Nouvelle Chaire
Post by Omniscient, GdO - March 4, 2011 at 6:11 AM
Un moment est passé depuis que l'Omniscient se prépare mentalement à la suite des évènements. Depuis sept ou huit heures, son corps est immobile et une véritable tempête d'énergie vitale le ronge jusqu'à la moelle de ses os. La pièce circulaire dans laquelle il se trouve est plongée dans des ténèbres plus sombres que le noir. Ses muscles sont complètement endormis, et plus jamais ils ne se réveilleront. D'un œil mental et éthéré, il patiente en restant aux aguets, les sommets de sa méditation déjà atteints. Son âme se dresse en équilibre entre l'existence physique et les landes astrales.
Quelque chose survient dans le monde physique, venant pincer sa passive léthargie. En effet, des pas résonnent au loin, sur les dalles humides des Couloirs ; le rituel allait commencer. Son attention s'angle en cette direction, avec toute la mollesse du monde, car son état conscient ne tient plus qu'à un fil. Une lueur vacille sous la porte, puis les pas s'arrêtent enfin.
Un long grincement s'en suit, la porte s'ouvre, et la lumière pénètre dans la salle occulte. Le regard maintenant aveugle de l'Omniscient ne fléchit pas.
Un petit groupe s'installe bientôt aux multiples extrémités de la pièce, partageant de secs et discrets murmures. L'équilibre paisible de l'endroit est conservé alors que les torches violentes sont remplacées par d'élégantes bougies.
Un membre du groupuscule consulte tous et chacun, à tour de rôle.
"Daïrn, prépare et stérilise le phylactère.. Nerûl et Ghanys, imposez tout de suite le coma pour l'expulsion, et avertissez-moi une fois le point de non-retour dépassé. Esteliath, convoque l'hôte pour nous."
La dernière concernée s'exécute, s'agenouillant au centre de la pièce. Ses mains se posent sur un symbole clé qu'elle fait bientôt pivoter d'une précision calculée. Les murs tremblent et une portion de la pièce s'ouvre vers un gouffre glacial ; S'en élève un grand cercueil coiffé d'une femme pure et dénudée. Esteliath et le coordinateur s'assemblent autour d'elle avec deux paires de mains ardentes. Le contact avec l'épiderme givrée de l'hôte produit quelques premiers soupirs de vapeur.
"Procédons doucement, aucun dommage majeur n'est permis..", s'enquit le maître du rituel.
Tous s'adonne avec acuité mais empressement à leurs tâches précises.
Après de longs silence où seule la concentration se fait entendre, un dernier soupire émane de l'Omniscient, désormais décédé.
"Nous y sommes.. !", annonce Nerûl, un peu moins calme qu'au départ.
"Nous pouvons le retenir ici pour quelques instants seulement.. hâtez-vous !", précise Ghanys, les dents serrées.
"Compris. Daïrn, où en es-tu ?"
"Le phylactère sss'sera bientôt disss'ponible."
"Esteliath, poursuit la réactivation seule !"
Il traversa la pièce et s'empressa d'aller prêter main forte à Daïrn. Esteliath poursuivait quant à elle ses caresses irradiantes. Alors que le rythme de travail augmente encore, la sueur commence à perler sur le front de certains.
La pression s'élève encore d'un cran et un premier problème survient : sans crier gare, Nerûl s'effondre, à bout de force, provoquant la réaction instantanée de son partenaire.
"Nerûl est inconscient.. je.. je ne tiendrai pas.. ! Vite !", lance Ghanys, le souffle court et les jambes chancelantes.
"Tenez bon, nous y ssssommes presss'que.. !", rassure le Draco, alors qu'un instant plus tard, le phylactère s'illumine enfin.
Une étape étant réussie, le coordinateur relâche quelques inquiétudes, se postant aux cotés du pauvre extracteur surmené.
