L'entrée de l'homme à la canne...
Post by Thomas Bolton, Emp - November 6, 2010 at 11:31 AM
Un nouvel arrivant foulait le refuge des membres de la Société Planaire. Une silhouette noire émergea du néant dans l’antichambre où les livres du Magistère El’Idhrin trônaient. Dans la pénombre, l’homme à la toge noire aurait presque pu passer inaperçu. Son regard d’acier détaillait un décor qu’il ne connaissait que trop bien, pour l’avoir déjà visité en compagnie de Khayzane Mirriah. D’un pas réglé comme un métronome, il se dirigea alors vers la grande salle de réunion. Le claquement sec de sa canne sur le dallage de marbre bleu résonna dans le silence. Sa main gauche avança alors vers la poignée de la grande porte métallique. Il l’ouvrit lentement, dans un grincement presque sinistre.
La personne qui se trouvait déjà dans la pièce l’examina en silence tout en restant en retrait. Les sourcils froncés, elle suivait le moindre de ses faits et gestes alors que le premier ministre de Systeria parcourait les étagères des grandes bibliothèques. De son index gauche, il parcourait la tranche des différents ouvrages et rapports, le visage concentré. On ne pouvait décemment pas reprocher à Sa Seigneurie de profiter de ce nouvel accès aux secrets de Systeria ! C’aurait été de l’hypocrisie et lui-même ne pouvait renier sa nature et ses principes. Déposant sa canne contre le rebord d’un mur, il attrapa trois dossiers qu’il alla poser sur la table en boitillant de façon un plus prononcée – et oui, sans sa canne, il ne pouvait aller bien loin !
Le duc alla reprendre la canne avant de s’installer dans un des grands sièges de pierre, aussi inconfortables que celui qu’il possédait déjà au palais. Comme quoi, il lui serait facile de prendre ses repères. Et ainsi, pendant de nombreuses heures, dans ce plan que le temps n’atteignait que peu ou prou, il commença à éplucher tous les documents qui avaient pu être couché sur papier. Certains passages lui arrachèrent des sourires amusés, de petites lueurs malicieuses au fond du regard. D’autres le laissèrent perplexe, haussant les sourcils, dubitatif. Néanmoins, rapidement il s’aperçut que le principal des échanges de la Société avaient dû être oraux, étant donné la faiblesse du contenu des différents écrits.
C’était la prudence de même. Après tout, le sage affirme que si les paroles s’envolent, les écrits restent. Et dans le cas de la Société Planaire, il valait mieux qu’aucune trace de rien ne soit laissée. Une erreur, un simple oubli et toute une organisation, si secrète soit-elle, pouvait être révélée au grand jour. Aussi, le seigneur Bolton ne s’étonna pas de voir si peu de dossiers sur les affaires qu’avaient pu traiter l’institution. C’est en partie pour cela qu’il ne fut pas déçu de ne rien trouver. Un observateur extérieur pourrait alors se demander si la curiosité maladive qu’on lui attribuait était réellement un des traits de son énigmatique personnalité.
Cependant, écrits ou non, une chose était sûre. L’aura qu’il avait soigneusement cultivé autour de lui, consciemment ou non, avait marqué plus d’un esprit. Chacun nourrissait une grande méfiance à son égard, il pouvait le voir ne serait-ce qu’en observant les différents membres qui vaquaient à leurs occupations dans le petit laboratoire ou dans l’immense salle aux bibliothèques immaculées. Tout le monde lui lançait des regards perplexes. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le premier ministre n’en fit pas grand cas. Intérieurement – car il ne montrait jamais rien à moins qu’il ne le veuille – ça le divertissait beaucoup.
Donc, assis sur son fauteuil, Sa Seigneurie étudiait avec attention un des quelques documents rassemblés par la marquise Taur’Amandil : ils dataient du règne de l’Empereur Maemor II et une fois encore, ils étaient l’œuvre du Magistère El’Idhrin. Le point de vue de l’auteur l’intéressait particulièrement. Un témoignage fidèle de l’époque était particulièrement difficile à obtenir, une sorte de tabou flottait sur toutes les lèvres quand on faisait mention de ce tragique évènement de l’Histoire systérienne. Et il resta là, pendant de longues minutes pendant que d’autres s’agitaient autour de lui. Confortablement enfoncé dans le siège rêche, il ne releva même pas la tête lorsqu’il entendit un bruit dans l’antichambre.
Car oui, assurément, quelqu’un venait…
Post by Amy Firal - November 6, 2010 at 7:13 PM
Thomas Bolton.
Oui.
