Thèses elfiques.
Post by Örme - May 10, 2012 at 11:10 PM
Le parchemin, de facture elfique, se parait d'une écriture tassée mais gracieuse, dont les lettres chantournées étalaient leurs circonvolutions à l'encre claire.
Pour l'heure, le document demeurait niché dans la toge de voyage de l'elfe à la chevelure pâle, car elle n'avait pas encore donné l'occasion à un systérien ou une systérienne d'y poser les yeux. Dans ce grimoire, déjà un peu écorné par un voyage sur terre, puis sur mer, l'elfe poserait ses réflexions sur sa conception du monde, sur elle-même, sur Systéria, et sur ses aventures.
I -=- Préambule : l’Humanité et son ambivalence.
L’homme est une curieuse créature des dieux. Il a ceci de particulier que les divinités, au moment de sa création, lui ont octroyé la bénédiction du libre choix. À l’homme s’offraient toutes les opportunités, le monde neuf d’Enrya lui promettait toutes les grâces, pourvu qu’il tendit la main pour s’en saisir.
Les favoris de Mélurine, nimbés de la protection de la déesse de la vie, profitèrent de sa bonté, s’en imprégnèrent. Ayant pratiquement l’éternité devant eux, profitant de la nature abondante et de leurs dons innés, ils se trouvèrent comblés. Et l’envie n’atteint que rarement un cœur comblé et un esprit ayant atteint la plénitude. Se détourner de cette bonté indubitable qui imprègne le cœur et l’esprit de la race des elfes tient de l’odieux. C’est une occasion qui ne se produisit qu’une fois, au moment de ce grand schisme où le cœur de certains elfes s’est noirci en même temps que leur peau.
L’envie des hommes, leurs passions, peuvent constituer un incitatif à adopter des tendances contre-nature et se corrompre. Ce qui, dans les communautés elfiques, se réalise tout naturellement, doit chez les hommes être scrupuleusement codifié par le biais des lois. Les êtres corruptibles ou corrompus transgressent parfois aux lois établies afin d’asseoir leurs intérêts individuels, car ils ont l’espoir de ne pas être pris, ou bénéficient d’une immunité. Les communautés humaines diffusent alors leur lois, appliquées de droit politique ou divin, qui par le clergé ou le pouvoir en place, prévenant ses habitants contre les meurtres ou les exactions commises. Le système juridique en place tente de gommer les injustices, sans jamais y parvenir tout à fait, car un système ne peut totalement gommer le potentiel obscur en chacun des hommes, femmes ou enfants sous sa juridiction.
La soif de pouvoir, le rêve d’éternité, le désir de richesse ou d’amour, constituent autant d’incitatifs à aborder la voie sombre pour parvenir à ces fins. Il est en effet plus facile de gommer ces scrupules, de se laisser tenter par des moyens faciles et corrupteurs pour obtenir le fruit de ses désirs les plus chers. Ainsi, bien des hommes préfèrent la vengeance à une réelle justice, l’éternité brinquebalante troquée par les dieux sombres contre l’âme et l’essence, la richesse ainsi que la réussite à la bienfaisance.
Il est dit, au sein de la communauté de la Terre des Sages, que le fait que les démons ne puissent s’hybrider uniquement qu’avec les humains ne soit pas innocent. L’âme, l’esprit, et jusqu’au corps humain seraient plus à même de s’imprégner de forces corruptrices. Puis, de corrompre tour à tour leur lieu de vie, leurs communautés, comme le fruit pourri dans un panier répandant son mal aux autres. Il est aussi dit que la corruption des hommes, au contraire de celle des elfes noirs, est invisible à l’œil bien souvent. Le visage affable et tendre peut cacher la monstruosité. L’aspect versatile des hommes et la porosité de leurs âmes est donc part de ce qui est à craindre d’eux.
Les vastes forêts et les cités majestueuses de la Terre des Sages sont épargnées par les assauts des créatures infâmes et infamantes qui tourmentent bien trop souvent les autres terres d’Enrya. Un hors-cycle ou un démon y ferait une apparition fortuite, qu’il trouverait immédiatement cent armes, cent sortilèges, pour l’abattre sitôt et le retourner d’où il vient. Les communautés elfiques répugnent hautement ce qui est contre-nature. Or, la présence d’être facilement corruptibles –comme les hommes- ou déjà corrompus –comme les elfes noirs-, fait prêter le flanc à la présence d’entités contre-natures, rêvant déjà de s’insinuer dans ces esprits ouverts comme autant de portes, sensibles à la capacité d’avilissement. Voilà une des raisons pour laquelle les hommes, les elfes noirs, les orcs, ou encore les hybrides, sont si mal perçus dans les Forêts Éternelles. Et pourquoi la porte des terres elfiques ne leur est pas grande ouverte.
