Les petits Bergers...

Les petits Bergers...

Post by Baptiste Berger - January 26, 2012 at 5:20 AM

BAPTISTE BERGER !

Mes fesses se serrent. La mâchoire qui se crispe à un point où mes dents veulent briser. Quand la mère crie le nom au complet c'est mauvais signe, faut faire vite, car si le père s'en mêle, je vais devoir épuiser mon répertoire de prières.

BAPTISTE BERGER ! T'AS INTÉRÊT À RENTRER DE SUITE OU TU VAS TE PRENDRE TOUTE UNE FESSÉE !

Je salue la bande, je détale.

Le garçon d'une dizaine d'années, à peu près, détale comme un lièvre devant le renard. Bouscule un mercenaire au passage, qui lui grogne de faire attention, une vieille dame qui en perd ses courses et saute par dessus un chat qui feule après avoir les griffes qui ont sculptées le sol. Il s'en moque. Rien n'est plus effrayant que le décompte qui sonne le moment où la fessée va venir.

Il est en retard.

J'entre dans la maison. Le ciel est rose, je sais que j'ai raté le dîner. Maman m'attends, le torchon sale à la main, les bras croisés. Si elle est au pas de la porte, c'est que papa est à table. S'il est à table, c'est que j'ai gaffé. Je prend mon air le plus moche, le plus triste, le plus morveux. Si je fais pitié, ils vont peut-être m'épargner. La bouche qui descend comme un fer à cheval, je m'invente une morve au nez, et je reniffle. Mais mon cinéma ne fonctionne jamais aussi bien que celui de ma petite soeur. Ma mère me prend à l'oreille, je le sens, la soirée vas être douloureuse...

La mère prend l'un de ses nombreux mioches par l'oreille. Le visage du gamin devient aussi rouge que ses cheveux, que ses taches de rousseur qui recouvre son visage presqu'entièrement. La porte de la petite maison claque. Ça n'empêchera pas les cris et le bruit des coups de traverser les murs, mais au moins, ça amoindris le spectacle aux curieux. Dans la chaumière, le garçon est forcé de s'agenouiller dans un coin, le chapelet dans les mains, le père prend sa cravache. Le gamin se prendrait vingt coups, pour n'avoir pas rentré à temps pour le dîner.

Je sens le cuir me mordre le dos et les fesses, et j'énumère les prières...

"Je vous salue Thaar"... Jusqu'au "Béni soit tes louanges"... En passant par "Notre Justicier qui est aux cieux"...

Je dois pas pleurer, mais je me mouille les joues pareil. Je dois pas pleurer, sinon j'en aurai plus. Je suis un gars, un vrai. Je suis un gars, et les gars, ça pleure pas. Juste un regard de biais vers Adèle. Elle me sourit. Je sais que c'est pas pour me narguer. C'est un sourire qui veut dire "t'en fais pas, c'est presque fini".

"J't'avais dit de rentrer à l'heure du porc, où c'est que t'étais passé, bonté divine ! T'as ramené quelque chose, j'espère ?"

La voix nasillarde de la mère bombarde le gamin, comme la cravache l'avait fait juste avant. Bien sûr, le petit n'avait rien. Il avait tellement été saisi en entendant son nom, une demi heure plus tôt, qu'il en avait échappé le peu de pécunes qu'il avait trouvé dans sa journée. La journée se finirait avec un repas en moins, pas de bain, et...

Une poule qui couve dans mon lit. Manquait plus que ça. Voilà, il faudra attendre qu'elle ait fini de pondre, sinon on aura pas d'oeufs demain. Pas de couche pour ce soir, je vais devoir me contenter du sol, sous la table. Avec le chien. Fallait pas miser aux dés. Si papa l'avait sû, j'aurais eu bien pire. Je soupire et me tourne. Je regarde les veinures du bois sous la table. Des restes de miettes sont prises entre les planches. Le chien glisse le museau sous mon bras, et je lui caresse le dessus de la tête. Soupire et ferme les yeux, demain est un autre jour...


Post by Adèle Berger - January 30, 2012 at 12:16 AM

BAPTISTE BERGER !

Ouhlalala ça allait chauffer pour un cul! Je crispe ma mâchoire un peu et je sursaute quand j'entend la daronne crier le nom de Bapti. Merde de crotte de bique il fallait que je trouve un moyen pour pas qu'il se fasse punir. Oui mais voilà... j'ai pas finit de me décrotter le nez et il y a des priorités dans la vie. Vraiment je crois que plus tard je serais vendeuse ou collectionneuse de crottes de nez, c'est si agréable de mettre le doigt de chercher dans la narine, gratter pour déterrer un trésor plus ou moins gluant à la sortie.

