Ta force, ta vie.

La noire créature, un genou à terre, attendit.

Elle s’éveilla, près de l’oasis, dans la jungle dense. Couverte de sang. Épuisée, lasse. Blessée. Et la peau d’une créature d’ombre, de cauchemar, voilant ses épaules.


Post by Adjakyee, Ind - October 23, 2011 at 12:59 AM

Le rituel avait commencé par une purification, dans une source d'eau claire et pure, où la guerrière s'était baignée.

Ensuite, elle s'était logée près du feu qui vacillait, dans l'humidité de la jungle dense. Elle avait jeté sur les flammes un peu de bois vert, pour qu'un peu plus de fumée s'en échappe, l'entoure, la nimbe.

Sa voix s'était élevée, mi chantante mi gutturale dans la jungle, faisant l'apologie des esprits de la pierre, de l'air, de l'eau, de la terre et de la forêt. Les invoquant à son secours. Le corps peint de la femme trônait devant cette nuée de fumée pâle et dense.

Elle broya dans un creuset, pêle-mêle, de la mousse de sang, de la mandragore, du ginseng, en un cocktail explosif. Une leçon tirée des Inyanga de chez elle. De quoi récupérer un peu de la force des esprits qu'elle appelait à l'aide.

Le rituel voulait, tôt ou tard, que ces esprits des choses et des lieux prêtent leur force, leur endurance, leur pouvoirs, pour un jour. En contrepartie, les jours suivants, les esprits réclamaient leur dette, reprenaient un peu de force vitale à celui ou celle qui les conjurait.

Après le fastidieux rituel, elle se releva. Enfila lentement son armure. Elle était prête pour le tournoi.


Une toux creuse la prit.

Un filet de sang échappa de ses lèvres.

Elle avait déposé les armes devant le vainqueur, offert son pavois afin de lui signifier le paiement de sa défaite et la reconnaissance de sa force.

Mais les esprits étaient mécontents, que la guerrière ne les ait pas honoré correctement. Nagh'Ar'Ang, que les Systériens appelaient Vaerdon, leur commandait de lui faire payer sa faiblesse.

Ainsi, estimait la noire silhouette, les esprits se nourriraient de sa substance tant que le déshonneur ne serait pas lavée. La dette de la défaite du grand tournoi, impayée.

Elle cracha ce sang, nauséeuse, et essuya ses lèvres du revers du poignet.
Il lui fallait vivre, continuer. Racheter sa défaite, sa faiblesse.

Survivre à Systéria, au sang des Lunenoire, à son intrusif poursuivant.

Survivre.


Post by Garibald Adalard, Ad - November 30, 2011 at 12:23 AM

Le temps c’était écouler, en jours, en semaines, en mois…

Les deux noirs silhouettes ne s’étaient pas fréquenter depuis près d’une longue année. Mais le destin étant se qu’il est. Il parvint parfois à réserver certaine surprise, cacher derrière l’amertume d’évènements que l’on aurait espérer plus heureux. Qu’importe la teneur qu’il aurait été.

À cette croisé des chemins, là ou toute chose avait débuté au préalable. Les Nguelundiens d’origine reprirent contacte. Les circonstances certainement étranges. L’homme avait une demande pour cette femme, en qui qu’il savait, aurait pleinement confiance en sa discrétion. Se service qu’elle accepta, n’était que le début d’une étrange série de péripétie. Qui les mena bien loin du but premier de chaqu’uns…

Les pas de l’Adalard, l’avaient mener de plus en plus loin de la citée. Ses allés, sporadique. La ville aux murs de pierres, y cachait désormais à ses yeux fort moins de richesses qu’avant, auxquels il aurait été tenter à convoiter. Sa chaumière, son domaine. Désormais vide de vie, si retrouver seul à nouveau ne lui convenait pas d’avantage. Les expéditions se succédèrent alors, qu’avec de rares visites. Cette comparse, il si joignait ou encore elle, de manières plus fréquentes. Le lien brisé, cette confiance dérober. Avait repris avec le temps, ainsi reclus dans les terres sauvages. Après tout, exposer aux dangers de la sorte. Ils ne pouvaient que faire preuve de camaraderie pour subsister, tout en se faisant une confiance démesurer l’un envers l’autre.

Une proposition, une offre ou plutôt une demande fut de nouveau demandé par la femme portant le surnom d’Adjakyee. Il ne pouvait refusé, il ne le devait pas. La règle du jamais deux sans trois, devait ne pas prendre racine ici. Il accepta, sur le moment. Sous la pression exercer de ne pas rompre une promesse qu’il s’était faite. Non pas qu’il chérissait l’idée de voir la noire femme prendre gîte chez lui, accompagner de son tout jeune enfant. D’une main la stoïque personne de l’autre un bébé qui n’était pas sien. Toute fois, comme écrit si haut il accepta sans réserve, sans ne rien démontrer. Son savoir serait mis au profit de la noire femme durant son séjour et sa protection émis à l’endroit de l’enfant.

