Les dryades

Les dryades

Post by Capucine - February 13, 2008 at 6:29 PM

Dryades

Il fut un temps où les terres systériennes demeuraient intouchées par l’établissement de la chose nommée civilisation. Existait en ce temps merveilleuse cohésion entre l’homme et la nature. En cette ère révolue, la nature était plus vivante qu’en la nôtre. Peut-être le semblait elle simplement, quoique…

En ce temps, la nature avait tous les droits, ses créatures vivaient librement. L’équilibre était parfait, le cycle, entier. Tout était plié aux inspirations et expirations de la nature même. Certains enfants de la terre, à cette époque, se mêlaient même aux hommes afin de leur prodiguer conseils, et aide lorsque le besoin s’en faisait sentir. Quelques dryades, sans être part de la communauté à part entière (N’en ressentant pas le besoin), vivaient à proximité des humains, observant leurs faits et gestes, enclines à la cohésion.

Ces êtres étaient respectées, et perçues comme les avatars des dieux de la nature, de la trinité. Elles étaient 6 à se lier avec la communauté humaine, depuis ses débuts. 2 ferventes de la créations, disciples de Melurine : Aalathaë et Lioa’Thaël. 2 ferventes de Lathan : Eäliya et Daeralah. Et bien sur, 2 ferventes de Vaerdon : Zhasheloa et Hanaëlth.

Les 6 dryades devinrent les guides de la communauté, les aidant au besoin, les sensibilisant au culte de l’équilibre et à toutes ses facettes. Certes, les dryades s’opposaient parfois, mais toujours il y avait un certain équilibre. Le cercle de pierre fut érigé en ces temps anciens de cohésion, avatar du culte des trois dieux. Les arches de pierre destinées à Melurine étaient situées à l’est, côté du soleil levant. Celles destinées à Lathan au sud, cœur et équilibre du jour, et celles destinées à Vaerdon, à l’ouest, là où le soleil meurt. Une arche par dryade, deux pour chaque dieu. En ce temps, le cercle était maintes fois foulé des pieds de fidèles, était vénéré comme lieu sacré.

Ainsi, dans cette routine mue par les forces de la nature, maintes années s’écoulèrent, maintes générations se passèrent, vivant dans une paix relative.

Puis, arrivèrent les gens venus de par-delà la mer. Des gens qui ne partageaient pas cet amour de la nature, cette cohésion avec elle. Ils ne manquèrent pas de tourner au ridicule le culte des indigènes. Ils venaient en conquérant, portant haut et fièrement les blasons dorés au nom du grand Thaar. Ils venaient, magnanimement, répandre la civilisation pour ces indigènes souffrant cruellement, selon leurs dires, du manque total de culture et de manières.

Ils arrivèrent en premier lieu jusqu’au village, où ils furent accueillis avec un mélange de méfiance, de crainte et de curiosité. Qui étaient donc ces étrangers étrangement caparaçonnés dans diverses armures de brillants métaux, scandant le nom de Thaar au sein de leurs diatribes semblant dissonantes aux oreilles de la tribu. En effet, les conquérants et les indigènes ne partageaient que peu de choses, et le langage n’était parmi ces choses.

Ils avaient apportés à la tribu maints… présents. Quelques pacotilles scintillantes, quelques objets quelconques, qui furent échangés alors que les rats de cale sortaient peu à peu des navires, cherchant eux aussi à conquérir cette nouvelle terre, porteurs parfois de quelques maladies inconnues des indigènes.

La tribu ne fut pas sans tenter de sensibiliser les arrivants à leur coutumes, expliquant avec une certaine patience celles-ci. Pourtant, les étrangers trouvèrent les curieux et les bienfaisants, qui se vouaient aux explications, pittoresques voire amusants. Quant aux méfiants, ils furent dès l’instant catégorisés comme hostiles.

Les nouvellement arrivés avaient maints plans pour cette lande nouvelle, pont entre leur continent de l’Est, et celui de l’Ouest. Dans leur tête, les choses étaient limpides. Soit les indigènes les aidaient à accomplir leurs desseins, soit ils étaient éliminés. Certes, les choses n’étaient guère énoncées ainsi, cependant, elles étaient telles. Le temps passant, les étrangers se firent plus insistants, établissement campement juste à coté du village, abattant pour se faire plus d’arbres qu’il ne le fallait. Ils se faisaient aussi oppressants à convertir à Thaar maints « païens » comme ils les nommaient. Certains indigènes cédèrent, et se virent affublés de la « civilisation » qui les rendait méprisables par leurs pairs qui les considéraient comme des traîtres au culte du cycle, tout comme par les nouvellement arrivés, qui les considéraient comme de méprisables primitifs inférieurs.

