La vendeuse de fleurs.

La vendeuse de fleurs.

Post by Yuri Minh Yu, AdC - May 29, 2006 at 5:48 PM

Une giclée de sang fusa contre le mur de toile peinte, allant dévisager ce paysage aux couleurs de terres. Un katana était glissé au travers de la poitrine, venu déchiré en un endroit précis le kimono de soie pourpre de l'homme. Le glissement de la lame eut un gargouilli étouffé alors qu'elle ressorti du corps de l'homme, le laissant tomber sur le sol, le combat était achevé, mais la course, elle, ne l'étais pas encore. Une vie pouvait être si fragile parfois, surtout lorsque notre bien le plus précieux est tant convoité. Une vie entière à protéger la vérité, une nuit pour tout perdre. Ainsi tombait l'épique et honorable Yaoh Minh Yu, ses traits fatigués retombèrent et il referma les yeux. Le maître de combat avait livré sa dernière bataille, et dans la mort il avait trouvé la victoire, il avait réussi à protéger cet enfant, son enfant, jusque dans la mort et avait sû lui donner le temps de fuite voulu afin qu'elle ne tombe jamais entre les mains de ses agresseurs. L'homme avait fait selon sa volonté, sorcière qui lui avait volé son coeur. Il avait fait selon sa volonté et il savait sa petite hybride sur le bon chemin, déà loin du Gouverneur Matsu et de son déshonorable fils.

La charrette roulait déjà depuis des heures. Les champs de riz étaient plongés dans l'obscurité, seul le reflet de la lune laissait deviner le nombre de champs le petit croupe pouvait avoir traversé. Un petit vent venait brouiller le visage de la lune, princesse immortelle qui veillait sur les ténèbres comme une ange. Les cigales vrombissaient, et les crapauds chantaient, se donnant tous à chacuns la réplique dans une symphonie harmonisée. Les arbres d'eucalyptus s'inclinaient sous la caresse du vent, et alors qu'il se permettait sa promenade, il vint danser dans les fins cheveux de la belle. Le visage éclairé que par la lueur de l'astre de nuit ne pouvait pas dissimuler son chagrin. L'amertume y avait pris demeure mais également la résignation et la fierté. Toutes les lumières des chaumières que le petit groupe dépassait étaient absorbées par ses yeux, comme des gouffres abyssaux qui avalaient chaque étincelle. Assise en retrait, elle était reconduite par deux servants qui récupéreraient leur liberté après cette dernière tâche. Tous trois connaissaient à l'avance la triste fin du maître d'armes Yu. Mais l'homme en était un de principe et désirait mourir avec honneur et non en fugitif.

La cadence des bêtes était lente et la charrette se secouait dans un bercement maternel. Malgré la faible vitesse des boeufs, les passagers ne craignaient pas de se faire rattraper. Déjà, on commençait à voir les cadavres orner le bord de la route, certains n'étaient que des ombres qui flottaient dans les champs de riz, comme des déchets qui y seraient oubliés. La belle se couvrit le visage d'un linceul blanc, comme ce qui la recouvrait entièrement d'ailleurs. Il ne fallait pas respirer l'âme des morts, de peur qu'ils veuillent l'entraîner avec eux dans la rancoeur qui était née au début du fléau de la peste. L'odeur de chair pourrie était omni-présente et même s'il faisait nuit noire, les insectes se promenaient délibérément de cadavre en cadavre afin de pouvoir en goûter, ne serais-ce qu'une infime partie. La vieille servante vint prendre Toki par les épaules, la serrant dans ses bras comme une mère l'aurait fait. Sa chaleur était confortable, et ses vieilles mains nouées lui semblaient plus belles que toutes les richesses du monde. Mais le mouvement régulier de la charrette finit par avoir raison d'elle puis, elle sombra dans le néant des songes, bercée par Naoko.


La goutte vint tomber contre la surface du lac. Les pierres qui dormaient dans le fond se virent brouillées par le trouble de l'eau. Des auréoles parcoururent une bonne distance, répendant la rumeur, puis disparurent, avec le temps. Le trouble dissipé, les pierres de l'eau claire pûmes de nouveau afficher leur vérité sans essayer de passer par plusieurs chemins, avec une sincérité fracassante. Comme parfois, il était étonnant de pouvoir prédire le comportement humain en une seule goutte. Il ne suffisait d'une seule personne pour faire réagir la masse et enfin, se fondre au groupe et sombrer dans l'oubli. Une seconde goutte vint brouiller de nouveau la claireté de l'eau-de-roche puis, alors que les auréoles se dissipaient, un visage prit forme, se reflétant dans cette claire eau. De petits yeux bridés s'examinaient dans une attention exagérée, puis l'eau fut troublée à nouveau, un pétal étant venu y faire sa chute.

Le kimono de soie brodée tomba en délicatesse, s'ornant de plis dans la légèreté de sa chute. Un pied sortit timidement du tissus, laissant voir les multiples tatouages, comme une histoire écrite sur son corps dans un langage ancien, pour aller se glisser au travers de la flore abondante. Les fougères ondulaient sous les caresses du vent, et contre ce petit lac rond, le ciel imprimait ses lanternes. La silhouette pale, malgré ses origines demi-elfe noire, se glissa en douceur dans l'eau de cette mare, bien isolée par la nature dense qui l'entourait. Les mains de Toki représentaient les écrits alors qu'ils se fondaient dans l'image noire du lac, ne laissant que les bribes de peau non-tatouées de ses avant-bras refléter les lumières de la lune. Un grand moment de paix et de calme qui fut troublée par une présence indésirable. De gros doigts boudinés vint pousser l'épais feuillage pour troubler la nudité de la métis. Un homme dans la jeune vingtaine, à peine plus vieux qu'elle se découvrit pour goûter à la vue, et au même moment, tenter de profiter de plus. Comme elle pouvait ressembler aux autres jeunes femmes de l'Ori t'Sen, mais son exotisme en était tout autre, plus longiforme, elle ne possédait pas les courbes grotesques et la petite taille de la plupart d'entre elles. Toboe Matsu, le fils du Gouverneur en vint à se promettre qu'il ferait de cette femme son épouse, peu importe la manière dont il devait procéder. Puis quand elle se retourna pour découvrir sa présence, il tomba inconscient, comme prit d'un sort, comme une énorme blatte qui se serait fait heurter de plein fouet.


La charrette avait cessé de bouger, puis la jeune rescapée Yu ouvrit les yeux, découvrant devant elle la pointe d'un un sabre rouillé. Une quinzaine de femmes étaient voilées devant elle, les servants gisants dans leur sang, semblant avoir tenté une défensive qui, d'ailleurs leur avait coûté la vie. De grandes blondes étaient en train de dépouiller les trésors qui lui restait de sa famille, de ses origines. Elles lui parlaient dans une langue qui lui était inconnue, la langue commune. Et elle fut prise à devoir suivre ces femmes pour le reste de son cheminement, où elle finit par être libérée près des terres de Systéria, en haillons, sachant désormais parler la langue courante de cette ville.