Thomas Bolton était bien dans la même pièce que l'adolescente éternelle. C'était la première fois qu'elle apercevait sa personne en chaire et en os et qu'il était en plus dans la même pièce qu'elle. Le tout la martelait donc de biens des questions. Devait-elle lui demander son autographe ou bien agir comme si de rien n'était? Devait-elle le considérer comme un roi ou le respect, dans les murs de la Société, était égal, de membres à membres? Pouvait-elle le tutoyer ou devait-elle le vouvoyer? Quel était sa taille de chaussure? Qui était son barbier (car après tout, il n'y a pas tout le monde qui peut l'approcher avec un rasoir)? Avait-il pris son petit déjeuner et diantre, pourquoi un simple homme pouvait apporter tant de questions?
Néanmoins, cette présence avait ses avantages. L'homme à la toge l'avait toujours fasciné en quelque sorte; mystérieux, invisible, rares sont les personnes qui ont le privilège de le voir en personne, pouvant presque ainsi le considérer comme un mythe. Amy avait bel et bien l'intention d'apprendre à le connaître un peu plus et lui demander conseil sur certaines choses... Et elle croisait les doigts pour qu'il accepte une discussion avec la charmante (?) femme.
Elle rangea les livres qu'elle était en train de feuilleté dans les étagères du fond et entrepris le trajet vers l'homme, qui l'avait sans doute déjà remarqué.
Post by Thomas Bolton, Emp - November 6, 2010 at 9:29 PM
Bien évidemment, l’homme à la canne avait entendu quelqu’un approcher. Néanmoins, à aucun moment il ne releva la tête de son ouvrage. Son regard d’acier évoluait parmi les multiples lignes à la calligraphie particulière, mais ne se redressait jamais vers la source des petits bruits qu’Amy faisait en feuilletant les livres de la bibliothèque ou en avançant vers lui. Bref, le duc ne semblait pas avoir conscience qu’un individu dans cette pièce venait vers lui pour engager la conversation.
Ou tout du moins ne le montrait-il pas.
Aussi, si l’éternelle adolescente voulait obtenir des réponses de l’éternel homme sans âge, elle devrait verbaliser ses questions. Ou s’éclaircir la voix. En d’autres termes, manifester d’une manière ou d’une autre sa présence. Car à chaque coup d’œil qu’elle pouvait éventuellement lui lancer, le seigneur Bolton ne semblait toujours pas l’avoir remarqué.
Silencieux et aussi immobile qu’une statue, le visage stoïque, l’homme à la canne se concentrait sur sa lecture…
Post by Amy Firal - November 6, 2010 at 10:41 PM
Hésitation.
C'était le bon mot. Amy s'avançait, mais hésitait, reculait un peu. Peut-être ne voulait-il pas être dérangé? Il semblait après tout si absorbé par son ouvrage... Non. Elle allait avoir sa conversation, coûte que coûte.
- Hm... Bonjour?, tenta-t-elle d'abord.
Elle marque une légère pause.
- J'aimerais... Si vous... Tu... Vous... Tuvous me le permettez, discuter un peu..?
Post by Thomas Bolton, Emp - November 6, 2010 at 10:51 PM
Lorsqu’elle le salua, le Surintendant ne releva pas la tête. Il continuait sa lecture. Durant la maigre pause, il ne fit pas plus d’efforts.
Et finalement, alors qu’elle bégayait sa question, le regard d’acier du seigneur Bolton quitta le livre pour venir se fixer droit dans celui de la jeune femme. Lentement, il haussa un sourcil, comme s’il venait tout juste s’apercevoir qu’elle était là, comme si elle le sortait d’une quelconque rêverie.
Dans un claquement sec, il referma le livre qu’il avait entre les mains et le posa sur ses genoux.
« Mademoiselle Firal, je présume. Si vous n’y voyez pas d’inconvénients, nous nous contenterons de nous vouvoyer, je vous prie. Je n’utilise le tutoiement que très rarement. »
Que dire du ton ? Et bien, si ça surprenait encore des gens, il restait purement monocorde. Pas de fausse note, pas d’émotion.
« Que puis-je faire pour vous, Mademoiselle Firal ? »
D’un geste de la main droite, il invita l’adolescente à prendre place dans un fauteuil en face de lui…
Post by Amy Firal - November 7, 2010 at 8:06 AM
La jeune femme hoche la tête aux propos du grand homme.
- Parfait pour le vouvoiement.
Elle esquissa un mince et discret sourire suite à l'invitation de Thomas Bolton à prendre place, ce qu'elle fit sans tarder et avec soin (pour éviter de paraître trop brusque). Elle vint se gratter nerveusement la joue, son coeur battait la chamade... Elle était après tout en face d'un des hommes les plus importants de Systéria, en personne, et il venait de l'inviter à prendre place... Mieux encore, il était prêt à l'écouter, elle qui est pourtant si impertinente aux yeux de plusieurs!