Bien que la réponse eut semblé évidente, j’ai passé ma jeunesse à m’interroger sur ce qui nous différenciait de l’humanité dont nous avions tant à craindre. Là où certains compatriotes se montrent inflexibles, posent sur l’humanité un regard consterné, incités par les tristes faits à perdurer dans la décision la plus sage de nous maintenir à distance, je me suis permise de douter. Si l’humanité est capable d’être influencée par les porteurs de la voie du pire et de la corruption, sans doute peut-elle aussi être influencée par ceux intimement raccrochés à la vertu et restés purs encore. Seulement voilà, le litige entre ceux militant pour notre propre sauvegarde et craignant que les hommes nous perdent et ceux qui estiment que la race humaine puisse encore être atteinte par la pureté ainsi que la grâce, et parvienne à se purifier elle-même grâce au libre arbitre qui lui a été imparti… n’est pas près de s’achever. Au nom de la sauvegarde de nos valeurs, et de notre essence, les hommes sont encore gardés à saine distance du royaume des elfes, de ses secrets et des arcanes du pouvoir, par les grandes et anciennes familles qui justement se le partagent.
Étant, au sein des débats mitigeant nos savants, de la seconde école, j’ai décidé de partir afin d’éprouver mes thèses. De voir ce que la sagesse elfique, et la pureté inhérente peut offrir aux hommes. J’ignore encore si mon voyage sera concluant, et quels fruits je serai à même d’en cueillir.
J’ai décidé de prendre l’une des premières nefs pour un lieu connu pour son ambivalence intrinsèque. Un lieu qui, comme la majorité humaine qui le peuple, est connu pour être capable d’offrir le meilleur comme le pire. Un lieu où, aussi, les entités tentatrices sont omniprésentes, et où les créatures sombres se bousculent au portillon avec des intentions variées, mais dont la finalité est toujours discutable. Ce lieu, de curieuse réputation, est un archipel connu sous le nom de Systéria.
Post by Örme - May 11, 2012 at 2:19 AM
*Sous les combles de l'Auberge de l'Indépendance, une elfe s'était installée. La fenêtre ouverte, par laquelle le jour filtrait encore, soufflait à l'intérieur les odeurs florales des lilas qui croissaient, appuyés aux murs, et le musc végétal des vignes qui s'étiraient sous les fenêtres. Alors qu'elle demandait où loger en prévenant de ses moyens restreints, on avait fini par l'envoyer là. Devant la stupeur et la confusion de l'elfe face à cet univers neuf, quelques scrupules étaient sans doutes nés à l'idée de lui présenter la Basse-Ville, et même lui en souffler mot... La surprise, et quelle surprise, se réserverait pour un autre jour. *
II -=- Systéria, ville des nuances et des paradoxes
La cité de Systéria constitue un dédale tout spécialement déconcertant. En y posant le pied, on remarque dès lors l’ambivalence des lieux, intrinsèque à la composition de la cité. Six figures de marbre détaillent le visiteur sitôt les arches des enceintes passées. Figures tantôt patibulaires, tantôt affables, elles sont d’un agencement curieux, disparate et étonnant pour qui n’en aurait pas l’habitude. Un elfe, à gauche, fait face à un orc. Une figure féminine, masquée et menue, fait face à un homme en armure, large d’épaules, dont le visage sculpté respire la franchise. Un vieillard revêche fait face à une jeune femme en fleur dont les jupons s’étalent comme une corolle. Ces figures illustres sont présentées comme autant de modèles pour la cité, autant de héros que la ville s’est créée.
Il n’y aurait pas portrait plus prenant de la nature contradictoire de Systéria.