Peu à peu, au fil des pressions, et des événements (Car certes, les rats de cale avaient su répandre dans les terres leurs maladies venues de lointaines terres, répandant certaines épidémies parmi les indigènes et leur bétail, les décimant partiellement) naquit une froideur, qui devint hostilité, qui devint par la suite hargne réelle, entre les deux communautés.

Le camp des étrangers avait eu le temps de prospérer, de se fortifier, devenant embryon de cité et poste de traite médian entre deux continents. Il fut nommé Systéria et était situé là où sont à présent les bas quartiers et les quartiers de l’Ordre. Le camp indigène, lui, était situé dans la forêt, au nord du camp de Systéria.

Au fil du temps, et de la haine, et surtout des incessantes rixes, vint l’idée d’une manœuvre finale, de la part des étrangers. Un assaut unique, à grande rescousse d’effectifs bien armés et bien entretenus. Si on voulait faire de Systéria un endroit de commerce et un lieu prospère et civilisé, l’influence des indigènes devait disparaître. L’assaut se fit, de nuit, alors que nul indigène n’était préparé sauf une minime garde.

La nuit fut rouge. Rouge des flammes qui s’élevaient désormais, rouge du sang répandu vainement, d’un carmin fait de la hargne, de l’incompréhension, du mépris et de la peur. La tribu fut décimée littéralement, par les glorieux qui scandaient le nom de Thaar, et imbibaient le sol au nom de l’Unique foi. Certains échappèrent au tranchant de la lame, et à la pluie de carreaux s’abattant sur leur camp. Certains se regroupèrent, et s’en furent en diverses directions. Un groupement s’en fut vers les marais, un autre vers la vieille forêt. Ces deux groupes maudirent à jamais ces étrangers venus prendre leur lopin et souiller leurs dieux. Ils se jurèrent de ne plus laisser d’étrangers les approcher, jamais. D’autres s’en furent, en plus petits groupes, voire isolés, désormais vagabonds des forêts.

Ils ne furent guère poursuivis. Les étrangers, désormais chez eux, avaient encore fort à faire.
N’étaient pas tout à fait terminés les combats. Le chef de la tribu, encore parmi eux, implorait l’aide de la Trinité, se battant avec la ferveur du désespoir avec le petit groupement de ses hommes et femmes restant. Il est indéniable qu’ils réussirent à tuer et blesser maints étrangers, cependant, ces derniers étaient en surnombre sur ceux restant, et l’issue du combat était décidée avant sa fin. Peu à peu, les derniers bastions indigènes tombèrent. Le chef fut blessé, puis exécuté. Son dernier geste fut de cracher sur l’emblème de Thaar, que présentait le paladin qui lançait sa diatribe sur l’aide divine dans leur victoire incontestable, avant de périr décapité d’une lame considérée comme bénie par un prêtre combattant que la troupe avait sous la main. Par la suite, furent jetées bas toutes les représentations de la Trinité, tous leurs symboles. Ils tuèrent tous ceux se montrant hostiles à leur égard. Les autres, ils les emmenèrent, prétextant être magnanime, alors qu’en fait ils savaient très bien que ces indigènes leur serviraient « d’employés », ou en d’autres termes, esclaves pour les travaux les plus ingrats, jusqu’à, au fil des générations, ne plus se souvenir de qui ils étaient, et quelles étaient leurs anciennes traditions.

Sur le lieu de l’ancien camp indigène, le chef de la troupe des étrangers, un paladin particulièrement fervent déclara que la victoire cédée par Thaar se devait d’être louée et célébrée, et que sur les lieux de la grande victoire, serait bâti un somptueux temple à la gloire du grand Thaar. Ils firent que le camp se consume entièrement, en un feu dit purificateur. Ils firent que toutes les idoles soient démolies, jusqu’à la dernière, jusqu’à la plus petite. Puis ils montèrent une croix Thaarienne grossière, en attendant que la demande soit envoyée au continent, et que des architectes soient envoyés pour construire ce qui deviendrait un futur pilier de la future cité : le grand temple de Thaar.

