Crystale, petite garce.
Post by Crystale d'Ambre, AdC - June 2, 2012 at 3:04 PM
La main furieuse broyait le poignet fragile, tractant ce qui y était attaché sans égard aucun. Le bras velu était trop fort pour que les pauvres membres puissent s’en défendre, sans compter que le premier coup avait visiblement été efficace. La tête brinquebalait piteusement au rythme imposé par le marin, le reste du corps traînant lamentablement sur les planches rêches. Sur le pont, l’homme lâcha simplement le poignet et la figure ne pu que s’écraser au sol. Il tourna les talons.
Les sourcils du Capitaine se froncèrent sur la silhouette clandestine. De dos, le Capitaine ne pouvait percevoir qu’une touffe de cheveux jaunes emmêlés et de larges frusques en fin de vie. Il maronna en se grattant la barbe. Qu’en faire? Ce foutu rat s’était faufilé sur son navire et avait vécu sur le dos de son équipage pour une bonne semaine maintenant. Les recherches avaient commencées par un simple soupçon de vol de réserve par un des matelots. Et voila ce que sa coque lui recrachait. Ça le titillait de l’foutre à la planche, il fallait se l’avouer.
D’un autre côté...
Ça fait une semaine et pas un crabe, pas un mousse ne l’avait piffé! Le vieux loup de mer qu’il était ne pouvait s’empêcher d’éprouver un peu d’empathie pour la crevette à terre. Il s’accroupit pour scruter le visage du jeunot sous des mèches de cheveux coagulées de sang.
Sa coupe à la garçonne révélait à moitié un visage de poupon strié de sang. Les traits, bien que tirés, étaient doux et délicats... Maintenant qu’il y regardait, les nippes ne camouflaient plus tellement la taille fine et les fesses rondes. Le Capitaine se redressa d’un coup:
“Patt’de lapin! Une pisseuse!”
Des matelots de corvée sur le pont s’étaient approchés à la gueulante. La garce elle, resta immobile. Après quelques secondes de considération stupéfaite, un des mousses - plus téméraire ou plus impatient que les autres - approcha son pied poisseux de la fille, voulant la retourner sur le dos. Les orteils calleux n'eurent pas le temps de toucher le bras de la gamine que ce dernier cingla l’air et s’enroula autour de la cheville. La blonde fit volte-face et le marin s’étala sur le plancher en un plat sonore, dans un accompagnement de rires tonitruants. Ni une ni deux, la jeune fille était accroupie, une fine lame à la main, le regard farouche.
Les rires ne firent que redoubler face à une telle posture. Comment une pinéguette, même armée d’une dague, pouvait sérieusement espérer faire face à tout un équipage d’hommes aguerris? Le pauvre mousse étalé au sol se releva en vitesse, rouge de colère et de honte, rejetant violemment toute aide de ses camarades.
Il n’était pas difficile pour la jeune fille de se rendre compte du ridicule de la situation. Elle adopta avec une fluidité déconcertante une expression d’assurance effrontée et se redressa. La tête haute, ses cheveux courts en bataille encadrant parfaitement ses pommettes, la poitrine fièrement bombée et les jambes bien ancrées, elle fit front. Il lui fallut une volonté de fer pour ne pas vaciller. Perdue pour perdue, elle misait tout sur un coup de culot. Les rires se dissipèrent et tous se tournèrent vers le Capitaine, attendant sa réaction.
Les yeux encore pétillants, il détailla la jeune femme de bas en haut. L’allure fière et les yeux insolents, elle semblait le regarder de haut. Le galbe jeune, les yeux profonds, elle paraissait plus imposante que les vagues des tropiques.
Les lèvres craquées par le sel s’ouvrirent à un rire franc. Et la planche resta inutilisée.