L'Héritière

L'Héritière

Post by Amy Firal - October 18, 2009 at 6:48 AM

C'est quoi

Une petite mise en contexte avant.

Comme pratiquement tout le monde ici, on a tous un penchant pour l'écriture, inventer des scénarios, des situations... En revanche, lorsqu'il s'agit de créer notre propre histoire de A à Z, la chose devient plus délicate. Je n'avais pas de mal à écrire des textes Roleplay sur des scènes qui ont eu lieue ou qui auraient pu avoir lieu, mais lorsqu'il venait le temps d'écrire une histoire, un récit, un roman, peu importe, il m'arrivait de perdre ma motivation. J'ai jadis eu la volonté de transformer les péripéties de Systéria en histoire plus officielle, mais il y en avait tellement à écrire que je perdais la motivation en cours de chemin...
C'est un défaut de moi. J'ai souvent beaucoup d'idées, mais lorsque je démarre un truc sur une idée précise, il m'arrive d'avoir une autre idée que je peux juger d'encore meilleure et de commencer sur cette idée, délaissant celle déjà commencée. Ainsi, je commence plein de choses, mais je ne finis rien.

Jusqu'à ce printemps. Mon problème résidait dans la création d'un univers de toute pièce... Ce ne sont pas nécéssairement les idées qui manquent, seulement j'en aurais tellement à dire et ce serait parfois tellement compliqué à expliquer que ça me décourage un peu. J'ai donc voulu faire un expérience.

J'ai pris l'univers de World of Warcraft... Ce n'est pas que j'ai un attrait particulier pour l'univers globalement (je n’aime pas du tout la série pour être honnête), d'ailleurs mon histoire n'a aucun lien avec le jeu si ce ne sont que le nom des lieux et des races qui sont repris... C’est simplement que je trouvais que la carte du monde et les races pouvaient bien s’adapter à l’idée que j’avais en tête. Chose fort surprenante, j'ai réussi à terminer l'histoire (en trois "parties") qui font au total 139 pages.

Mais ce ne sont pas ces 139 pages que je viens présenter ici… Mais plutôt sa suite. J’ai réussi, semble-t-il, à trouver le moyen de pouvoir compléter ce que j’entreprends en écriture, de trouver un scénario que j’adore, que j’accroche, riche en potentiel. Donc je tente progressivement de me détacher de l’univers de World of Warcraft. Voilà pourquoi, mis à part quelques références à des lieux cultes (pour ceux qui connaissent le jeu ou l’univers de Warcraft), rien ne sera reconnaissable de la série… Et de toute façon, ces 139 pages sont à un moment donné résumé dans l’histoire de l’Héritière.
Donc je viens d’écrire un petit pavé sur le pourquoi, j’en viens au vif du sujet, soit l’Héritière. C’est une série que j’ai commencé (j’en suis en ce moment à mon deuxième tome). Mes histoires ne font pas 200 pages, ça tourne autour de 70-80 par tome (mais je compte les regrouper sous un et seul tome à la fin). Comme dit antérieurement, c’est la suite d’un gros événement qui est survenu 17 ans auparavant… Pour ceux qui liront, vous risquez de voir des références à ce gros événement sans jamais savoir de quoi il s’agit. C’est normal, tout vous sera expliqué en temps et lieu.

Sans plus tarder, je vous offre mes premiers chapitres. Je tiens vraiment à recevoir des conseils sur ce que je dois améliorer/changer, c’est surtout ça que je vise en venant poster ici.

L'Héritière
Le livre de Heleberth

*

Prologue

Les cris d'enfants constituaient l'unique bruit de fond des lieux. Ils jouaient, se courraient après, riaient. Le ciel était nuageux, le temps était morne, un matin d'automne sans doute. À travers les groupes d'enfants marchaient des femmes, vêtues de noir et de capuchons. Les soeurs de l'école pour enfant Ste-Catherine prenaient bien soin de surveiller chaque fait et geste des enfants, s'assurant qu'aucun ne se blesse, qu'aucun ne se dispute ou se comporte mal... Qui oserait de toute façon? Les punitions allaient souvent d'un bon coup de règle jusqu'à enfermer le coupable dans une pièce sombre pendant des heures.
Ste-Catherine était la seule école, fondée en l'an 234 de la troisième ère, dans la région d'Elwynn, ce qui faisait en sorte que c'était l'école par défaut d'administré aux enfants.