(…)

Les rires d’un enfant, le sourire de l’une (rare mais parfois). Le bruit et les éclats d’un feu d’artifice. Voilà se qui se produit, deux saisons plus tard. Tout ceci, aussi surprenant qu’il en paraissait aux yeux du bougon au naturel. Il si surpris à si plaire d’avantage qui ne l’aurait songé à la base, même.

Pour dire que parfois le destin nous joue de drôles de tours…


Post by Adjakyee, Ind - December 5, 2011 at 7:46 PM

**-MA VERTE. **

L'Adalard se gratta la tête, fronçant les sourcils, perplexe devant l'enfant en pleurs. Qu'est-ce que le gamin pouvait bien vouloir! Et sa verte, quelle verte? Réclamait-il Erkha, trop souvent connue sous ce nom? Certainement pas.

Maintenant que le gamin articulait quelques mots : "Gari", "Mama", "'Verte", "T'ame", "'Core"... encore fallait-il le comprendre.

La noire femme s'en fut repêcher, dans la rivière, la couverture de peaux rejetée dans une crise de larmes du gamin, au moins semblait-elle y entendre quelque chose. Étreignant la couverture, sans considération pour son état mouillé, le gamin s'en trouva vite calmé.

Entre les élans d'affection, les crises de rires, et les crises de larmes, Garibald goutait aux joies de la paternité (bien qu'il eut parfois visiblement préféré retourner affronter un carnassier sans armure, au moment des élans de colère du gamin). Le contraste entre l'expressif enfant et la stoïque femme était d'autant plus marquant (et il y avait fort à parier que l'homme aurait sans doute préféré que les caractéristiques soient inversées), et Garibald ne manquait pas de bénéficier des élans d'affection du garçonnet, qui, comme tout enfant de son âge, succédaient rapidement aux larmes.

L'enfant à la peau sombre, aux cheveux crépus, mais aux prunelles étrangement dorées, avait en tout les cas beaucoup de l'homme qui l'avait pris à charge, ou bien était-ce héréditaire? : l'expression vive, le caractère fort, la colère flamboyante, la nature énergique et la tendance aux élans soudains et excessifs.

Il faudrait encore voir, comment le petit monstre grandirait.


Post by Rakshäsa'Kali - October 12, 2012 at 7:38 PM

Bas les masques.

Discrète, elle avait observé les actions de Diablotine. Mais elle n'avait su adhérer à son discours, visant à convaincre les hommes de la légitimité d'existence de ce qui était... différent. Sans surprise, elle avait vu les paladins, trop souvent surpris en plein délit d'omniscience, s'activer. Et elle s'était félicitée, pour avoir conservé un profil bas, alors que la cité repoussait une perche tendue.

Les humains, les civilisés, rêvaient d'asservir, ou annihiler, ceux qui différaient d'eux. Cela était toujours, cela avait toujours été. Et, plus que pour aucune autre, cet état des choses était ancré en sa chair, en son sang. De par sa naissance, au pied du mur séparant Nguelundi de Zanther. De par ses combats dans la tribu du Fer de Lance, qui, pour lutter contre les colonisateurs et conquérants, avaient autrefois appelés à eux le secours de ce que les fervents thaariens conspuaient, désignaient comme... démons.

Alors que Gardtalang requerrait d'elle, sa shaman, une solution à son... féminin, et épineux problème, elle lui répondit la chose suivante, en lui tendant une mixture blanche, dans une calebasse, grâce à laquelle il sentirait un peu plus de force, de virilité, s'instiller en lui s'il la buvait.

-Prends ceci. La magie de Belial est forte. Un sortilège de la sorte aurait dû se dissiper, depuis longtemps. Les esprits agiront, auprès de toi. Petit à petit, quand tu prendras cette mixture, tu regagneras ta virilité d'antan. Les esprits m'ont soufflé qu'avant ta fin, avant La Fin, tu reprendrais ta vraie forme. Je t'ai laissé une réserve de ces mixtures. Je vais au volcan. C'est aux esprits du feu, que j'en appellerai. À bientôt, Gardtalang. À bientôt. Le Destructeur garde un oeil sur toi.

La femme noire se redressa. Le chatoiement de la pyrolithe rompait avec sa peau d'ébène. Sa voix porta, dans le campement, en direction de son fils, qui s'entrainait avec les barbares, empressé d'en découdre à son tour quand les légions l'atteidraient, peut-être.