Je serais archéologue. Une fouilleuse, une chasseuse de trésor.

BAPTISTE BERGER ! T'AS INTÉRÊT À RENTRER DE SUITE OU TU VAS TE PRENDRE TOUTE UNE FESSÉE !

Deuxième sursaut, le gluant de ma morve bougeant avec, en attendant de trouver un lieu d'exposition je fourre le tout dans ma bouche, je sens que ça crisse un peu et qu'un morceau est resté collé sur ma dent. J'arrive pas à l'enlever, merde... J'agite ma langue devant pour la décoincer, puis j'utilise mon ongle pas très propre et je finis par l'avaler.

La petite dévale les marches d'escaliers à la volée, légère comme une plume, un an de moins que Baptiste. Elle avait héritée des même tâches de rousseurs, de yeux d'un bleu éclatant teintés d'un filet de violet. De quoi faire craquer tous les adultes. Elle n'était pas bien grande, ni très costaud, mais bon, elle compensait les aléas de la vie d'enfant par une moue boudeuse, qu'elle avait de manière constante au visage. Son premier surnom c'était bébé, non pas le bébé mais BB: Beau Boudin. Si vous dire comment elle sait bien bouder.

J'ai les yeux qui piquent, allez Adèle, pleure, pleure, avant que maman gronde Baptiste... Ma bouche retombe vers le bas, ma lèvre inférieure imite celle des babines de chameaux et je commence à la sentir s'humidifier. J'ai des larmes qui commencent à couler alors que je traverse le couloir pour rejoindre maman. Mes yeux se plissent un peu, je n'avais même pas besoin de me faire mal pour arriver à faire ça, j'étais douée, c'est tout... Mais j'étais arrivée trop tard... maudite crotte de nez... j'aurai du faire mes trouvailles après.

Et voilà une soirée à voir Baptiste se faire punir, aaah j'aimais pas ça les punitions... il prenait toujours pour deux. Le voir réciter les prières m'arrache un sourire, non je n'ai pas envie de rire, mais je le trouve fort mon Baptiste. Plus tard c'est sûr, c'est lui qui bottera le croupion des autres, vu tout le mal qu'il endure maintenant. Du coup je dois ravaler mes larmes et toute ma comédie, puis je m’assoit sans broncher à table. Il n'avait rien ramené... par la trique de Thaar il avait eu tout faux aujourd'hui...

"Et toi Adèle?"

Et mince, de nouveau une moue boudeuse sur son visage se forme, alors que la petite lève son regard sur sa mère. Mademoiselle boudin que les autres la surnommaient aujourd'hui. C'était une habitude qu'elle prenait et qui ne s'en irait pas de si tôt. C'était comme ça qu'elle arrivait d'habitude à éviter les punitions de ses frères. Alors, plutôt que de dire qu'elle n'avait rien ramené, la petite Adèle préférait jouer les naïves.

"Ben m'man, on m'a dit aujourd'hui que je pourrai faire du boudin, puis ben j'ai essayé, puis ben ça a rien donné..."

Elle marmonnait les mots, ses lèvres ramollies et humides, ses joues arrondies comme celles d'un hamster, elle les gonflait. Le jeu avait fonctionné pour ce soir, mais demain Adèle devrait trouver à manger, si elle ne voulait pas finir comme son frère privée de dîner. Après le repas, elle avait réussit à cacher un morceau de pain dans le repli de sa culotte, pour Baptiste, histoire qu'il mange quelque chose. Elle se dirigeait vers le lit de son frère aîné, en chuchotant.

"Baptiste, psss... j't'ai ram'né du pain pour grailler... Bapt...hmpfrfrm..."

Une poule!! Ba mince alors les mages pourpres avaient transformé mon Baptiste en poule!! Je reste un peu sur place en la regardant couver, puis je me dis que si un mage avait transformé Baptiste ça aurait été en coq, pas là à pondre des oeufs, vu que c'était un garçon. J'commence donc mon enquête à la recherche de mon frère dans la maison mais là... j'ai une furieuse envie de me décrotter le nez. J'agite mes narines, je renifle, puis je fourre mon doigt le temps d'un moment intime, un moment de découverte.

"Elle ressemble à un mercenaire celle-ci."