La fin de la pause approchait.

La masse d'enfant commença à se diriger vers les doubles portes de l'énorme bâtiment recouvert de vignes sèches. Une enfant, toutefois, ne suivait pas le groupe. Elle était restée assise, seule, sur une balançoire, à fixer le vide. Cette attitude lui avait d'ailleurs valu plusieurs coups de règle, mais rien n'a y faire, l'enfant continuait de se comporter de façon irrationnelle... Les soeurs étaient exaspérées, elles en étaient à se demander si ce n'étaient pas les autres qui la rejetaient.

Soeur Mélanie, exaspérée, s'avança d'un pas rapide vers l'enfant. Vêtue de l'uniforme scolaire, qui était une jupe qui terminait aux genoux violettes avec un col blanc, se balançait doucement. Ses longs cheveux noirs balançaient dans le vent. Une boucle rouge sang ornait ses cheveux.

L'enfant révéla son visage recouvert de taches de rousseur à la soeur. Ses yeux noirs fixaient celle-ci, d'un regard mélangeant culpabilité et amusement.

L'enfant ne réagit pas. Soeur Mélanie s'approcha d'un pas ferme... Une giffle. Anne, les yeux larmoyants, portent ses mains à sa joue rougie.

Les enfants au loin regardaient la scène, sans dire un mot. Anne se leva, sans dire un mot, et s'avança vers la troupe. Les enfants pénétrèrent dans l'école...


Soeur Gabriella referma la porte de la chambre. Le couvre-feu allait avoir lieu dans une vingtaine de minutes. Rapidement, les filles qui habitaient la salle se réunissèrent sur un seul lit. Anne, quant à elle, restait recroquevillée sur elle-même, sur le lit, à frotter sa joue encore rouge. Elle devinait déjà que les filles parlaient de la scène d'aujourd'hui. C'était évident, à les voir jeter des coups d'oeil à l'enfant et à rigoler, murmurer...

Anne n'aimait pas l'école. Elle voulait partir, loin d'ici, revoir son père. Au début, elle pensait que c'était parce que son père ne l'aimait pas qu'il l'avait inscrit ici. Elle lui avait d'ailleurs déjà posé la question.

Une promesse qui lui avait brisée le coeur. Âgée de douze ans, voilà déjà une année qu'elle y était et elle n'avait toujours pas revu son père... C'était d'ailleurs bientôt son anniversaire et personne, même les soeurs, en avaient fait mention. Anne commençait d'ailleurs à se demander si on ne lui interdisait pas plutôt de voir son père, ou du moins, elle se le demandait au début. Mais elle avait vu les parents d'Arianne, la fille qui dort sur le lit à droite du sien... Cela lui avait déchiré le coeur, elle en avait pleuré tous les larmes de son corps le soir venu. Son père ne l'aimait pas... Ou pas assez pour venir, quoiqu'au fond d'elle, Anne continuait de lui chercher des excuses.

Il était occupé, en voyage, il a pas eu le temps, les excuses étaient nombreuses...

Se remémorer ces événemetns lui avait fait venir les larmes aux yeux. Les filles parlaient toujours de tout et de rien... Devait-elle écouter Soeur Mélanie? Aller vers les autres? Car depuis qu'elle était arrivée à l'école, les enfants s'éloignaient d'elle, l'excluaient, comme si elle était victime d'une quelconque maladie contagieuse. Elle avait, bien entendu, tenté quelques fois d'aller vers les autres, mais on la rejetait. S'imposer serait peut-être une solution?

Anne descendit de son lit. Les filles eurent tôt fait de remarquer son mouvement. Elle s'approcha d'un pied ferme des autres.

La "chef" du groupe, Alexandra, descendit à son tour pour s'avancer vers elle. Elle passa une main dans ses cheveux bouclés et blonds... Et même si elle était approximativement de la même taille qu'Anne, cela ne l'empêchait pas de la regarder avec son petit air hautain, provocatrices.