Les gens semblent relativement accueillants. Voir de nouvelles figures est, visiblement, coutumier. Un nouveau paradoxe tout Systérien : la nouveauté est chose courante. J’ai épargné aux citoyens mon nom complet. Les marins, diplomates du commun, m’ont chaudement recommandé de ne retenir qu’une parcelle de mon prénom, qui me servira à me présenter sans pour autant faire fourcher les langues humaines, et sans avoir nécessairement à tiquer lorsque des accents lourds trébucheraient sur les syllabes méconnues. Malgré mon choix d’Örme, rappelant l’espèce d’arbres pourtant bien connue, exception faite de l’accentuation de la première syllabe déjà présente dans ma dénomination, j'ai pu constater que les déformations ne me seraient pas épargnées. J’aurais pu être Orme. J’ai décidé d’être Örme, plutôt, car je ne souhaite ni me dénaturer, ni mentir, tout en ayant l’obligeance d’abréger mon patronyme au point où j’aie perdu mon nom de famille et le trois quarts de mon prénom dans le voyage. Ce nom très partiel m’intègre, en un sens, au paradoxe de la cité.
L’Empire qui m’avait fort simplement été dépeint s’est aujourd’hui complexifié, révélant sous le tronc unique une multiplicité de racines. Cinq grandes ramures souterraines, les guildes, qui étendent différentes racines nourricières, leurs tâches légalement imparties, grâce auxquelles elles s’ancrent dans le sol. La division de leurs charges est pleine d’ambiguïté, et semble laisser nombre de choses pour compte.
L’Ordre du Soleil, prenant en charge la matière d’hérésie et le culte Thaarien, la Confrérie Pourpre, gérant le domaine de l’occulte et du savoir, l’Association, gérant la culture et le commerce, l’Armée, agissant comme force de l’ordre, et l’Assemblée, régulant les choses du cycle.
Ces guildes marient nombre de mes intérêts, en ne me correspondant pas tout à fait, en chaque cas. On m’a dirigée vers la Confrérie Pourpre, dans l’éventualité où je veuille bénéficier de la citoyenneté et de droits. Mais tout est trop tôt, à mon sens. Beaucoup trop tôt, pour faire un choix éclairé. Le point à retenir étant que tout Systéria se fonde sur le système de ces guildes, leur capacité à combler leur mandat, leurs accointances et leurs dissentions.
J’ai pu mettre la main sur le Nouveau Codex, un exemplaire usé que l’Auberge de l’Indépendance a bien voulu me prêter. Je me familiarise avec les lois de la cité humaine, comme on rencontre une bête inconnue. Je m’étonne de cette litanie d’énoncés d’évidence que le bon sens même ne permettrait de transgresser. Et pourtant, on m’a bien informée que certains se plaisent à s’extirper de ce carcan, par désir ou malveillance. Elle existe, bien qu’elle ne s’exhibe pas ostensiblement. Elle se perçoit dans les récits tristes de certains, ou dans les traces de sang coulé sur les fentes du marbre, que l’œil averti peut relever encore.
À la lecture du document, cependant, je relevai qu’en toute légalité, selon les articles 14, puis 9,1 successivement, j'ai constaté que l’Ordre était l’instance à laquelle je devrai m’adresser pour mieux comprendre Systéria, en ses dessous sinistres que le visage de marbre blanc de la cité ne permet pas de percevoir au premier coup d’œil. Peut-être les fervents de Thaar pourront-ils m’éclairer.
Post by Örme - May 15, 2012 at 6:10 PM
*Une nouvelle petite annotation suivait les autres entrées, dans les pages... blanchies de l'écriture chantournée de l'elfe. *
III - L'Ordre du Soleil
J'ai pu rencontrer l'Évêque Thaarienne de l'Ile de Systéria, la demoiselle Shandri Eäm'Arylth. Cette occasion m'a paru profitable, pour la questionner sur le mandat du culte thaarien, ainsi que de l'Ordre du Soleil, qui prend ce même culte en charge.
Cette rencontre a été une heureuse surprise. Je n'ai rien caché à l'évêque de mes intentions, mais n'ai pas menti sur mes obédiences et sur mon éducation religieuse, qui sont moins liées au Justicier qu'à l'Éternelle. Or, mes intentions d'apporter un peu de lumière, une touche bénéfique à Systéria, ont semblé plaire à l'Évêque. Au point où celle-ci a consenti à mon intronisation au sein de l'Ordre du Soleil, bien que je ne sois pas dévote de Thaar.