*Son doigt agile vient coller l'objet sacré contre le mur, en guise de souvenir, pour plus tard, elle l'étudierai sérieusement. Adèle finit par trouver son frère sous la table, lui offrant généreusement le pain caché sous sa robe depuis ce temps. Elle partagerait la nuit avec lui sous la table, à discuter de leur prochains mauvais coups ensemble. C'est que même dans les moments difficiles c'était tous pour un, un pour tous. *

Mais bon, pour Adèle la priorité, c'était les crottes de nez.


Post by Baptiste Berger - February 14, 2012 at 7:31 PM

Cette journée là, Baptiste avait touché le gros lot. C'était pas rien, un gros carosse noir qui déferlait dans les rues cabossées de la basse. La bande de petits vauriens s'étaient rassemblés pour regarder. Mais Baptiste, lui, s'était pris la raclée la veille. Lui, il n'avait pas mangé ni la veille, ni au matin. Baptiste, lui, il devait ramener quelque chose à la maison. Alors il ne fallu pas compter. 1 + 1 = 2 . Il poussa Nico la Crasse devant le carosse, dont l'écuyer fit freiner les chevaux juste à temps pour qu'ils ne piétinent pas le petit gros.

Les roues du carosse avaient glissé sur la terre boueuse en diagonale, on pouvait voir les marques creuses du freinage derrière. Le passager devait avoir été secoué. Baptiste, lui, il s'en moquait. Il avait vu quelque chose de brillant, et il avait bien l'intention de le prendre. Il serait un héros ce soir, et on l'acclamerait !

Nico la Crasse, lui, fit ce qu'il savait faire le mieux. Il avait fait dans son caleçon, et s'était mis à hurler sa peur en braillant comme une fille. Les autres gamins s'étaient placés autour de lui en se moquant. Le monde des enfants en est un bien cruel. Ceci dit, la voie du carrosse était complètement bouchée, l'écuyer embêté et le passager ralenti.

Baptiste lui, était penché sur une roue, à utiliser ses doigts et deux petits bouts de bois plats pour dévisser un des boulons qui la retenait en place. Un beau boulon brillant, tout argenté. Ça devait valoir une fortune ! Surtout sur un char qui portait des armoiries. Un char noir avec des armoiries toutes noires aussi.

Non, il ne savait pas à qui ça appartenait. Il n'avait pas d'éducation. Mais il travaillait bien fort à le déposséder de ce trésor...

Encore fallait-il ne pas se faire prendre.


Post by Thomas Bolton, Emp - February 14, 2012 at 7:43 PM

Le Surintendant était en pleine discussion avant Cressen lorsque le carrosse freina brusquement. Il manqua d’être projeté sur son subalterne, mais réussi in extremis à se rattraper à un des rideaux qui servait à isoler l’habitacle du reste du monde. Cet événement inattendu fit blêmir le secrétaire particulier.

« Mon dieu, monseigneur. On nous attaque en pleine Basse-Ville ! »

Le premier ministre fronça les sourcils et secoua la tête.

« Impossible, ce serait beaucoup trop tôt… », laissa-t-il planer énigmatiquement.

De sa main droite, il agrippa sa canne et vint donner trois coups secs sur une des parois pour attirer l’attention du cocher. Ce dernier ouvrit rapidement la petite porte pour rendre des comptes.

« Il y avait un gamin sur la route, monseigneur ! Je ne pouvais pas continuer ! », lâcha-t-il en guise d’explication.

Son maître le regarda sans rien dire, avant de lâcher :

« Bien sûr que non. »

D’un geste de la main, il lui fit signe de s’écarter et entreprit de descendre les petites marches qui le séparaient du sol boueux, ignorant les mises en garde de Cressen. Ce ne fut pas Nico la Crasse criant devant le véhicule qui attira son attention mais bien le petit qui trifouillait quelque chose à sa gauche. De son pas irrégulier, il vint rejoindre le gamin qui, concentré sur son travail, semblait ne pas l’avoir vu venir.

« Je peux t’aider ? », lui demanda-t-il d’un ton tranchant comme un couperet.

Et déjà la populace se rassemblait autour du carrosse comme une nuée d’abeilles autour de fleurs gorgées de pollen. Tout le monde retenait son souffle.


Post by Baptiste Berger - February 14, 2012 at 8:04 PM

S'pas moi j'vous l'jure ! C'est d'la faute au m'sieur jusse là ! Y m'a dit d'le faire !

Le gamin avait pointé un homme ventripotant qui faisait partie de l'assemblée qui se formait peu à peu autour du carosse. Choqué par le mensonge qui le pointait directement, le gros monsieur devint rouge et blême à la fois, choqué du mensonge de ce petit vaurien qu'il ne connaissait pas et des conséquences que ça pourrait lui rapporter.