Daïrn se rue aussitôt, insérant le phylactère dans le socle prévu à cet effet. Ghanys sombre alors également dans l'inconscience, attrapé par le meneur du groupe. De sa cage thoracique s'échappe l'âme retenue, sous la forme de longs filaments blanchâtres, puis un puissant et bruyant courant d'air secoue les pratiquants.
"ACTIVE LE !!", hurla le guide à tue-tête, en direction de l'homme-ailé.
Daïrn envoya une décharge qui raviva le phylactère davantage. Aussitôt, l'âme s'y jeta, comme si elle manquait d'oxygène. Le calme regagna la pièce et les deux ritualistes consultèrent Esteliath.
"Plus vite... inspire difficilement... le phylactère... sera détruit dans quelques... minutes...", cracha le reptile, les poumons vides.
"Le corps peine à se réveiller... Il me faut de l'aide.. !", répondit-elle, les mains rougies.
Les regards se tournèrent alors vers la dame blanche, spectatrice jusqu'alors, debout au fond de l'endroit...
Post by Lys, Gdo - March 6, 2011 at 1:37 AM
Ici, parmi les ombres, la fragile et fautive systérienne peut apaiser ses remords. Cette idée la rend euphorique. Un gloussement s’échappe de ce visage décharné, résonnant dans l’écho des Couloirs qui l’ont vu naître. Puis évoluer dans la souffrance. La jeune pousse devenue Lys.
Clamp.
Clamp.
Clamp.
Ses pas la portent jusqu’à la salle de rituelle. Valir Menrul, cette loque humaine tant aimée, puis détestée, repose sur l’autel de pierre. Lys l’observe fixement, immobile. Seules ses lèvres bougent sans émettre le moindre son. Elle récite les litanies anciennes, enseignées par sa préceptrice.
« Créature malveillante éveil toi.
Des profondeurs des limbes ténébreuses,
Tu renaîtras.
Entend l’appel de ma maîtresse,
Elle te réclame parmi les vivants.
Ô créature qui fut exclut de ce monde de chair,
Relève-toi. »
*******
Les regards se posent sur elle. Le corps satiné de la nouvelle enveloppe charnelle, soigneusement choisi par Omniscient, est gelé.
L’idée de déchirer en lambeaux l’âme de Valir Menrul s’impose de plus en plus, pensée obsédante, telle une ritournelle macabre s’enchaînant sans fin. Que cette créature dont elle fut si jalouse disparaisse à tout jamais. Que cette arrogance dont il fit preuve à son endroit, hors des couloirs, soit punie. Non. Non… Lys avait pourtant dit vouloir l’aider. Elle tient le destin de cette ombre entre les paumes de ses mains, et ce pouvoir immense la fait sourire. Un sourire doux et tendre, pour ces pensées qu’elle affectionne tant. Jusqu’à la fin de sa vie, Valir Menrul aurait une dette envers elle. Et même s’il n’agirait pas comme tel, les ombres étaient témoins : Lys s’apprête à sauver la renaissance.
La délicieuse silhouette s’approche à pas feutrés de l’étrange spectacle qu’on lui présente. Elle a décidé que l’âme de l’Omniscient perdurera sur une autre génération. Il était hors de question qu’elle échoue. Et elle échouait rarement.
Ses mains squelettiques s’élèvent et son regard se ferme sur le monde des vivants. Lys cherche, et cherche encore. Si loin, dans les couloirs, enfouie dans les ombres, elle peine à canaliser l’énergie des éléments. Ses doigts se crispent enfin, lorsqu’elle ressent la vague chaleur des bougies. Il ne lui en faut pas plus; la lueur vacillante des chandelles s’amenuise, et les doigts décharnés de Lys s’enrobent d’une énergie puissante et contrôlée, semblable à des flammes faites d’éther.
Épreuve de force. La petite Lys consume rapidement son énergie et sa puissance, retenant difficilement l’énergie dévastatrice du feu. Mais le corps se réchauffe enfin, sous ses caresses, à peine rougie par le procédé. Elle a respecté sa parole; le corps de Demoiselle d’Amaury est fin prêt, sans aucune blessure ni atrocité. Agenouillée, lessivée, la silhouette blanche tremble désormais de froid.