Je reprend, en quelque sorte, un titre qui me revenait à la terre des Sages, Buia'Calad. Servante de lumière, en langue commune. Comme je l'ai fait là-bas, je désire porter le flambeau de ce qui soit bon et juste, et je tiens à m'efforcer de répandre ces forces positives afin d'en teinter les esprits et les coeurs. J'aimerais, au dessus de tout, prouver la véracité de ce que j'avance. Que les sentiments et les manières d'être peuvent se répandre au gré d'une influence. Que les forces bénéfiques peuvent étendre leur empire, autant que les forces corruptrices peuvent étendre le leur.
L'avenir, et les Dieux, sauront me donner raison ou tort.
Post by Örme - May 26, 2012 at 11:07 PM
IV - Chocs culturels
Sitôt ai-je été intégrée dans l'Ordre du Soleil, si tôt je me suis plongée dans les archives, ainsi que l'Évêque et moi-même l'avions convenu. Il était de mon devoir de me renseigner sur Systéria, sur son histoire, mais surtout sur les acquis et actes de l'institution destinée à défendre les valeurs bénéfiques. La synthèse des dossiers judiciaires m'a semblé un bon point de départ, pour mieux comprendre à la fois le Système de Droit, les valeurs défendues par l'Ordre, et le culte Thaarien, tout à la fois.
J'ai fait plusieurs découvertes qui m'ont surprises, intriguée, voire choquée. J'ai vu ce que j'espérais trouver : la vertu, la bonté, le dévouement, l'ouverture. Cela me conforte dans l'idée que la vocation de faire le bien n'est pas prédéterminée que par la race, mais aussi par les choix opérés. En un sens, cela m'a rassurée. Mais avec surprise, j'ai parfois découvert l'aigreur, l'injustice, la rancune, les mauvais sentiments, dans des endroits où on ne les soupçonnerait pas : chez des individus sensés brandir les valeurs bénéfiques. Un dossier rédigé par l'ex-père Sévérin Icaros m'a particulièrement laissée soufflée. Il n'y a qu'une façon de présenter les choses : je ne comprend pas.
Mes recherches se sont, pour la plupart, achevées par des synthèses. J'espère que mes explorations des archives pourront ainsi avoir des répercussions bénéfiques pour autrui.
Nombre de collègues se sont étonnés de me voir adopter un poste qui semble si peu me coller à la peau. L'Intendant des prisons le premier. Il est vrai que, d'un premier abord, on ne m'imaginerait pas maitresse des geoles. L'imaginaire Systérien s'emplit de l'image d'un gardien des prisons bourru, parfois tortionnaire, toujours implacable. Je comprend l'étonnement, mais aussi la crainte que peuvent avoir certains collègues, face à mon apparente fragilité. Je comprend leurs doutes, leurs incertitudes. Mais c'est au sein des prisons, parmi ceux dont la corruption est avérée, qu'elle soit légère ou profonde, que mon oeuvre prendra tout son sens, et que je pourrai vérifier ou infirmer mes hypothèses.
La lumière n'est pas si tentante qu'est l'ombre. Faire changer un individu en bien est, de ce que j'ai su, beaucoup plus exigeant et difficile que de le corrompre. Mais ne pas m'y efforcer serait contre mes principes.
Puissent le Juste, et l'Éternelle, ainsi que tous les dieux bénéfiques, m'épauler en ma tâche.
Je suis en colère. Profondément en colère. Non pas contre autrui, mais contre moi-même. Peut-être ai-je mis en danger, sans le vouloir, mes homologues, des gens de bien, alors que je m'étais pourtant promis une vigilance particulière. Je suis en colère contre moi-même car, surtout, j'ai peur pour la vie et le bien d'autrui.
Je me sens encore une fois flouée. Et bouleversée : qui pourrait chercher à disposer d'éléments nocifs dans un coffre à don? Qui pourrait chercher à transformer une action bénéfique en quelque chose de profondément nocif? Mon trouble est profond, car je n'aurais jamais cru cela possible, malgré tout ce que je sais. Je n'avais pas assimilé, jusqu’à maintenant, que la malveillance de l'un pouvait se reconduire par l'action de gens voulant agir pour le bien, par des voies si anodines. Jusqu'ici, je ne savais pas jusqu'où je devrais étendre ma méfiance, et alors que je le découvre, cela dépasse mon entendement même.
