Doctrine : la coutume

Doctrine : la coutume

Post by Vincent DeLorime, juge - January 19, 2007 at 10:03 PM

Les sources du droit sont multiples. Au sommet de la pyramide nous retrouvons la constitution, cime de l’arbre judiciaire. Découle ensuite les lois, la jurisprudence, la coutume et la doctrine. Pour les fins de cet essai juridique, je me pencherai sur la coutume afin de définir sa portée dans notre système Impérial.

La coutume est une règle de droit, née de la répétition continue d’un acte public et paisible ou de l’abstention de poser un acte, durant un certain temps, sans qu’il y ait protestation à l’endroit de cet acte ou de cette abstention.

Il s’agit donc d’une règle de droit, c’est-à-dire d’une norme, susceptible d’une sanction. Je détaillerai plus loin qu’elle est la sanction de la coutume. Cette règle de droit naît de la répétition d’actes. Il s’agit d’une façon habituelle de faire. Mais c’est plus qu’un simple usage, lequel naît seulement d’un choix entre diverses solutions offertes par le droit.

Cette répétition d’actes doit être continue. Elle consiste en une suite d’actes dans le même sens, sans retour en arrière. Elle doit aussi être publique, c’est-à-dire que les actes qui la composent ne peuvent être clandestins. Il s’agit nécessairement de la répétition d’actes paisibles : l’acte imposé par la force ne peut fonder le droit. Il peut s’agir également d’une abstention continue : la coutume ne fait pas que permettre de faire ou obliger à faire, elle peut interdire de faire.

Cette répétition doit avoir eu lieu durant un certain temps. Il s’agit d’une pratique consacrée par le temps, qui est l’élément déterminant en matière de droit coutumier. C’est le temps qui crée le droit et non toute espèce de consécration qui pourrait venir a posteriori valider une règle née de l’effet du temps. Les premiers précédents qui prétendent fonder un droit coutumier n’ont pas à remonter à un temps immémorial, mais seulement aussi loin que la mémoire collective se souvient. Enfin, il faut que cette suite d’actes ait été accomplie sans soulever de protestation. La coutume est une façon de faire communément acceptée. Et elle reçoit de ce fait son caractère de souplesse : comme elle naît progressivement de l’effet du temps, elle peut s’éteindre de la même façon.

Les qualités essentielles de la coutume

Une coutume peut être bonne ou mauvaise. Pour valoir en droit, une coutume doit être bonne ; elle doit posséder certaines qualités.

Une coutume doit être raisonnable. Le mot raisonnable doit être pris ici dans un sens juridique. Une coutume ne doit pas être déraisonnable juridiquement, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas répugner aux principes généraux de droit positif. Une coutume qui voudrait que les juges puissent tout faire serait ainsi une coutume juridiquement déraisonnable.

Une coutume doit créer une obligation. Il s’agit bien d’une règle imposant une obligation, par opposition à une simple suggestion ou à une autre façon facultative de faire, laquelle peut être suivie ou non. Une mauvaise coutume de ce point de vue serait celle qui, par exemple, énoncerait qu’il est souhaitable que les nobles ne soient pas appelés à servir comme jurés.
L’Obligation que crée une coutume doit être claire. C’est-à-dire qu’il doit s’agir de quelque chose de prouvable, de démontrable. Serait mauvaise, par conséquent, une coutume qui voudrait que tous les pauvres soient mesquins.

L’Obligation que crée une coutume doit être certaine. C’est-à-dire qu’elle ne doit pas être variable et susceptible de changer de contenu au gré des circonstances. Ainsi une coutume qui voudrait que l’on fasse parfois ceci, parfois cela, serait une mauvaise coutume. En d’autres termes, une bonne coutume ne doit pas être susceptible d’être interprétée différemment, ou du moins avec des écarts important.

L’Obligation que crée une coutume doit être cohérente. Ce qui exclut l’existence de coutumes contradictoires; si deux coutumes sont incompatibles, nécessairement, une des deux seulement doit être bonne.

L’autorité de la coutume

La coutume est une règle de droit. Elle implique donc une sanction. Celle-ci sera assurée par les tribunaux, le cas échéant. Les règles coutumières ne pourront prévaloir sur les lois, mais pourront être utilisée aux fins d’interprétation de lois.

Il faut reconnaître l’importance de la coutume dans tout système juridique. L’enracinement social du droit coutumier entraîne un haut degré d’adaptation du droit aux faits. Le droit ne peut jouer alors un rôle très dynamique, mais la règle ne risque pas non plus d’apparaître aussi artificielle que ne l’est parfois la règle de droit volontaire, dans ses retards comme dans ses bonds en avant.

Vincent DeLorime, juge