Le rituel de renaissance pouvait reprendre.
Post by Omniscient, GdO - March 6, 2011 at 2:41 AM
Esteliath plongea son regard sur Lys qui s'approchait, les mains vives. La peau de l'hôte s'amollissait à vue d'œil sous la présence de celle qui redorait encore d'énergie. Les autres pratiquants se contentaient de garder une attention inquiète sur le phylactère qui, à tout instant, pouvait s'éteindre.
Lorsque Lys, après une sévère performance, s'inclina sous ses lacunes énergétiques, Esteliath vint consulter les paupières du corps sans vie. Puis, elle déplia la mâchoire à sa capacité maximale. Aussitôt ses vérifications confirmées, elle donna le feu vert pour la suite.
En un lourd claquement d'ailes, Daïrn s'approcha, le phylactère au creux de ses grandes mains palmées. Quant au coordinateur, il installa au dessus de la bouche des crochets de fer. C'est là que serait posé le phylactère.
"Bien.. Esteliath et moi alimenterons le corps d'énergie vitale dès que tu sera prêt, Daïrn."
Ils se positionnèrent donc autour du cercueil, alors que l'homme-reptile rassemblait une dernière fois ses forces. Ce dernier débuta, posant une patte sur le front tiède de l'hôte, puis posant l'autre au delà du phylactère. Quant à ses deux partenaires, ils décrochaient des étincelles de la pièce pour les introduire dans l'instable forme de vie.
Le procédé s'échelonna sur plusieurs minutes, mais un calme rassurant s'imposait petit à petit entre les murs froids de l'occulte cave.
Lorsque le phylactère n'était plus qu'un vide et banal cristal, Daïrn s'arrêta et Esteliath vint à nouveau veiller sur l'état oculaire du nouvel être charnel. Elle offrit une approbation à ses collègues et tous lâchèrent un soupire mérité.
Ils avaient réussis...
"Bon travail à tous.. ! En attendant la rematérialisation, prenez une pause d'un quart d'heure.. Je m'occupe d'aller quérir Qâr'Negoth.", déclara le coordinateur, teinté de satisfaction.
Les ritualistes épuisés se dispersèrent pour aller enfin prendre l'air. D'autres vinrent pour porter Nêrul et Ghanys, tous les deux inconscients, en des lieux plus appropriés.
Une fois la pression complètement retombée, le groupe s'assembla à nouveau dans la salle de rituel.
Puis, Qâr'Negoth se présenta enfin.
Il s'agissait d'une vieille liche, rongée par les millénaires, qui tombait presque en poussière. Sa composition ne semblait retenue que par des vapeurs acides qui tenaient les rôles de muscles et de ligaments. Cet être se déplaçait magiquement, lévitant perpétuellement à deux ou trois centimètres du sol.
Un frisson parcourut chaque individu présent lorsque Qâr'Negoth s'avança vers l'Omniscient. Il laissait sur son funèbre passage quelques cliquetis provoqués par les innombrables artéfacts archaïques dont il était décoré. Sa voix venteuse et irréelle s'éleva en même temps que son grand et horrible bâton.
"Ash Yhagshul nâ'xur durbanx'rul...
Veêr'sh svax't'nyg, gimbatul'garox Yhagûur wax Dhorâm...
Veêr'sh svax't'nyg, wabrix deh'mâr ta'nu...
Danyx'ul nazg thrak'atuxir Enrya nûmaar anô nûmaar...
Qôr burzum-ishi na'raû kunax'gryz'bag...
Krax'hogûl Yhagshul va'nôx !
Le Prince Noir t'a élu d'entre les faibles...
Pour qu'une nouvelle fois, tu foule la Voix des Damnés...
Pour qu'une nouvelle fois, le pacte soit redoré...
Offre-lui ton essence, sur Enrya comme ailleurs...
Gravit comme il se doit les échelons de son royaume...
Pour recevoir le souffle de Yhagshul !"