"Créfieux vot' Seigneurie, ce gamin dit n'importe quoi !"

Monsieur, s'vous-plait, il va me donner la fessée, faut pas le laisser faire !

"J'te jure petit crasseux si j'trouve tes parents..."

Le gamin prit son air le plus rapiécé, cherchant à imiter sa petite soeur, à avoir la lèvre qui tremble, le nez qui coule, les yeux qui mouillent. Bon, les yeux ne mouillaient pas, mais il essayait très fort, à renifler à répétition pour que ça arrive.

Mais bon, à peine le cinéma commencé, la Crasse s'était relevé, et hurlait déjà sur Baptiste, en faisant fi du Surintendant.

T'ES QU'UN SALE PETIT MERDEUX BAPTISTE BERGER, JVAIS L'DIRE A TON PÈRE !

Nico choisit ce moment pour détaler en hurlant de plus bel, quelques gamins qui lui lançaient déjà des poignées de boue. Les autres, trop impressionnés, retenaient leur souffle en regardant la scène entre Baptiste-la-terreur et le Surintendant Bolton.

Le gamin laissa retomber ses piécettes de bois, le boulon à demi dévissé. Fallait pas que le paternel s'en mêle, mais le vieux frigide là ne semblait pas prêt de le laisser partir, que faire, que faire. Baptiste resta sur place, à fixer ses yeux brillants sur le Surintendant dont il ignorait encore l'importance, prêt à en subir les foudres.


Post by Thomas Bolton, Emp - February 14, 2012 at 8:23 PM

Le regard de Surintendant passait de l’un à l’autre des protagonistes, alerte. Son air sévère ne quitta pas son visage, quand bien même le gamin tentait de l’amadouer en essayant très fort de rendre ses yeux humides. Finalement, le silence revint. Lentement, le zanthérien tourna la tête et fit un signe à son cocher de s’approcher.

« Remettez ce boulon en place, je vous prie. »

Le ton était poli, mais sonnait comme un ordre strict. Gare à celui qui le contredirait. Mais l’homme avait l’habitude, aussi s’exécuta-t-il rapidement sans broncher. Pendant les quelques minutes qui s’écoulèrent, le premier ministre continuait de fixer de son regard dur le gamin, tandis que la foule ne perdait pas une miette de ce qui se passait.

« Tu ne manques pas de cran, Baptiste. Méfies-toi, ce genre de comportement, s’il est utile dans certaines circonstances, peut se révéler très dangereux lorsque l’on ne mesure pas toute l’importance d’une situation. »

Etait-ce un conseil ? Ou plutôt une menace ? On murmurait déjà la foule :

« Encore un petit qui va finir dans sa fosse à scorpions », hasarda une lavandière bien dodue.

« Et pendu par les pieds, en plus ! », rajouta un camelot qui lorgnait la scène, attendant du grabuge.

De sa main gauche, l’ancien duc fouilla dans une petite poche de sa tunique. Ca tintait légèrement. Il en sortit une poignée d’écus en or. Il s’approcha des petits vauriens qui restaient et leurs remis à chacun un bon tas de piécettes. Faisait volte-face, il rejoignit Baptiste, toujours fixé sur place et qui s’attendait sans doute à un coup de canne, si ce n’est plus, et lui remis à lui aussi quelques pièces.

« Ce sera sans doute plus facile pour t’acheter à manger. »

Et sur ces paroles il remonta dans son carrosse qui détala rapidement. La foule resta bouche-bée. Quant au gamin…


Post by Baptiste Berger - February 14, 2012 at 9:06 PM

Le visage de Baptiste était devenu aussi rouge que ses cheveux. Les multiples taches de rousseur disparaissant presque sous sa teinte cramoisie.

Il ouvrit les mains, certes, pour recevoir le butin. Bien plus valorisant que le boulon. Contrarié de s'être fait prendre, mais heureux d'avoir quelque chose à ramener à la maison. La foule chuchottait, surprise et avide de rumeurs et d'histoires à raconter.

Le gamin, quant à lui, bafouilla quelques plates remerciements.

M'ci.

Et il détalla, comme un lièvre sauvage, en se frayant un chemin entre les gens qui entouraient le carosse, il y a peu. Il allait montrer son trésor à Adèle et lui raconter toute l'histoire, si elle n'avait pas assisté à la scène, bien cachée. Il ferait des jaloux parmis la fratrie ce soir là. Mais ça ne l'empêcherait pas d'obtenir la raclée en rentrant. Nico la Crasse avait bien fait son oeuvre.

Baptiste allait encore prier après le dîner.