-Yoreng. Il est temps. Temps de t'instruire, sur la communication avec ce qui nous dépasse. Sur une autre réalité. Avec ce qui au delà, ce qui prévaut sur l'ordre de ce monde. Ton apprentissage n'a que trop tardé.

-Où vas-tu, shamane?

*Avait interjecté le barbare avec lequel Yoreng échangeait quelques passes d'armes. *

-Là où je me dois. Là où je suis guidée. Là où je sais que je pourrai en appeler aux bons esprits. Où le Destructeur m'entendra. Que le courage ne te manque pas, là où ton devoir sera. Il ne me manque guère plus, quand vient l'accomplissement du mien. Fais mes adieux à Garibald, pour moi. De là où je vais, où nous allons, je ne reviendrai pas.

Les deux silhouettes s'évanouirent, celles de la femme et de son fils adolescent, dans les environs du campement, se fondant à travers la forêt opaque.


Les pas avaient pris la direction du volcan, et, à un moment, s'étaient évanouis, non loin d'une citadelle, le Mont-Péril.

Dès lors, on ne reverrait plus, assurément, Adjakyee, l'esclave émancipée, fouler de nouveau le monde. Jamais plus, elle ne serait Adjakyee, elle ne serait plus alors que Rakshasa'Kali.

Elle ne reparaitrait plus que sous cette forme transcendante, qui faisait d'elle un paria dans un monde, et une reine dans l'autre.


*Sur une petite ile, isolée, un Imp noir vint à sa rencontre. *

-Le Seigneur vous...

-Je viens au devant de lui. J'attendais un signe...

*Elle porta la main au collier d'ossements rouges, qui ne quittait pas son cou. *

-...depuis si longtemps.

Son autre main, doucement, se posa sur l'épaule du jeune garçon à la peau d'ébène. Qui toisait l'imp, avec défiance.

-Yoreng, la vérité s'étalera bientôt devant toi. Je t'ai souvent dit qu'en toi couvait une puissance rare, que tu étais exceptionnel. Il est plus que temps, que tu saches pourquoi. Viens.

L'ébène du derme s'était mué en obidienne. Les entrelacs légers d'un tissu arachnéen avaient remplacé les peaux. À son dos, s'accolaient deux ailes. La silhouette féminine guida le garçon à travers les couloirs de pierre sombre et mate, du Palais désormais vidé en partie des légions les plus impatientes.

Elle était là. Elle le serait toujours. Ainsi qu'elle l'avait promis, autrefois.


Post by Rakshäsa'Kali - October 12, 2012 at 7:52 PM

*En arrivant dans la salle du trône, elle avait courbé l'échine. Elle avait laissé Yoreng derrière, en compagnie d'Ascik. Il aurait tant à découvrir, à apprendre. Il lui fallait voir le prince des lieux, avant de lui présenter son jeune fils. Lui en voudrait-il, d'avoir préféré le monde des hommes pour refuge? Lui en voudrait-il, de s'être montrée prudente, si prudente, pour le salut de Yoreng? Un pincement d'angoisse couvait en elle. *

-Relève toi. Une reine ne devrait pas se courber, ainsi.

Et elle se redressa, sondant ses mires d'ambre de ses prunelles noires. Doucement, elle esquissa un sourire. Ils parlèrent longuement, dans la salle peuplée de démons colossaux, les généraux de Belial, présents de corps, menant par l'esprit leurs légions sur la lande. Le démon écarlate indiqua d'un geste une présence familière. L'être bleuté, le démon bleuté de Nguelundi, Tzam'hamseh, dit le fléau des âmes. Sans paroles, ils échangèrent. Le protecteur de sa tribu était encore actif. La tribu du fer de lance avait débordé le vaste mur. Le triomphe sur les tyrans de Zanther la rendit fébrile.

La fin du monde, ainsi qu'il était connu, était synonyme de justice vengeresse.

Peu après, le Seigneur des lieux et sa reine se retirèrent en leurs appartements. Ils avaient encore beaucoup à dire. Belial relata son histoire. La femme peu expressive habituellement s'émut des déboires du démon, se navra de ses défaites, ressentit ses douleurs et sourit au récit de ses triomphes.

Le fait qu'il fut son libérateur avait lié leurs destinées profondément, ils en étaient venus à respecter leurs forces respectives, et s'étaient ainsi entichés l'un de l'autre, avec cette passion curieuse et dévote qu'ils se réservaient. Ainsi, alors que le démon écarlate lui présenta sa requête, son idéal de pureté, jamais elle n'aurait pu rechigner. Après une nuit de cauchemar, à revivre ses défaites et à vivre ses hantises, elle serait plus près de lui que jamais. Plus que jamais, elle serait alors son égale. Plus que jamais, elle serait forte et entière.