La totalité des filles de la pièce éclatèrent de rire. Alexandra tourna la tête vers le groupe de filles, un large sourire aux lèvres, sans aucun doute fière de sa victoire... Avant de revenir à Anne.

Un coup, droit sur le nez. La fille tomba sur le côté en hurlant et se tenant le nez en sang. Les filles poussèrent des cris de panique, certaines quittèrent la pièce. La rage et la colère qui habitait toutefois Anne l'empêchait de s'arrêter. Malgré l'état d'Alexandra, l'enfant continuait de lui donner de violents coups de pied au visage, au ventre... Jusqu'à ce qu'Alexandra sombre dans l'inconscience... Ce qui ramena Anne à la réalité.

Elle recula vivement, les yeux écarquillés par l'horreur... Puis elle fixa ses propres mains.

On allait sans doute violement la battre, avec la barre de fer, la punition ultime... Et l'expulser.

Soeur Sara fit son entrée, les traits toujours sévères... Puis elle porta une main à sa bouche, horrifiée par la scène. Deux autres soeurs firent éruptions dans la pièce. Tout se passa si vite... Sans attendre, les deux soeurs tirèrent Anne par les cheveux... Elle se rappelera toujours de ce déplacement dans le couloir, où tout le monde la regardait passer avec un regard qui mélangeait dégoût et haine... Tous ces enfants, qui la regardaient passer, qui avaient été alertés par le bruit et qui avaient quitté leur chambre, tous ces soeurs qui la regardaient avec le même regard...

Des marches, beaucoup de marches... Puis une porte, un bureau sombre... Une seconde porte, une pièce totalement noire. On referme la porte métalique derrière elle et on la verrouille...

Anne pleura jusqu'à s'endormir d'épuisement dans le coin, inconsciente qu'elle venait dans s'embarquer dans une longue histoire...

Chapitre 1
Isolée

*

Un couinement l'avait réveillé. La faim la torturait, l'obscurité l'envahissait. Anne était toujours seule dans cette triste pièce. L'enfant sentait l'agitation dans la pièce des professeurs. Ça discutait. Mais la porte de métal était trop épaisse pour qu'elle comprenne quoi que ce soit. Recroquevillée dans le coin, elle attendait. Les heures passaient, ou les jours? Le temps semblait différent ici... Comme éternel...

Sa main frôla un objet. C'était dur, froid, mouillé... Elle porta l'objet à ses yeux, mais rien à faire, il faisait trop noir. Anne tâta alors l'objet... C'était long, les extrémités étaient... Courbés. Elle avait déjà touché quelque chose du genre... Les souvenirs lui revenaient.
C'était un souper, la journée de Dieu. Les élèves étaient réunis à une longue table avec un repas riche, le seul repas de l'année qu'on ne veut pas rater. Salades, fruits, désserts, poulets, viandes... C'était une sorte d'offrande au Seigneur du ciel. Après le repas, tous devaient prendre une gorgée de sang de chèvre versée dans une coupe... C'était la seule chose qu'Anne, étrangement, n'avait jamais aimé faire, contrairement à tout le reste qui y voyait un signe d'offrande au tout puissant et qu'il fallait "mériter" cette gorgée...
Elle se souvenait précisément du poulet, les enfants, pour se moquer d'elle, avait versé du sang sur son poulet pendant qu'elle avait le dos tournée... Et c'est à cet instant qu'elle avait agrippé ses restes pour le tirer sur le coupable...

Cet objet, elle l'avait donc déjà touché. Du poulet? Non. Un ustencile? Non.

... Un os.

Ses trippes se nouèrent, sa gorge se serra. Anne tâtait le sol... Il y avait plusieurs os et l'enfant priait le ciel que ce soit des os de poulets... Mais elle n'était pas aussi chanceuse. Anne trouva les crânes.

Des enfants avaient perdu la vie ici... Était-ce ce qui l'attendait?

Anne sursauta et recula violement contre le mur derrière elle.

C'était la voix d'une vieille dame... Elle se voulait douce et rassurante, mais à la fois hypocrite... Anne décida de s'en méfier.