La tribu fut dès lors considérée comme une nuisance éradiquée. Le cercle de pierre fut de moins en moins fréquenté, compte tenu du peu d’indigènes restant. Un des druides se décida un jour, après quelques années de fréquentation de la terre sacrée, encore intouchée des étrangers, et après constat désolant qu’encore bien peu de druides venaient, de couper les ponts reliant l’île sacrée avec le reste de la terre. Il remercia une dernière fois la Trinité pour avoir insufflé à la tribu la présence d’esprit de bâtir le cercle loin, très loin au sein de la forêt millénaire, là où la nature était plus présente que partout ailleurs, puis mit feu au pont liant l’îlot au sein du fleuve tropical au reste de l’île présentement nommée sous le nom de Systéria. Il demeura en terre sacrée, escomptant y passer la fin de ses jours, en compagnie des Dryades. C’est d’ailleurs ce qu’il fit. Suivant la voie druidique inculquée, les conseils des dryades, tirant tout ses besoins de la terre et remerciant ses dieux à chaque fois, il vécut plus de 500 ans ainsi, isolé sur son îlot. Une ou deux fois, au cours de ces siècles, sont venus certains descendants de la tribu, au sang mêlé avec celui des étrangers. Qui retrouvaient l’endroit en suivant les légendes transmises et déformées par leurs parents, et qui y parvenaient en traversant le fleuve, et en parvenant à descendre et remonter des deux falaises. Ils écoutaient les récits du druide des temps jadis, et juraient de conserver le secret de cet endroit, sauf aux réels initiés au culte des trois.

Puis, au terme de 500 années, advint un événement imprévu, qui troubla fortement la quiétude de l’îlot. Shayantha’Ikthar, un démon enfermé par la tribu il y a des lustres, à présent, s’éveilla de sa torpeur. Les souvenirs surent lui revenir. Il se souvint avoir été enfermé sous un arbre millénaire, par un groupement de shamans et de dryades, se souvint avoir été vaincu, se souvint que désormais il était enfermé dans cette salle de racine et de pierre à jamais. Cependant, il sentait peu à peu la force le regagner, le sortilège millénaire s’effritait peu à peu : la preuve n’était elle pas qu’il était à cette heure conscient ?

Il se mit alors à concentrer ses faibles forces afin de désagréger le sortilège le retenant, pour contrôler, ou détruire sa végétale prison. Ce prit de longues, très longues années, mais il réussit à affaiblir le sortilège, à accroître sa marge de manœuvre. Les feuilles de l’arbre millénaire jaunirent, et s’affaissèrent, compte tenu que l’arbre était la clef de voûte du maintien du sortilège. Il répandit son aura noire sur tout l’îlot, corrompant une part de la terre, souillant un pan de la nature qui le maintenait. Le vieux druide et les dryades sentirent ce bouleversement. Ils investirent tous leurs efforts à consolider l’ancestral sortilège. Cependant… l’énergie du druide fut aspirée dans la manœuvre, et il ne tarda à péricliter et mourir au sein de la forêt qu’il protégeait.

Au fil du temps, il arriva la même chose aux millénaires dryades. Chacune d’entre elle investit ses efforts pour maintenir actif le sortilège druidique, investissant toutes leurs énergies à ce fait, devenant immobiles, et impassibles, telles les arbres millénaires dont elles étaient entourées. Cependant, au fil des décades, des millénaires, elles s’épuisèrent. Au fil des ans, l’une d’entre elle : Daeralah, vint à mourir, son arche s’écroulant sur elle-même. Désormais, en ce jour, leurs forces sont moindres pour tenter de contenir le démon. Il est dit que si le démon était abattu, l’équilibre saurait revenir, et les dryades sauraient à nouveau guider les initiés au Cycle, sous la tutelle de la seule dryade de Lathan restante, Eäliya…

Lors d’une cérémonie qui ne s’était vue depuis des lustres en terre systérienne, des initiés du Cycle, des sympathisants, accompagnés de dryades, de satyres et autres créatures ignorées depuis longtemps des forêts, une énergie considérable fut concentrée au cercle de pierre. Étape par étape, après les prières au levant, au zénith et au couchant, les quelques individus en présence furent amenés jusqu’à l’arbre qui contenait le démon. Ils pénétrèrent à même les racines dans sa prison vivante, et eurent très tôt, face à eux, Shayantha’Ikthar. Dans une lutte sans merci, ils éliminèrent le démon, ou du moins le semblait-il…

C’est quelques temps après que Eäliya rapporta à certains initiés du culte de la Trinité et du Cycle une légende ancienne, plus ancienne que la colonisation par ces vils êtres des continents lointains. Était raconté, dans ces mots, une espèce de prophétie : « Quand tombera le mur du mal, prisonnier de la vie, alors le mur du bien, prisonnier de la mort, se redressera. » Selon cette légende, la dryade disparue devait se trouver quelque part… mais où?