- Tout d'abord, merci pour le temps que vous allez m'accorder. Il va de soi que vous êtes un hommes qui a une excellente logique et un bon sens du savoir... Ma requête vous paraîtra donc sans doute bien étrange ou particulière, mais je suis à cours de ressource... Je comprendrais que vous n'ayez pas envie de vous embarquer dans ce genre de discussion et que vous préféreriez parler d'un autre sujet, car après tout je ne suis qu'une adolescente parmi tant d'autres, mais qui ne tente rien n'a rien comme on dit.
Ce qui est étrange, c'est qu'Amy aurait pu avoir la plus philosophique et importante des discussions avec l'homme, mais que sa discussion allait se limiter qu'à une seule chose: son avenir.
-Je viens vous demander conseil, puisque vous avez quand même un grand savoir et que j'ai le pressentiment que vous saurez me guider un minimum... Je ne sais plus où me placer en Systéria. J'ai des valeurs, j'ai une certaine volonté, j'ai du talent dans certain domaine, mais j'ai du mal à... Comment dire... Trouver ma place. J'ai regardé et étudié toutes les guildes et je ne semble pas adaptée à aucune d'entre elle, celle qui s'en rapprochait le plus était l'Ordre, mais dans ma grande maladresse et dans mon grand «moi», j'ai fait une bêtise... Et on ne semble pas vouloir m'accorder une seule minute pour me laisser m'expliquer ou m'excuser dignement... Je veux être utile à Systéria, je veux être utile aux autres, je veux avoir, comment dire, un rôle... Mais je suis légèrement égarée... Que faire...?
Post by Thomas Bolton, Emp - November 7, 2010 at 10:26 AM
Pendant une heure, le Surintendant et la jeune femme discutèrent de ses problèmes d’intégration dans la société systérienne. A aucun moment, le premier ne fut condescendant, malgré son statut social plus élevé. En même temps, le seigneur Bolton avait-il déjà fait preuve d’un tel comportement ? Ils devisèrent longtemps sur les guildes, sur celles qui correspondraient le mieux à l’adolescente. Mais plus que la conseiller, il la renvoyait vers ses propres convictions.
Ils échangèrent sur Brehan de Nogar, mais aussi sur Sarälondë Taur’Amandil. Amy voyait en eux deux obstacles différents qu’elle ne pouvait franchir. Thomas lui laissa plusieurs pistes, plus opportunités, mais chaque fois l’adolescente revenait au Clergé et à ce qu’elle pouvait apporter.
« Si vous avez réellement la sensation que c’est dans l’Ordre que vous serez la plus utile, alors faites-le comprendre à notre connaissance commune. »
« Elle fait preuve de mépris à mon égard. »
Un sourire amusé se forgea alors sur les fines lèvres pâles de Sa Seigneurie.
« Qu’est-ce que le mépris d’une marquise comparé aux tortures d’un mage noir, mademoiselle Firal ? »
Elle lui rendit un sourire sincère tout en acquiesçant.
« Aviez-vous d'autres questions, mademoiselle ? »
Ses mains posées sur l’ouvrage qu’il avait sur les genoux, il fixa son interlocutrice de son sempiternel regard inquisiteur…
Post by Amy Firal - November 8, 2010 at 12:19 AM
L'échange avait changé bien des choses dans l'esprit de l'adolescente, autant au niveau de la perception de certaines personnes que de la situation en soi. Une chose est sûr, l'homme lui avait ouvert les yeux, et elle lui en était reconnaissant.
- J'ai bien une question, sieur... Qu'avez-vous en réserve pour la Société?, lança-t-elle avec un mince sourire aux lèvres.
Post by Mathéo Balgor, AdC - November 8, 2010 at 12:54 AM
-Amy, Amy, Amy, toujours à te tourmenter pour si peu...
Au loin une voie familière se fit entendre, proche de la porte qui donnait sur la sale des reliques. C'était Mathéo qui était a distance de Thomas et qui l'observait depuis un moment en silence. Sans doute en se demandant comment allait-il bien faire pour l'avouer a son grand ami. Finalement, il allait faire comme si rien était.
Post by Thomas Bolton, Emp - November 8, 2010 at 10:22 AM
Le Surintendant écouta la question d’Amy Firal, impassible. Il ne souriait plus, avait retrouvé ce visage aussi antipathique qu’à l’ordinaire. D’ailleurs, même lorsqu’il souriait il restait particulièrement antipathique… Enfin bref.
« J’apporte à cette Société la même chose que vous, mademoiselle Firal. », répondit-il sur un ton énigmatique.
Et Mathéo, qui avait écouté le bref échange entre le duc et l’adolescente fit son apparition. Le regard sévère du premier ministre se braqua sur l’ancien membre de l’Ordre, inquisiteur. L’ex-époux de Sarälondë devait déjà être mal à l’aise, et la sévérité de Thomas ne devait pas arranger les choses.
Mais il répondit simplement :
« Le doute forme la sagesse, monsieur Balgor. »
Puis il se tut, laissant à l’un ou à l’autre l’occasion de répliquer.