Ce nom lui disait quelque chose... Anne était certaine de l'avoir déjà entendu quelque part dans un cours d'histoire. Cette présence l'effreyait, surtout qu'elle ne pouvait discerner un quelconque visage à travers l'obscurité.

Anne remarqua que "Hélène" restait vague. Son impossibilité de pouvoir voir son interlocuteur l'inquiétait plus que jamais.

Il y eut un léger silence...

La femme avait capté l'attention de l'enfant.

La femme ne parlait plus. Anne se risqua à avancer sa main vers le néant, mais elle ne touchait rien... Avait-elle imaginé la conversation? Recroquevillée contre le mur, Anne attendait... Encore, comme toujours.

La porte s'ouvre brusquement. Dans l'encadrement se tenait une soeur, tuyau taché de sang à la main. La panique envahissait l'enfant, la peur la clouait au sol.

On l'agrippe par le col alors que partout dans l'école on pouvait entendre les cris de l'enfant qui recevait sa punition.

Chapitre 2
À la recherche du livre

Trois semaines avaient passées, mais l'épouvantable nuit semblait toujours avoir eu lieue la veille pour elle. Anne ne sortait plus, mangeait très peu. Son corps était recouvert de marques, mais elle n'avait aucun membre de cassé. Heureusement ou malheureusement? Cela lui aurait sans aucun doute évité d'aller en cours, au contraire, la douce et gentille infirmière Élisa aurait pu s'occuper d'elle. Élisa était sans doute la seule qui semblait avoir un coeur et une certaine... Compassion... Pour l'enfant.

Le soleil se couchait lentement alors que le cours d'histoire prenait fin. Le brouhaha envahissait les couloirs de l'école, les étudiants parlaient de tout et de rien, riaient. Tous se dirigeaient vers les dortoirs... Non, pas tous.

Dans une des toilettes de la chambre de bain, Anne attendait, assise sur la toilette... Personne n'avait porté attention à sa personne, comme quoi être ignorée de tous avait des avantages. La pièce éclairée d'une lueur orangée s'assombrissait de plus en plus vite, jusqu'à être totalement sombre. Anne avait prévu le coup : Elle avait apporté une lanterne.

Elle leva le tout vien haut. C'était le silence total, un silence qui lui glaça le sang. La salle des professeurs était dans le sous-sol... Par contre, le concierge parcourait les couloirs... Le couvre-feu était tombé depuis déjà deux heures, Anne se devait d'être prudente. S'avançant dans le couloir, elle errait, à la recherche de l'escalier.

La porte vers le sous-sol était encore ouverte, heureusement. Anne l'ouvrit, doucement, consciente qu'elle grinçait énormément. Marche après marche, elle s'enfonçait dans les ténèbres...


La porte du bureau des professeurs était fermée à clef, évidemment. Elle se traita d'idiote de ne pas avoir prévu le coup. Puis, l'enfant eut une illumination. Anne retira doucement son épingle à cheveux et l'enfonça dans la serrure. Un clic satisfaisant lui confirma qu'elle avait réussie.

La salle des professeurs était vaste et en désordre. Des papiers partout, des bureaux, des bibliothèques, une porte en métal rouillée au fond, sans doute celle qui mène à la pièce sombre. Selon "Hélène", son livre se trouverait ici. Son regard se posa alors sur un coffre cadenassé. Un autre obstacle : Un cadenas.

Embêtée, elle l'étudia. Solide, mais rouillé. Ce coffre était recouvert de poussière, il n'avait sans doute pas été bougé de là depuis plus d'une trentaine d'années. Il devait sans aucun doute y avoir quelque chose dans la pièce pour le briser... C'est alors que son regard se posa sur une lime à ongle. Un classique. Cela devait sans doute être le bureau de Béatrice, soeur qui se préoccupe plus de son apparence que des élèves. Des bouteilles de parfum envahissaient une bonne partie de son bureau, aucun doute que c'était le sien.

Lime à ongle en main, Anne se mit au travail...

Travail qui dura une bonne heure. Le cadenas décida enfin, au bout de beaucoup d'acharnement, de céder. Anne l'ouvrit à la hâte. Des babioles divers, notament des trucs confisqués... Donc couteau, balles, jouets... Et un livre.