Je m'en veux, de ne pas m'être assurée de l'accès antérieur à ce coffre à don auprès du Croisé. D'avoir concentré ma méfiance sur les prisonniers, leurs tendances et leur potentiel. Mais comment avoir pu deviner que quelque chose de si anodin que du rangement pourrait mettre en péril...? Je ne pourrais me le pardonner, s'il se passait quelque drame qui fut de mon fait. La leçon est cuisante, et témoigne de mon inculture de la vie à Systéria, ainsi que des risques qu'elle comporte. Chose sûre, elle sera retenue. Mais puisse-t-elle être apprise sans heurts...
Je n'aurai le coeur tranquille que lorsque le contenu de tous les coffres sera vérifié.
Post by Örme - June 3, 2012 at 7:08 PM
V -=- Succès et Insuccès.
Après un certain temps à assumer mes fonctions, l'heure est au bilan. Parmi les prisonniers, outre les indifférents, j'ai la nette impression de compter un succès et un insuccès.
Mon approche la plus fructueuse est celle de D. Nos longues discussions m'auront permis de mieux le comprendre, et comprendre son cas, ainsi que son ambiguïté. Malgré mon trouble à la découverte de son histoire, j'admire le fait qu'il n'ait dérogé des valeurs justes, et qu'il demeure prêt à assumer sa sanction, quelle qu'elle soit. Je me permet de croire que nos interactions le feront persister en cette voie, voire évoluer de façon positive, même s'il peut s'agir là de ses derniers instants de vie. Il en ira de la décision du Haut-Conseil, à laquelle je ne veux déroger.
Mon approche la moins fructueuse est celle de N. Lamaca. Ou, plutôt, devrais-je admettre qu'on ne m'a pas laissée l'approcher, même par courrier. Sa nature et ses actes, tous deux sordides, ne prêtant plus flanc au doute. On craint sans doute qu'elle ne me corrompe, que je ne milite ensuite pour l'allègement de sa peine. Or, dans mon courrier, je présente directement le fait que sa peine ne sera pas commuée, ni changée. Mais je désirais lui offrir l'opportunité de se tourner vers la lumière, avant de mourir. Car oui, c'est là sa sanction. Je suis bouleversée, et profondément déçue, que l'on s'assure de rendre à Yagshull cette âme, qui ne peut que ruminer, solitaire et rancunière. Une part humaine git en cet être, malgré sa nature trouble. Une part qu'elle pourrait se décider à valoriser, avant sa fin, afin que les dieux, qui se réservent leur jugement, prennent pitié. Thaar est un dieu d'amour, et de pardon, selon plusieurs de mes collègues. Peut-être pourrait-il libérer cette âme de son fardeau, de l'étreinte trop étroite de Yaghsull, créée à travers des pactes terribles. J'aimerais croiser un membre de l'Ordre pour plaider ma cause, mais cela semble très difficile. Je ne suis, après tout, qu'initiée, ainsi, ma voix n'a que peu de valeur ou de poids. Je me sens coupable. J'aimerais tenter cette entreprise, celle pour laquelle je suis venue à Systéria, mais on ne m'en laisse ni l'opportunité, ni le pouvoir.
Post by Örme - June 7, 2012 at 7:27 PM
VI -=- Les fleurs de Systéria
Il est de ces chrysanthèmes, coeurs ouverts, éclatés, communiants, tremblants de ce sursis au terme duquel ils se faneront.
Des roseaux poussant sur un sol hostile, un peu plus écrasés chaque jours, dont l'état piétiné les révèle victimes d'une rage gratuite, d'une touche de malveillance qui les fait ployer.
Il est de ces fleurs transplantées, transposées sur un sol qui n'est pas le leur, et qui tentent d'y subsister.
Il est de ces fleurs, brisées ou rongées par l'affliction, qui ne sont qu'une grande supplique pour être soignés.
Il est celles, opulentes, qui fleurissent sur la terre grasse des plateaux, déployant renfort de couleurs riches et clinquantes, déployant leur faste en une grande éclosion.
Il y a ces fleurs qui préfèrent l'éclat du soleil, et d'autres qui se complaisent dans l'ombre.
Il est de ces fleurs discrètes, comme il est de ces fleurs flamboyantes.
Systéria se veut un jardin, et telles sont ses fleurs.