La liche s'approcha de l'Omniscient, en décrochant une éprouvette noire de son bric-a-brac ornemental. La Goutte fut versée une seconde fois dans les entrailles de l'Ombre. Puis, l'immortelle créature saupoudra une poudre sur le bassin du concerné.
Un halo orangé enveloppait bientôt le corps toujours nu, et un gaz brun grandissait dans la pièce.Précipitamment, les ritualistes quittèrent, trainant une Lys interrogative avec eux.
"Lys, ce gasss détruit quiconque n'est pas desss'tiné à l'inssss'pirer.", précisa Daïrn.
Qâr'Negoth ferma la marche et verrouilla magiquement la porte dénuée de fenêtre.
Post by Omniscient, GdO - March 6, 2011 at 4:17 AM
Une semaine entière passe...
Le gaz s'estompe et il ne reste qu'un silence. Un silence si long qu'il en frôle la perfection.
La chute dans le néant semblait interminable, puis...
... ...
... ... ...
... ...
Il s'éveille enfin... au fin fond de ce corps qui n'est guère le sien.
D'abord les yeux.. qui clignent avec frénésie.
Est-ce de la lumière, là-bas ? Non, ce ne sont que des ténèbres...
Cette vision embrouillée qui l'accable persiste pendant de longues minutes. Un engourdissement si fort l'habite qu'un simple mouvement lui donne des sueurs.
Un frottement de doigt par-ici, un sourire forcé par-là... peu à peu, la nouvelle enveloppe de Valir Menrul se dénoue et les liens se réparent. Cette chaude pulsion le parcourt à nouveau, celle du sang qui va et viens à toutes les extrémités. Ses poumons frémissent délicatement au contact de l'air et il commence à ressentir un confort, celui d'être chez soi. Valir embrasse cette pureté nouvelle dans laquelle il baigne, il la contemple, comme l'on admire un nouveau-né.
Tout semble meilleur et plus facile qu'auparavant. Même ses pensées, étonnement, résonnent avec plus d'ardeur dans sa nouvelle boîte crânienne. Les erreurs qu'il a commis pour son corps initial seront mises de coté, cette fois !
Il aperçoit cette horreur qui lui semble familière, juste là... sur l'autre cercueil. Un corps carbonisé par la mort, torturé par l'usure et la vieillesse.
L'effort qu'il met à se redresser sur ses coudes lui demande de longues minutes d'investissement. Des spasmes et des tremblements l'animent, mais il savoure toutes ces fourmis qui grouillent et le font vivre.
Maintenant en meilleure position, l'Omniscient s'observe.. Quel merveille anatomique est-il devenu !
Son regard s'impose à droite et à gauche, avec un craquement de cou si féminin qu'il en échappe un rire. Son rire... il est semblable à un éclat de givre et Valir se plait à l'entendre.
"Voici ma voix.", prononce t-il, prudemment, comme un enfant qui épèle.
Alors qu'il se distrait avec une multitude d'examens précis, son corps retrouve bientôt une capacité musculaire normale. Un frisson sème chez lui la chaire de poule lorsque que la plante rose de son pied entre en contact avec ce sol si frisquet.
"uuuuugghhhh"
La faim attaque.
Il avait oublié la saveur qu'a le manque de nourriture.
Ses pieds le mènent à la porte. Tous ses gestes sont alimentés par une démarche sur-théâtrale, tant il déguste et découvre ses nouvelles capacités physiques.
La salle de rituel est déjà derrière lui. Sur le mur qui lui fait face, une vieille toge est suspendue par un crochet rouillé. Une fois mieux vêtu, il poursuit l'exploration de ces couloirs qu'il connaît bien. Il lui tarde de ressentir le monde et l'extérieur sur sa peau fragile et vierge. Toutefois, cela n'est, pour l'instant, guère judicieux.
En chemin vers les cuisines, il se risque à la création d'une première boule de feu. Sans succès.
Une grande réadaption attendait demoiselle d'Amaury, et ce, sur tous les plans magiques.