"Hélène Helebert" était inscrit sur la page couverture. Le livre était fait de cuir noir. Sans doute un journal personnel. Une preuve qu'elle ne pouvait avoir rêvé la conversation, on ne rêve pas de gens qu'on ne connait pas mais qui existent. Elle avait dit de lire les mots à la dernière page.

Anne tourna rapidement, sous l'éclairage de sa lanterne, les pages jusqu'à la toute dernière et débuta sa lecture, à voix haute.

[...] leur religion les aveugles. Ils ne sont pas conscients du mal qu'ils font. Comme si notre monde n'avait pas assez souffert de cette mentalité... À peine sortie d'un cauchemars, voilà qu'ils tentent de nous y replonger.

...Mais ce qu'ils ignorent, c'est la puissance que possède la foi. Ainsi, par ces mots, je saurai les guider vers la lumière.

~ Fuyï Ombrë Helerkös ~

Au même moment, une fumée noire jaillit hors du livre, s'élevant tel un jeser. La fumée se sépare en plusieurs filaments qui zigzaguent dans les airs, traversant murs, planchers, plafonds. Partout dans l'école, on pouvait entendre des cris d'agonie, des pleurs, des corps tomber. Le sang se répendait rapidement sur le sol et les murs. Paniqués, les gens criaient et couraient d'un côté et de l'autre, inconscients qu'importe ce qu'ils feraient, ils étaient déjà condamnés.

Dans un cri comme elle en n'avait jamais lâché un, Anne lâcha brusquement le livre d'où coulait du sang et courru vers la porte qui se refermait lentement.

La porte se referme alors que l'école est victime d'un massacre.
*


La page blanche
15e jour du troisième ère

Carnage à l'école religieuse Sainte-Catherine

[...] Les autorités ignorent l'origine d'un tel massacre. On soupçonne une invasion soudaine de la Horde.
Le chef de l'armée de la Blanche Erikson nous confie qu'il prendra les choses en main afin de s'assurer que cela ne se reproduise plus. [...]

*

La gazette des secrets
25e jour du troisième ère

L'Enquête continue

Les réparations de l'école en vue d'une réouverture prochaine ont débuté. L'Enquête, de son côté, stagne. Les citoyens sont inquiets de la sécurité de leurs enfants.

Lady Béatrice nous assure que nous n'avons rien à craindre.
"Dieu est là pour nous protéger... L'École est sainte, le démon n'y entrera pas à nouveau". [...]

*

La Grande Nouvelle
1er jour de la septième ère

Réouverture officielle de Sainte-Catherine

Après plusieurs jours, semaines, mois, années de nettoyage et de réparation, l'école Sainte-Catherine réouvre enfin ses portes. Les années passées nous ont prouvé que la sécurité s'était rétabli. Le nombre de religieuses ont doublé afin de bénir les âmes des enfants en cas d'une seconde attaque.

Les parents, inquiets malgré tout, se soumettent à la volonté divine de Lady Béatrice et ils enverront malgré tout leurs enfants dans cette magnifique école que nous offre la Blanche, dit Hurlevent... [...]


Chapitre 3
Bien plus tard...

Le sol était martelé de pas. L'endroit était pleine... Trop pleine à mon goût. Je n'avais pas fait tout ce voyage, sous ordre de mon père, pour... Ça?!
La voix autoritaire de mon père était encore audible dans ma tête, comme emporté par un échoe lointain d'un souvenir.
"Tu iras à cette école que tu le veuilles ou non Shannon. Tu dois être instruite. Tu seras bien encadrée!"

Jamais je n'avais éprouvé une telle colère envers mon père. Apprendre, je veux bien, mais il faut encore bien choisir les lieux... Et l'école Sainte-Catherine était, à mon sens, une poubelle. Son passé était d'ailleurs douteux... Des mystères entouraient cet école, trop en fait. Malgré tout, je m'avance. Quelques vignes recouvraient la base des murs d'une pierre grise et triste. Les fenêtres en vieux bois étaient contradictoire avec la reconstruction qui était encore récente. Soudainement, mon ancienne école me semblait plus attirante. J'avais été à une école qui a été construite au bord du Loch à mes huit ans. Une école de merde, les gens étaient distants, méchants... Néanmoins, j'avais appris beaucoup de choses, surtout en Histoire. Toutefois, avec la réouverture de Sainte-Catherine et sa putain de réputation de "Bonne école", je fus transférée ici, âgée de dix-sept ans... Il restait à voir si l'instruction était aussi compétente qu'elle le laissait entendre.

Ainsi, je m'avance. Je passe les énormes grilles sinistres... Qui se referment derrière moi. Tout le monde portait le même uniforme, un par-dessus bleu foncé, une chemise à cravate blanche, une cravate noire... Un pantalon gris pour les hommes, une jupe pour les femmes... Et de longs bas gris jusqu'aux genoux et le comble, de petits souliers noir. Les enfants et les adolescents étaient séparés d'une muraille... Je m'avançai du côté des adolescents. Une impression de déjà-vue m'envahissait soudainement: Les gens me dévisageaient... Avec dédain. Était-ce mes taches de rousseurs? Mon teint pâle? Mes cheveux noirs? Mes yeux cernés? Mon air absent? Qu'importe, ils me dévisageaient...

On me tappa une fesse. Je sursautai, mais je décidai de ne pas réagir. C'était mon premier jour, inutile de me mettre dans le pétrin... En principe, j'aurais déjà giflé le responsable. En serrant mes livres contre moi, je m'avançai, tête baissée, vers un banc distant des gens. Qu'ils aillent au diable, je n'ai pas besoin d'eux.
À peine assise, la cloche sonne... Les gens, éparpillés, se rassemblent en un seul groupe pour entrer, sous les avertissements des soeurs.
"Faites attention..."
"Ne vous bousculez pas."
"Erick, ne joue pas dans les cheveux d'Isabella"
"Émilie, on ne jete pas de la terre..."
"Marc, qu'est-ce que je t'ai dit au sujet de la pipe? Sa fumée est diabolique, le tout puissant n'approuverait pas!"
Et ainsi de suite.
Le couloir était propre, mais triste, tout comme le reste du bâtiment. Un simple plancher en bois, des murs verdâtres aux bordures en bois brunes. Mon premier cours était la Religion...

Je levai la tête vers la porte en bois fermée. Je pris une grande respiration et j'ouvris la porte...

Chapitre 4
Le mirroir

Je pleurai, depuis déjà plusieurs minutes. Penchée au-dessus d'une toilette, je regardais l'eau désormais brûnatre, mélangée à mon vômi. Les choses s'étaient passé si vite et pourtant, les conséquences étaient épouvantables. Je devais revoir les choses une à une.

Mon cours de Religion semblait interminable alors qu'un garçon s'était levé pour aller poser une question au professeur. Comme d'habitude, j'étais absente... Je regardais un peu partout sans réellement travailler. Je réfléchissais en fait.
Le garçon qui s'était levé était normalement assis au bureau à ma droite. À son retour, il avait déposé un petit papier sur mon bureau. Subtilement, j'avais agrippé le bout de parchemin fraîchement déposé et je l'avais lu, sous le pupitre. J'y avais lu un mot qui avait illuminé ma journée :
"Rejoins-moi à la caféteria lors de la pause du repas."
Suivi de la phrase, un coeur... Je l'avais regardé subtilement. Il était mignon, beau, il semblait gentil... J'acceptai, avec un hochement de tête, son invitation.

Le cours de Français et de Mathématique semblaient éternels. J'attendais impatiement la pause du repas. Enfin, la cloche. Sans passer par mon casier, je cours vers la caféteria. Il m'envoie la main : Il est assis à une table. J'entendais des brefs rires, des toux... C'était anormalement peu bruillant.

Je me suis assise, souriante. Il poussa un plateau à nourriture vers moi.

"Je te trouve mignone. Je suis allé chercher un repas pour toi. Nous pourrions le manger ensemble."

Il avait toussé, mais je n'y avais pas porté attention. J'agrippai l'ustencile... Le tout sentait très... Mauvais en fait, mais comme il s'agit de nourriture de cafétiera, je ne m'en suis pas préoccupé. C'était une sorte de bouilli brune sur des pâtes...
Il me regardait, intensément.

"Tu ne manges pas?", avais-je demandé.
"Non, te regarder manger me fait plaisir. Tu as l'air d'avoir... Euh... Faim."

Je pris une bouchée... Jamais dans ma vie ne j'avais goûté une chose aussi horrible. Un haut de coeur m'envahit rapidement et soudainement, tout le monde dans la caféteria commence à rire, ainsi que le garçon qui révèle rapidement son identité : Alexandre.

"Tu viens de manger ma merde pauvre conne... Tu penses vraiment qu'avec un physique comme le tien, grosse, laide... Que quelqu'un voudrait de toi?"

Je fus détruite sur le coup... Voilà ce qui s'était passé. Je courrus ensuite ici pour vômir, pleurer et me faire vômir, consciente d'avoir du poids en trop... Plus jamais je ne mangerais à la caféteria. La gorge brûlante, un goût horrible dans la bouche, je me lève et je me regarde à travers mon ennemi, celui qui est direct qu'importe ton humeur, celui qui n'hésite pas à être trop honnête : Le mirroir.

Je me savais maigre, mais en même temps je trouvais que j'avais encore trop de poids. "Grosse". Je devais perdre ce poids... Mais j'étais incapable de cracher davantage... Je voyais une personne avec de la peau sur les os, de longs cheveux noirs, des yeux noirs et cernés, des joues rouges de larmes et recouvertes de taches de rousseurs... Cette personne, c'était moi, Shannon, adolescente de dix-sept ans... Pour une fois, je voulais quitter ce monde, être ailleurs... Et comprendre ce qui clochait en moi. Ces cauchemars étranges incessants, ces colères soudaines, ces envies... Meurtrière... Torturer un insecte a jadis été mon plus beau plaisir et faute d'avoir le temps, je continuerais sans doute sur des choses plus grosses... Je savais que c'était mal, mais je ne pouvais m'empêcher d'avoir un certain plaisir à agir de la sorte... Était-ce ce qui effrayait les gens?

J'entendis des pleurs. Je n'étais pas seule ici. On m'avait sans doute entendu vômir et pleurer, cela allait se retourner contre moi.

C'était des pleurs d'enfant. Je me penchai pour regarder sous les portes des toilettes... Et j'aperçus deux petits pieds dans la cabine du fond. Je m'approche doucement.

Je posai ma main contre la porte de sa cabine... Puis glissai celle-ci vers la poignée, prête à l'ouvrir. La porte s'ouvrit brusquement, m'envoyant contre le mur, le nez endolori. J'aperçu du coin de l'oeil une fille aux longs cheveux noirs courir, les mains sur le visage, vers la porte.

Puis je m'arrête, essouflée. L'endroit était calme, silencieuse... Je n'aurais pas dû m'aventurer dans ces couloirs sans bien connaître l'école. Je m'avançai alors vers une fenêtre pour me situer... Une forêt. Je devais sans doute être au quatrième dans la partie arrière... Je tentai d'ouvrir une porte. Verrouillée. Je tentai une deuxième... C'était un dortoir. Mon attention se porta sur un cadre accroché au mur... Des lignes, des carrés... Un plan!

J'étais dans le dortoire des enfants... Filles... Je fronçai les sourcils.

J'étais bien au quatrième étage; j'ai relocalisé le couloir des toilettes... Je me rapellais avoir tourné à droite et emprunter une porte au fond... Toutefois, la porte au bout du couloir donnait directement sur le couloir des chambres... Où étaient tous ces couloirs et toutes ces portes que j'ai traversé? J'aurais juré en avoir traversé au moins trois autres...
Cette incompréhension me donna la chaire de poule. Je me précipitai sans hésiter vers la porte qui, normalement, me ramènerait sur le couloir des toilettes... La porte était toujours là (et heureusement, sans quoi je me serais cru dingue).
Je l'ouvre sans hésiter.

Horreur.

Un mur de béton.

Non... Pitié... Où suis-je...?